Zitiervorschlag: Anonyme (Charles de Fieux de Mouhy) (Hrsg.): "No. 33.", in: La Bigarure, Vol.2\033 (1749), S. 105-112, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4918 [aufgerufen am: ].


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N°. 33.

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Metatextualität► Les plaisirs du Carnaval, auxquels vous sçavez, Madame, qu’il est absolument impossible de se refuser, ont été cause que j’ai laissé partir plusieurs Postes sans avoir l’honneur de vous écrire ; mais j’apprends que mon Frere y a supplée, ce qui me fait beaucoup de plaisir. Au reste mon silence ne vous a pas fait grand tort, vû la stérilité de Nouvelles de toute espèce où nous nous trouvons ordinairement ici dans cette saison, pendant laquelle chacun n’a d’autre occupation que celle de se bien divertir. Vous sçavez jusqu’où va la passion de nos Parisiens sur ce point ; & que lorsqu’on est dans un païs, il faut en suivre les Usages, ainsi j’espére que vous ne me voudrez point de mal de ce que je me suis conformée à celui-ci pour lequel notre Sexe a naturellement tant de penchant. Ne croyez cependant pas que je vous aye totalement oubliée pendant ce tems là. Non, Madame. Ne pouvant faire davantage, j’ai mis de côté, pour vous, quelques piéces de Vers dont on m’avoit fait part, & que voici. ◀Metatextualität

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Le Frelon et l’Abeille

Fable.

Un jour certain Frêlon, à la tête légére,

S’arrachant avec peine aux douceurs du sommeil,
S’élança dans les Airs au lever du Soleil.
De quelques jeunes fleurs la beauté passagere
Mérita quelque tems ses soins & ses égards,
[106] Mais il fixa bientôt ses avides regards
Sur un Rayon de Miel qu’une Abeille étrangere
Laissoit à l’abandon dans des lieux à l’écart,
Tandis qu’aux environs elle alloit avec art
Cueillir le suc des fleurs de quelque beau parterre.
Notre Frêlon friand s’approche, sans façon
Goûte le Miel, & le trouve assez bon
Pour former le projet de s’efforcer d’en faire
Sur le modelle. A l’ordinaire
L’Abeille en peu de tems s’en revint au logis
Et vit en entrant le Compere
Après son Miel. Bon-jour, dit-il, ma chere,
Avec vous librement vous voyez que j’agis ;
Mais votre Ouvrage au goût offre tant de quoi plaire,
Il est si délicat . . . . . Arrêtez, je rougis
D’un éloge si peu sincère,
Dit en l’interrompant, la modeste Ouvriere.
Tout compliment à part, reprit-il, si je puis
Sur votre art obtenir de vous quelque lumiere,
J’en prétends au plutôt pénétrer le mistere ;
Daignez me seconder dans ce noble dessein.
L’Abeille se rendit à sa vive prière.
Long-temps notre Aprentif travailla, mais en vain.
Il voulut s’efforcer d’égaler sa Maitresse,
Mais il n’en eut jamais ni l’esprit, ni l’adresse.
Enfin déséspéré de son peu de succès,
Et jaloux de quelques progrès.
Qu’avoit fait sous ses yeux l’Abeille solitaire ;
Le dirai-je ? l’ingrat Frêlon
A décrier son Miel mit son étude entière,
Dit qu’il n’y trouvoit rien de bon.
Devenu Frêlon plagiaire,
Pour mieux fronder son Adversaire,
Il donna comme sien un passable Rayon
Dont il n’étoit proprietaire
Que par un vol hardi qu’il fit, en vrai fripon,
Dans une Ruche ouverte à la gent Erêlonniere.
Qu’il est de gens dont trait pour trait
On voit ici le caractère.

[107] La plûpart du tems d’un bienfait

L’Ingratitude est le Solaire. ◀Ebene 3

Cette Fable, dont on ne m’a point nommé l’Auteur, peut servir de leçon à deux de ces Messieurs de notre connoissance, Madame, qui se sont dits pendant long-tems de nos Amis, & qui, malheureusement pour eux, ne se sont depuis que trop fait connoitre. Vrais Frélons dans la République des Lettres, dont néanmoins ils se croyent & se disent les Abeilles, ils ne sçavent que mépriser & décrier tout ce qui ne vient pas d’eux. Mais s’ils ont quelque ressemblance avec ces dernières, ce n’est que par leur dangereux éguillon dont les fréquentes piquures <sic> leur ont enfin attiré la haine & l’indignation des grands & des petits. Se compromettre avec cette sorte d’insectes, qui ne sont aujourd’hui que trop communs dans le monde, ce seroit les imiter ; & je n’en ai ni le tems, ni la volonté. Le mépris & le silence est le parti que prendra toujours, avec ces sortes de gens, toute personne sensée, comme ce fut celui que prit, avec le Frêlon, l’Abeille de la Fable que vous venez de lire.

Ebene 3► Fuyons, surtout, fuyons ces basses jalousies,

Des Vulgaires Esprits malignes phrénésies.
Quiconque à quelque esprit n’en peut être infecté ;
C’est un vice qui suit la médiocrité.
. . . . . . . . . . . . . .
Ne descendons jamais dans ces lâches intrigues ;
N’allons point à l’Honneur par de honteuses ligues
. *1 ◀Ebene 3

Metatextualität► Pardonnez-moi, Madame, cette petite disgression qui s’est trouvée au bout de ma plume & qui m’est échappée. ◀Metatextualität Peut-être m’en sçaurez vous gré lorsque je vous aurai dit qu’un de ces Messieurs, obligé de se dérober au juste ressentiment de son Souverain qui étoit sur le point d’éclater contre lui, ne l’a évité que par une sui-[108]te des plus promptes qui l’a transporté dans votre voisinage. Comme la fréquentation d’un pareil homme ne peut être qu’extrêmement dangereuse, sur-tout pour les personnes de notre Sexe qu’il a de tout tems deshonoré, je croirois vous rendre un très mauvais office si je ne vous en avertissois pas . . . . Metatextualität► Je reviens aux piéces de Vers que je vous ai promises. ◀Metatextualität

En voici une que les Plaisirs du Carnaval ont occasionnée. Vous sçavez, Madame, qu’un des divertissements que l’on se donne en Province dans cette saison, est celui de la Comedie, amusement aussi honnête que innocent, & contre lequel néanmoins les Moralistes Provinciaux ne se lassent point de déclamer dans les Chaires. Leur Rigorisme sur cet article a fait naitre le Sonnet suivant que j’ai reçu d’une personne dont le moindre des talents est celui de la Poësie.

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Sonnet

Sur la Comédie.

Pasteurs qui nous damnez dans vos Sermons séveres,

Le Sage dit qu’il est des moments pour prier,
D’autres moments pour rire, & d’autres pour pleurer
*2  ;
Pourquoi nous imposer des régles plus austeres ?
Sur le Théatre on peut badiner, folâtrer,
En jouant des humains les divers caractères ;
Dans l’Eglise on ne doit que gémir, soupirer :
L’un est le lieu des Ris ; l’autre l’est des Mystères.

Cependant tous les jours, prés d’un sacré pilier,

On voit mille étourdis & rire & babiller ;
Abolissez plutôt ce Sacrilége exemple.

Le Seigneur, qui jadis condamna le péché,

N’empêcha pas les jeux au milieu du marché ;
Il ne chassa que ceux qui profanoient son Temple.
◀Ebene 3

[109] Ce Sonnet étoit accompagné de l’Histoire suivante dont on m’a priée de vous faire part. Metatextualität► C’est une vraie Avanture de Carnaval qui pourra vous divertir. Je vous l’envoye telle que je l’ai reçue. ◀Metatextualität

Ebene 3► Brief/Leserbrief► « Nous venons, Madame, d’être témoins d’un événement trop Comique pour ne pas vous en faire part, & vous en divertir, aussi bien que vos amies auxquelles je vous prie de vouloir bien le communiquer. Comme vous m’avez fait la grace de me mettre de ce nombre, il est juste que je vous en marque ma reconnoissance en contribuant, du moins autant que je le puis, à vos plaisirs, & je crois que le recit de cette avanture pourra vous en faire.

Vous sçaurez donc qu’il y a environ quinze jours qu’il nous arriva ici une troupe de Comédiens dont l’intention étoit de nous aider à passer gayement, moyennant notre argent, le reste de notre Carnaval, & d’en partager avec nous les agréments. Cette troupe étoit à peu près dans le goût de celle dont Scaron a si comiquement raconté les Avantures dans son Roman. Si ce facétieux & burlesque Ecrivain étoit encore au monde, & qu’il eut vu celle-ci sans doute qu’il l’auroit écrite d’un stile dont je suis persuadée d’avance que le mien n’aprochera pas ; mais je ne prétends ici que vous raconter des faits que je laisse à un chacun la liberté d’embellir autant qu’il lui plaira.

Ebene 4► Allgemeine Erzählung► Cette troupe ayant pris toutes ses mesures & fait tous le <sic> préparatifs nécessaires pour l’ouverture de son Théatre, débuta par la piéce d’Andromaque, Tragédie de M. Racine. La réprésentation de cette piéce plut infiniment, tant par sa beauté, que par le rôle d’Andromaque qui fut assez bien exécuté par une jeune Actrice qui n’étoit au Théatre que depuis quelques jours, & qui étoit l’Epouse de l’Arlequin de cette troupe. La piéce ayant été redemandée, & cette jeune Actrice étant en partage avec une autre, il y eut entre ces deux femmes une altercation des plus vives pour sçavoir la quelle des deux joueroit le rôle d’Andromaque. La jeune soûtenoit qu’elle de-[110]voit le jouer, puisque le Public le redemandoit ; & l’autre prétendoit que ce rôle lui étoit dévolu par droit d’Ancienneté, par d’autres raisons qu’elle allégua. La contestation ayant été portée jusqu’aux invectives & en termes qui dérogeoient à la dignité de la Princesse dont elles disputoient le rôle, elles en porterent chacune leurs plaintes, l’une au Gouverneur de la Province qui réside actuellement dans notre Capitale, & l’autre à notre Lieutenant de Police. Ce Magistrat, de fraiche datte, crut que pour signaler son avénement à sa nouvelle dignité, il devoit commencer son Ministere par un coup d’éclat qui fit parler de lui. Metatextualität► Il y a effectivement réussi, mais non pas selon son intention, comme vous l’allez bientôt voir. ◀Metatextualität

Dans cette vue il envoya chercher l’Arlequin avec lequel il se prit sur le ton le plus haut, & qui approchoit même du brutal. Celui-ci, peu accoutumé à de pareilles harangues, & qui d’ailleurs étoit protégé par le Gouverneur, récusa son Tribunal pour décider de cette affaire ; ce qui mit le Magistrat dans une si grande colère, qu’il jura de se venger de l’affront qu’il prétendoit que le Comedien avoit fait à sa personne & à sa dignité. Mais un ordre supérieur l’empêcha d’aller plus loin, & lui enjoignit de laisser la troupe tranquille. Il obéit, quoique à regret, & le Spectacle étoit fort suivi.

Trois ou quatre jours après, on mit au Théatre la Comedie des Amants réunis, par M. de Beauchamp. Le Magistrat y assista, & fâché de n’avoir pas pu se venger de l’insulte qu’il prétendoit avoir reçu, il fit touts ses efforts pour interrompre la réprésentation, en conversant si haut avec quelques Dames qui étoient dans la même Loge que lui, que la jeune Actrice, qu’il interrompoit, fut obligée de le prier de parler plus bas. Il ne lui repondit que par des paroles plus que grossieres. L’Arlequin, qui entra pour lors sur la Scène, lui demanda la même grace ; mais au lieu de donner cette satisfaction au Public à qui [111] il faisoit perdre les plus beaux endroits de la piéce, notre Vénérable Magistrat apostropha l’Arlequin d’un coup de poing si violent, qu’il fit tomber son masque. L’Histrion qui pour lors n’avoit point d’autre deffense que son Sabre de bois, se revengea, en lui en déchargeant plusieurs coups sur la tête ; ce qui fit beaucoup rire l’Assemblée ; Mais le plus divertissant fut de voir la jeune Actrice qui, pour venger son mari, dont en brave femme elle crut devoir prendre le parti, interrompit son rôle, alla se jetter sur notre pauvre Magistrat qu’elle prit à la gorge, lui arracha sa Cravate, & après l’avoir houspillé avec toute la colere dont une femme est capable, lui ôta sa perruque qu’elle fit voler dans le Parterre où elle fut long-tems le jouer d’une troupe de jeunes gens qui rioient à gorge déployée de cette Avanture vraiment Comique.

Apres s’être ainsi donné lui-même en Spectacle pendent quelques minutes, le Magistrat trouva moyen de sortir de l’Assemblée ; ce qu’il ne put faire sans essuyer une infinité de huées de la part de tous ceux devant qui il fut obligé de passer, & de la populace qui lui rioit au nez & le montroit au doigt en le voyant ainsi courir sans perruque ; mais il étoit bien résolu, de se venger de cet affront sur ceux qui le lui avoient attiré. Pour cet effet étant arrivé chez lui il y prit sa Robe Magistrale, & fit venir un grand nombre de Recors avec lesquels ils alla dans un Cabaret qui étoit dans une rue par laquelle l’Arlequin avoit coutume de passer pour s’en retourner chez lui, & de se rafraichir au sortir de Spectacle. Le Comédien n’y fut pas plutôt entré, qu’il se vit saisi par quatre Recors, & conduit dans une Sale où il trouva le Magistrat assisté de son Greffier, & d’un grand nombre de Recors.

Le premier s’étant mis à Verbaliser, notre Comédien, qui avoit été Clerc de Procureur, & par conséquent un maitre Espiegle, s’avisa sur le champ d’un détour pour éluder toutes les procedures du Magistrat. Ce dernier lui ayant demandé s’il le connoissoit, il lui répondit, avec une ingénuité affectée : Assurément, Monsieur. Vous êtes Monsieur le Lieutenant de Police de cette Ville. Nous sommes bien fâchez que vous ne vous soyez pas trouvé aujourdhui à la Comédie ; Vous auriez interposé votre autorité pour en faire chasser un certain quidam, habillé de noir, qui m’a donné des coups de poing en plein Théatre, ce qui a accasionné un Bacchanale qui a interrompu le Spectacle. Ceci est une affaire qui concerne la Police. Je vous prie de vouloir bien me faire donner Acte de la plainte que je vous en fais. Il y avoit bien des Temoins qui pourront tous vous attester que je ne vous en impose point. A ce trait, notre Juge de Police déconcerté, & tout transporté de colere ne put proférer que ces mots, en prison, en prison. Les Recors executent aussi-tôt ses ordres, & le Comédiens, obligé de céder à la force, y est conduit. Il y est resté plusieurs jours malgré toutes les instances de Madame la Marquise de * * * *, [112] qui a inutilement demandé son élargissement au Magistrat lequel ne l’a accordé qu’à la sollicitation d’un Avocat des Amis de ce Juge, amitié fondée sur ce qu’ils ont été Camarades d’Ecole, ce qui est, dit-on, la seule preuve que l’on a qu’il ait été au College. ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 4

Voila, Madame, l’Avanture telle qu’elle est arrivée. J’ajouterai seulement ici que je n’ai jamais assisté à aucune Comédie qui m’ait divertie autant que celle-là. Je souhaite qu’elle vous fasse autant de plaisir, & à toutes les personnes auxquelles vous pourez la communiquer. J’ai l’honneur d’être &c. ». ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3

Cette Lettre, que j’ai reçue dans le tems même que je vous écrivons celle-ci, ne me laissant point de place pour quelques autres petites piéces de Vers que je voulois vous envoyer, ce sera, Madame, pour l’ordinaire prochain. En attendant, je suis très amicalement, &c.

Paris, ce 13 Fevrier 1750.

◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

Livres Nouveaux.

Qui se vendent à la Haye dans la Boutique de Pierre Gosse Junior Libraire de S. A. R. Madame la Princesse d’Orange et de Nassau.

A Bregé (Nouvel) Cronologique de l’Histoire de France contenant les Evenemens de notre Histoire depuis Clovis jusqu’à la Mort de Louis XIV, les Guerres, les Batailles, les Siéges &c. troisième Edition, fig. 4. Paris, 1749.

. . . . id. 8. ibid. 1749.

. . . . id. 8. la Haye, 1747.

Considerations sur le Genie & les Mœurs de ce Siecle, 8. Paris, 1749.

Oeuvres de Mr. Crébillion, 12. 3 vol. Nouvelle Edition. Paris, 1749.

Nouvelle Methode pour Pomper le mauvais Air des Vaisseaux, traduit de l’Anglois de Samuel Sutton, 12. Parts, 1749.

Observation sur les Plantes, par Mr. Guettard ; 12. 2 vol. Paris, 1747.

Geographie Sacrée & Historique de l’Ancien & du Nouveau Testament, par Mr. Robert, 12. 3 vol. Paris, 1747.

Art de faire Eclorre & d’Eclever en toute saison des Oiseaux Domestiques de toutes espèces par Mr. de Reaumur, 12. 2 vol. Paris, 1749.

Exposition des Découvertes Philosophiques de Monsieur le Chevalier de Newton, traduit de l’Anglois de Mr. Maclaurin, 4. fig. Paris, 1749.

L’Ecole du Jardin Potager, 12. 2 vol. Paris, 1749.

Le Deguisement Pastoral Opera Comique en un Acte, 8. la Haye, 1750.

Jeudi le 26. Fevrier 1750.

◀Ebene 1

1* Despreaux, Art. Poétique, Chant IV.

2* Salomon, dans son Ecclésiaste. Chap. III.