Auxilium, præsens numen, inemta salus.
Les Eaux Minerales sont la ressource générale des Malades, le secours public des Medecins, des fontaines, où préside une divinité favorable, & qui donnent la santé sans qu’il en coûte rien.
Dans toutes les Assemblées publiques, il y a certaines gens bilieux & de mauvaise humeur, qui ne se sentant pas assez de merite pour s’attirer du respect s’en dedommagent, en rabaissant ceux qui se distinguent dans le monde. Ces sortes de personnes se trouvent sur tout dans ces lieux dans les quels une certaine Saison de l’Année ramasse un grand nombre de personnes de tout sexe & de tout âge, sous pretexte de s’y guerir de quelque maladie ; j’ai reçû en peu de tems plus d’une rame de papier en lettres, de
Une personne qui se signe
Je vous ai trop aïmé pour ne vous point haïr.
Mes correspondents de Paradoxes. Des discours si destituez de vrai-semblance, m’ont enfin porté à prendre la résolution, de m’y transporter moi-même, pour m’instruire par mes propres yeux de tout ce qui s’y passe, & j’ai executé ce dessein en revenant de ma maison de campagne. C’étoit quelque chose d’assez comique assurement, de voir un homme de mon âge & de ma gravité en robbe de chambre de Us & Coûtumes du lieu, & d’ailleurs cette masquerade me deguisoit parfaitement, & me procuroit le plaisir touchant d’être seul, quoique dans une grande foule. Ce n’étoit pas une petite satisfaction pour moi de voir un assemblage confus d’âges de rangs, & de sexes, partager sans distinctions les mêmes bienfaits de la Nature, & jouïr pêle-mêle des mêmes divertissemens ; je m’amusois souvent à remarquer quelle étenduë de terrain étoit couverte par les Jupes, & combien peu de place occupoient les Etres qui por-Stix qui rendoit les corps invulnerables, ou bien du Fleuve de Léthe, dont on n’avoit qu’à boire une seule fois, pour effacer de l’ame le souvenir de tous les chagrins passez.
operations morales imiter les operations Phisiques de ces merveilleuses sources, en rendant aux réputations malades tou-
Après vous avoir préparé ainsi à ce qui va suivre, Lecteur benevole, je vais vous régaler du Panegirique des Joueurs ; j’avouë qu’autrefois j’ai eu la témerité de parler fort cavalierement de cette classe d’hommes, mais je me fais un honneur de me retracter ; je sens trop qu’en m’opposant plus long-tems à l’opinion de tout ce qu’il y a de grand & de distingué parmi mes Compatriotes, je me rends coupable de l’orgueil le plus impertinent ; hélas, s’il falloit regarder d’un œil de mépris tous les adorateurs d’un aveugle hazard, quel vuide n’y auroit-il pas dans les Antichambres de nos Grands ! Je n’ai garde de changer des lieux si habitez en sombres deserts ; j’aime mieux rendre justice aux premiéres têtes du Royau-
En effet, le Jeu est une Ecole excellente pour les belles ames ; c’est une source de qualitez grandes & nobles ; peut-on voir un Cavalier perdre des sommes considerables sans froncer seulement le sourcil, qu’on ne reconnoisse en lui la serenité parfaite, & la fermeté inébranlable d’un vrai Philosophe ; si un Joueur jure, tempête, lance des imprécations vers le Ciel, peut-on ne pas lui trouver toutes les dispositions nécessaires pour briller à la tête d’un Bataillon ? N’a-t-il pas le caractere héroïque du grand
Nos Héros ne paroissent-ils pas dire,
Peut-on contempler attentivement la gravité qui régne autour d’une table
Puisque le Jeu est un amusement si noble & si utile, les Dames ne sauroient
En voilà assez pour prouver evidemment que les Joueurs de l’un & de l’autre Sexe sont des personnes souverainement respectables. Disons un mot de certains Poëtes aquatiques, dont les Chants contribuent beaucoup à l’heureuse operation des eaux ; on ne sauroit trop les encourager à multiplier leurs œuvres, que dans le langage de ce lieu, on peut appeler de veritables Alcalis. Electuaire lenitif renfermé dans une de ces belles productions ; je puis vous assurer que la Belle pour qui ce remede avoit été préparé, fut tout autant soulagée par ce cornet de papier, que par l’Electuaire même ; cependant telle est la malignité de certains Beaux-Esprits, qu’ils osent répandre le venin de leurs Satyres, sur des Ouvrages si salutaires ; que feroient-ils de plus, si ces bonnes gens introduisoient dans le monde de dangereuses nouveautez ; hélas, ils en sont bien éloignez, ils ne disent que ce qu’on a dit mille fois avant eux ; l’Amant est embrasé au milieu de l’eau, il trouve la mort où il cherchoit la guerison, sa Belle toute occupée de ses propres maux est insensible aux tourmens de celui qui l’adore. Je voudrois bien savoir quel mal il y a dans ces phrases ; on n’y sauroit critiquer que la frequente repetition ; mais voila justement ce qui en fait la bonté ; cette vérité est tellement incontestable, qu’un habile Medecin de ces lieux m’a assuré, que ces productions spirituelles produisent de si heureux effets, que l’Opium en a dans l’aîle, & qu’on ne s’en sert plus à
Medecins tous gens du meilleur naturel du monde. C’est à ces Messieurs charitables, que je dois l’avantage d’avoir été guéri dans une seule Semaine de plus d’indispositions, que je n’en ai euës pendant tout le cours de ma vie ; peu s’en faut, qu’ils ne m’ayent donné la mort par un pur principe d’humanité. A peine fus-je arrivé, qu’un habile homme m’ordonna quelques goutes de je ne sai quoi, pour réveiller un peu mes esprits, ce qui fit un effet si admirable, que le lendemain une bonne fiévre me força à me faire saigner. Le même jour on m’offrit un remede infaillible contre le Scorbut, & j’eus gratis une recette contre la Consomtion ; en vain voulus-je me dérober modestement à tant de graces; un Apothiquaire détaché par un de mes Bienfaiteurs vint m’éveiller de bon matin pour m’apporter un purgatif merveilleux ; je le payai, mais je lui dis en même tems d’un air très serieux, que je ne prenois jamais des remedes ; sur la foi de ce discours mon Hôte me prit pour un Marchand Italien, qui craignoit le poison ; mais l’Apothiquaire lui-même conjectu-
La civilité accablante de ces habiles Membres de la Faculté me força de hâter ma retraite de cet aimable séjour ; sans elle je me serois donné le tems de faire quelques recherches sur la nature de ces sources, auxquelles on attribuë tant de miracles, & au lieu de cette Rapsodie, j’aurois pû donner un Traité réglé sur tout ce qu’on voit là de remarquable : j’ai pourtant mieux aimé en dire peu de chose que d’être assez ingrat pour garder le silence sur les particularitez d’un lieu, où j’ai été accablé de si grands bienfaits ; il est naturel, ce semble, que tous ceux, à qui ce séjour a été avantageux, en marquent leur reconnoissance d’une maniere proprtionnée à leurs talens & à leurs moyens. Un Prince peut y fonder des Hôpitaux ; des gens riches font bien de s’y répandre en charitez ; le celebre M.