Zitiervorschlag: Anonyme (Claude de Crébillon) (Hrsg.): "N°. 2.", in: La Bigarure, Vol.9\002 (1751), S. 9-14, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4963 [aufgerufen am: ].


Ebene 1►

N°. 2.

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Allgemeine Erzählung► A Cette demande, le Sieur Baron, & ses consorts, ont opposé une plainte, qu’ils ont faite à la Cour, dont ils ont obtenu un Arrêt qui leur permet de faire informer de tous ces faits, circonstances, & dépendances, & par addition, à ceux qui sont mentionnez dans leur première plainte rendue au Châtelet par devant M. Severé, Conseiller au dit Châtelet. ◀Allgemeine Erzählung

On procede actuellement à cette information, dont je vous rendrai compte, ainsi que des suites qu’aura ce Procès, qui fait ici beaucoup de bruit. *1

Metatextualität► En attendant la décision de cette affaire, que la circonstance de la brouillerie du Clergé avec la Cour rend encore beaucoup plus interressante qu’elle ne l’est déjà par elle même, je vais vous aprendre la décision d’un autre Procès dont je [10] vous ai rendu compte, il y a huit mois, & dont le sujet, quoique d’un genre bien different de ce dernier, ne laissa pas que de vous amuser alors. ◀Metatextualität C’est celui qu’un de nos Financiers, nommé de la Maison Rouge, grand debauché, comme le sont la plûpart de ces sortes de gens, avoit avec sa femme qui, pour des raisons très solides, demandoit à la Justice d’être separée de lui, & de corps & de biens *2 . Ce Procès, après avoir été long-tems discuté, grace à l’habitude où sont nos gens de Palais qui, lorsqu’ils ont de pareils Oiseaux dans les mains, ne s’épargnent pas à les plumer, vient d’être enfin décidé par un Arrêt définitif. Par ce jugement le Sieur de la Maison Rouge est condamné à tous les dépens, dommages, & intérêts, envers son Epouse avec la quelle tout commerce, direct, ou indirect, lui est interdit.

Voilà les beaux & dignes fruits que produit ordinairement la fréquentation de nos filles d’Opera, & l’obligation que ce Financier a, en particulier, à la Romainville, Actrice de ce Theatre, avec la quelle il entretient, depuis quelque tems, un commerce criminel qui l’a presque ruiné. Belle instruction pour tous les libertins & les sots qui, comme lui, se laissent prendre aux piéges de ces dangereuses Sirenes qu’on peut regarder, en général, comme la peste de la Société par le désordre affreux que leur libertinage & leur rapacité portent dans les familles ! Mille gens, aussi dupes, & aussi peu spirituels que cet épais Financier, pouroient en dire des Nouvelles, & me fournir, au besoin, des milliers d’Anecdotes des plus tristes qui ne confirmeroient que trop cette vérité, si elle n’étoit pas déjà reconnue de tout le monde . . . .

[11] Metatextualität► A propos de filles d’Opera, ce que je viens de vous en dire ici me rappelle une Nouvelle qui m’alloit echaper, & que je suis assuré qui vous fera plaisir ; ne fût-ce que par la part que je sçai que vous prenez à tout ce qui interresse le bien public. La voici. ◀Metatextualität

Vous vous ressouviendrez, sans doute, Monsieur, que le feu Cardinal de Noaïlles, Archevêque de cette Capitale, voulant reconcilier, en quelque façon, les Spectacles avec la piété & la Charité Chrêtienne, ou du moins que celle-ci en tirat un avantage considerable, avoit ordonné & établi, du consentement, & avec l’agrément de la Cour, que la quatrième partie de l’argent qui provient des representations, seroit donnée & appliquée au grand Hôpital-Général de cette Ville, pour concourir à la subsistance & à l’entretien des Pauvres qui y sont en très grand nombre, ainsi que dans plusieurs autres Hôpitaux considerables qui dependent de celui-là. Cette Ordonnance, qui est aussi sage qu’édifiante & utile au Public, avoit été fidellement & ponctuellement observée jusqu’à l’année derniere, que l’execution en fut suspendue. Voici à quelle occasion.

Nos Comédiens François, se trouvant ici fort endettez (ce qui n’est nullement surprenant pour ceux qui sçavent le train que menent ces gens-là) s’aviserent de presenter au Ministre un Placet par le quel ils lui demandoient que l’Ordonnance, concernant la part que les Pauvres tiroient de leur Spectacle, fût abolie, afin que l’argent qui en revenoit fût employé à racommoder leurs affaires. Cette demande, quoique des plus hardies, & encore plus déplacée, fut néanmoins si fortement apuyée, auprès du Ministre, par les Gentilshommes de la Chambre du Roi, qui sont [12] les premiers Superieurs & Directeurs de la Troupe Comique, que le Ministre, ne pouvant absolument pas resister à leurs pressantes sollicitations, ordonna provisionnellement, que le payement de la portion destinée aux Pauvres seroit suspendu jusqu’à ce qu’on eût trouvé quelque autre moyen de supléer aux besoins de Hôpital. Cette portion, qui, dans le cours de l’année, monte à des sommes très considerables demeura donc, en conséquence, en dépôt dans la Caisse du Trésorier des Comédiens, qui en fut fait responsable.

Cependant notre Archevêque, & les Magistrats de cette Ville, qui sont les premiers Administrateurs des Hôpitaux, voyant que les revenus ordinaires ne pouvoient pas subvenir à l’entretien & à la subsistance des Pauvres, dont ils regorgent, ont fait, à ce sujet, au Roi de très patetiques rémontrances. Elles n’ont point été infructueuses, puisque S. M. vient d’ordonner, en conséquence, que les fonds qui étoient restez en dépôt, depuis l’année derniere, seroient portez, & rendus à l’Hôpital-Général au quel ils appartiennent, & que l’Ordonnance rendue ci-devant par S. M., à la sollicitation du feu Cardinal de Noailles continueroit de s’observer à l’avenir, comme par le passé. Par cet Arrêt les Pauvres ont gagné leur Procès contre les Comédiens, au grand contentement de tous les gens de bien. Pour s’en consoler, ces derniers publient que la Cour leur permettra d’augmenter d’un quart, ou d’un tiers, le prix des places ; ce qui fera pour eux le même effet. Cette augmentation, qui n’existe peut-être que dans leur idée, à occasionné l’Epigramme suivante.

[13] epigramme.

Ebene 3► Jadis pour entendre Moliere,
Corneille, Racine, Regnard,
Et voir ces Chefs-d’œuvres de l’Art
Admirez de la Terre entiere,
Quinze sols en faisoient l’affaire.

Mais aujourdhui, Damis, notre malheur est tel,

Notre chance est si differente,

Qu’on prétend desormais que nous en payions trente,

Pour entendre . . . Et qui ? . . . Marmontel ! *3 . ◀Ebene 3

Metatextualität► Puisque la Chronique Scandaleuse de notre Ville a fait jusqu’ici la matiere de ma Lettre, je vais, Monsieur, la continuer sur le même ton. ◀Metatextualität Je vous dirai donc que la célebre Communauté de filles, établie en cette Capitale, pour le service du Public, par la fâmeuse Dame Paris dont je vous ai parlé quelque fois, devient de plus en plus florissante, grace à l’humeur plus que galante de nos concitoyens. La réputation qu’elle s’est faite, parmi ceux qui la frequentent, vient de faire éclore la piéce de Vers que voici.

l’ultramontain détrompé.

Ebene 3► Un Devot, Sujet du Saint Pere,

Passant, l’autre jour, à Paris
Devant le galant Monastere
Qu’afferme la Dame
Paris . . . . .

[14] Quelles sont ces gentes Poupées
Si fringantes, si bien nipées,
Demanda le Dévot surpris ? . . . .

Ce sont, lui dit quelqu’un, des Nimphes de Cypris
Que le Clergé François, que la Cour autorise
Pour eteindre les feux de notre Convoitise . . . . .
Comment ? . . . Que dites-vous ? repartit le Béat....
Je vous dis que ce sont Prêtresses de Cythere
Qui, sous le bon plaisir de notre Magistrat,
Offrent à tous venants leur galant Ministere

Pour adoucir le Célibat

De l’Abbé, du Marquis, & même du Prélat . . . . .

Quoi ! reprit l’homme à face blême,

Vous suivez donc aussi, vous autres, ce Sistême ?

Salva res est. A votre aversion

Pour le Saint Père, & pour sa Constitution *4 ,
François, je vous prenois pour de francs Hérétiques ;

Mais je change d’opinion

Voyant passer chez-vous nos plus saintes rubriques.
A ce Temple à l’Amour élévé par vos mains

Je vous reconnois Catholiques,
Et très Catholiques-Romains
(a5 ). ◀Ebene 3

J’ai l’honneur d’être &c.

Paris ce 30 Mars 1751.

◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

Jeudi 8. Avril 1751.

◀Ebene 1

1* C’est par anticipation, ou plutôt faute d’avoir été instruits du détail de ce Procès, que la plûpart des Gazettiers, qui n’ont fait que se copier les uns les autres, ont annoncé la décision de cette Cause qui se plaide encore actuellement. Ils ont apparemment été trompez par quelqu’un qui aura pris pour un Arrêt décisif celui que l’on vient de voir qu’avoit obtenu le Curé, & dans le quel ils ont encore confondu la Requête du dit Curé dont on vient de lire le contenu.

2* Voyez notre Tome IV. pag. 105. & suiv.

3* Poëte Dramatique, connu par quelques Tragedies nouvelles ; mais dont les talents Poëtiques sont infiniment au dessous de ceux des grands génies dont il est parlé dans cette Epigramme, & même de beaucoup au dessous de ceux de Messieurs de Voltaire & de Crébillon.

4* La Constitution, ou Bulle Unigenitus, donnée, en 1713, par Clement XI.

5(a) Tout le monde sçait que les mauvais Lieux sont autorisez, ou du-moins tolerez, à Rome, par le Gouvernement, ad duritiam cordis. On en a raporté les raisons, qu’on peut voir dans le No. 18. de notre Tome III. pag. 139.