Un de nos moralistes dont on pourroit dire qu’il frappoit fort, mais qu’il ne frappoit pas toujours juste, prétendoit qu’il
Ce jugement, qui ne fait pas honneur à l’humanité, paroîtra peut-être moins humiliant à ceux qui se rappelleront que le blasphême, l’hérésie, le rapt de séduction, le duel, l’adultère, le péculat, les injures contre le prince exposoient le coupable à la mort.
Aujourd’hui, plusieurs de ces délits sont effacés de notre code criminel, mais notre sécurité n’en est pas plus grande ; et, il faut l’avouer, il est bien petit le nombre de ceux qui n’ont pas mérité l’échafaud ou les fers, d’après les réglemens que le gouvernement révolutionnaire a proclamés.
Que diront un jour nos descendans de ce code enfanté dans un siècle de lumières, d’humanité, et où l’on a tant déclamé contre la sévérité de nos mauvaises loix et la disproportion entre les délits et les peines ?
Ils y verront que le marchand, qui n’a pas voulu perdre sur ses toiles, ses draps, ses comestibles, et en réduire le prix sur un tarif arbitraire, s’est exposé à passer des années dans la gêne et les fers ;
assignats en marchandises, sans en déclarer la valeur et la quantité, a couru le même danger ;
Que le chef de famille, auquel il ne restoit plus pour subsister que quelques pièces d’or, a bravé ce sort affreux, s’il a consenti à recevoir en papiers le prix qu’on lui offroit de son numéraire ;
Que le cultivateur, qui s’est cru le maître de disposer des fruits de sa propriété, s’est vu en danger de la perdre avec la vie ;
Que le citoyen, assez téméraire pour exposer ses doutes sur la stabilité de notre gouvernement, et laisser entrevoir qu’il n’étoit pas éloigné de revenir à celui qui n’est plus, a, malgré la liberté des opinions, été puni de mort pour n’avoir pas étouffé sa pensée ;
Que le père, qui, dans un premier mouvement de la nature, s’est emporté contre la loi qui lui ravissoit tous ses fils et les envoyoit aux frontières, ne doit la vie qu’à la modération de ses magistrats ou au silence des dénonciateurs ;
Que celui qui a recueilli dans sa maison un père, un fils, un ami poursuivi par la
Que l’épouse, qui, touchée de l’indigence d’un mari fugitif, à <sic> tenté de lui faire parvenir quelques secours modiques, a été jugée indigne de vivre ;
Que le serviteur, qui a révélé les secrets de son maître, trahi sa confiance, découvert son or, ses pierreries, a été récompensé de son infidélité.
Quelle opinion concevront-ils d’un gouvernement qui a transformé les vices en vertus, et les vertus en crimes ? Leur étonnement redoublera, s’ils apprennent que, sous ce gouvernement étrange, on s’occupoit de l’éducation publique, de composer pour la jeunesse des livres de morale, de lui former des instituteurs. Sans doute, diront-ils, ces instituteurs lui répétoient qu’elle devoit être ingrate envers ses bienfaiteurs, trahir l’hospitalité, violer les sentimens naturels, repousser toutes affections, être perfide envers l’amitié, inexorable pour la misère : car si elle avoit eu le malheur de recevoir d’autres sentimens, elle auroit couru le risque d’être condamnée pour avoir suivi les leçons de la vertu et de la probité.
Voilà pourtant le langage que ce fameux triumvirat, aujourd’hui dans la poussière, a osé tenir ; et il a été entendu avec respect et obéi avec crainte pendant près d’une année ! . . .
Il n’est plus, mais son abominable ouvrage subsiste encore ; nous ne l’avons pas encore détruit avec cette indignation qu’auroit dû inspirer la production du crime et de la tyrannie !
Si le gouvernement républicain, le plus beau, le plus libre de tous, ne pouvoit exister qu’à l’aide du plus redoutable, du plus tyrannique des gouvernemens qui ait effrayé les sociétés humaines, il faudroit renverser l’un et l’autre : non, il ne lui est pas nécessaire, il ne le lui a jamais été ; il ne peut lui être qu’opposé ; et je soutiens que les hommes qui ont donné à la république cet appui hideux furent les plus criminels contre-révolutionnaires : rendons aux François, se dirent-ils, ce que nous appelons le règne de la liberté, si horrible qu’ils soupirent
(I) Extrait des ).
gouvernement suppose la stabilité de l’ordre et des loix ; le mot révolutionnaire suppose au contraire l’absence des loix, l’irrégularité, l’instabilité. Comment associer deux idées qui s’excluent ? Il est à croire que leur association a été l’effet d’un profond machiavélisme ; car on s’en est servi pour justifier la violation de tous les droits. Jamais il n’exista d’arme plus meurtrière entre les mains des partis do-révolution. A l’aide de ce jésuitisme, on pouvoit perdre ou sauver à son gré qui l’on vouloit, et s’ouvrir une route facile à l’usurpation de l’autorité suprême.
Osoit-on élever la voix, et dire : pourquoi punit-on pour des délits antérieurs à la loi ? On vous répondoit : c’est que nous sommes en révolution. Pourquoi incarcère-t-on arbitrairement ? c’est que nous sommes en révolution. Pourquoi ne permet-on pas aux accusés de se défendre ? c’est que nous sommes en révolution. Pourquoi n’est-il plus permis d’émettre son opinion ? c’est que nous sommes en révolution. Pourquoi cette multitude de vexations, de concussions, d’exactions de la part des agens et des fonctionnaires publics ? c’est que nous sommes en révolution. Pourquoi ôte-t-on au peuple le droit, dont il sembloit être si jaloux, de nommer ses agens et ses fonctionnaires ? c’est que nous sommes en révolution :
Nous ne présumons pas qu’en conti-