Zitiervorschlag: Anonym [Jean Rousset de Missy / Nicolas de Guedeville] (Hrsg.): "N°. XXVII.", in: Le Censeur ou Caractères des Mœurs de la Haye, Vol.1\027 (1715 [1714]), S. 209-216, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4013 [aufgerufen am: ].


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N°. xxvii.

Le Lundi 10. de Septembre 1714.

Ebene 2► Metatextualität► Voici enfin les premiers Actes publics de la société des Demoiselles Beaux-Esprits tels qu’on me les a envoïez j’ai reçû en même tems une plainte de celle qui est l’Auteur du Dialogue inséré dans notre précédente Feuille, mais c’est Mr. Scheurleer ou son Correcteur qu’il en faut charger, puis qu’il s’agit de fautes & de fautes grossiéres comme pag. 205. lig. 5. faire tous les lecteurs pour forcer, & pag. 206. un ne mis lig. 28. devant faut au lieu de lig. 30 devant soit. ◀Metatextualität

Ebene 3► Brief/Leserbrief► « Je suis ennemi, Monsieur, de la Morale de ces gens qui décident hardiment qu’il y a des cas où l’on peut manquer aux promesses qu’on a faites ; ainsi je me croirois indispensablement obligé à vous écrire celle-ci, quand je n’y serois pas forcé d’un autre côté par la crainte de m’atirer la haine des illustres Membres de nôtre Societé, si je manquois une [210] si belle occasion de contribuer à la propagation de leur réputation & de leur gloire, qui aparemment est une des fins de leurs Etudes assiduës.

Allgemeine Erzählung► Mon introduction le fit dans le tems que tous les réprésentans étoient assemblez, pendant un Prêche-d’après midi ; On mettoit à la coupelle un Livre nouveau qui est assez couru, & qui est intitulé Chef-d’Oeuvre d’un inconnu. Un Livre avec un tel frontispice pouvoit-il échapper à l’éxamen de nos Beaux-Esprits  & n’étoit-il pas juste qu’elles vissent s’il méritoit un tître si pompeux ?

On eut à peine nommé le tître que Mlle Esprinain se leva avec un air grave qui auroit convenu au Juge le plus sévére, en un mot, qui séoit fort bien à cette petite Personne qui s’érigeroit volontiers en Présidente, si avant qu’elle fut introduite dans la Société, on n’en avoit bani cette dignité. Ce Livre, Mesdemoiselles, dit-elle, ne mérite point Vôtre attention, & rien n’a jamais été impprimé <sic> qui soit plus au dessous de l’élévation de vos Esprits. Il y a quelques jours que Mlle Phantasque, ce célébre Membre de nôtre Corps, [211] m’en parla dans les termes les plus méprisables, & si j’ose joindre mon sentiment au sien, vous ne regarderez le Dr. Mathanasius que comme un de ces Pédans de profession, de ses Commentateurs ennuïeux, de ces Critiques superbes, en un mot, de ces prétendus beaux Esprits bérissez de Grec & de Latin qui s’érigent en Juge décisif de tous les Ouvrages ; oui, il faut que ce soit un de ces petits génies, qui ne trouvent rien de bon, que ce qui sorte de leur petite cervelle : mais quand j’ai donné à ce fade Docteur le nom de Pédant, je devois vous faire sentir qu’on doit entendre ma pensée dans un tout autre sens que celui que peut avoir ce mot quand quelque étourdi le donne à des Génies du premier ordre comme à un S. . . . se à un le C. c. dont les noms seuls doivent exciter nôtre vénération : il est vrai, continua-t-elle, que je n’ai pas encore lû ce ridicule Livre, mais si quelqu’une de ces Demoiselles l’avoit, je suis sûre que vous en porteriez toutes le même jugement dès la prémiére page. Mlle. Phantasque entra dans ce moment, elle aportoit le Livre en question, on l’ouvrit, & on en parcourût toutes les feuilles en moins de trois minutes ; aussi-tôt Mlle [212] Esprinain reprenant la parole, n’est-ce pas avoir une grande demangeaison de s’érigier en Commentateur, dit-elle, que d’aller faire 180. pages de remarques sur les mots les plus communs de nôtre Langue : Hé ! si ce Docteur avoit tant d’envie d’écrire, que ne nous donnoit-il quelque belle traduction de quelques bonnes piéces de quelque ancien Auteur ? Comme de la noix, de la puce, du Rossignol, de la maniére de se farder, des trois Livres de la vieille, qui sont les plus beaux morceaux d’Ovide, au jugement de Mr. l’Abbé Anglisi qui m’en parloit ce matin en ces termes ; il ne faut pas douter que les Membres de nôtre Societé ne lussent de telles piéces avec plaisir ; mais venons au fait & voïons qu’elle est la matiére d’un si ennuïeux Commentaire. C’est une des plus jolies Ode qui ait jamais paru en public, cette piéce étoit très-digne d’être transmise à la Postérité par l’hûreuse mémoire d’une Dame, que nous aurions sans doute admise avec plaisir dans nôtre Société, si elle étoit encore en vie. J’en trouve les expressions, le sens, les Vers, tous dignes de nos louanges ; tout ce que je regrette c’est que cette Dame ne nous en ait pas transmis l’air, car vous sa- [213] vez, Mesdemoiselles, que qui dit Ode, dit Chanson, C’est le sentiment du célébre Mr. de la Mothe. En un mot, je ne crois pas que personne me démente, si j’ajoûte, que ce ne peut être que la production de quelque grand Esprit qui mérite à bon droit le nom de Chef-d’œuvre ; mais la beauté de la Piéce, qui, je crois, n’a pas un mot dont vous ne connoissiez toute la force, n’autorise pas ce long, ennuïeux & inutile Commentaire, & je ne puis que blâmer le Dr Mathanasius ou Methelius, (car c’est son véritable nom ;) d’avoir tant gâté de papier.

Toute l’Assemblée aplaudit au jugement de l’incomparable Esprinain, & l’Assemblée se sépara sans qu’on ait agité d’autre sujet. Plain d’admiration pour les talens de cette Savante, je résolus de lier avec elle une plus étroite connoissance, & je fus hier lui rendre visite, nous nous entretîmes des choses d’érudition, j’eus l’honneur de voir sa Bibliotheque, qu’on peut apeller choisie, & qui consistoit la plûpart en Livres écrits contre le Papisme, l’Arianisme, le Socianisme, &c. : quelques réfléxions Philosophiques & Tgéologiques <sic>, & dans [214] un amas de Commentaires sur la Bible ; enfin la conversation étant tombée sur quelque sujet qui avoit raport à la justice, je lui fis part du chagrin, que me donnoient quelques-uns de mes Parens, qui vouloient me frustrer d’une partie de mon Patrimoine ; Elle fit aussi-tôt briller son érudition dans les affaires du Bareau, & me donna des instructions sensées, qui avoient déja fait gagner un procès semblable à une de ses Amies. ◀Allgemeine Erzählung Mais ma Lettre est assez & peut-être trop longue : concluons du ridicule de l’entretien, dont je vous donne la Relation ; que

Il n’est pas bien honnête, & pour beaucoup de causes,

Qu’une Fille étudie & sache tant de choses.
Former au bien ses mœurs de ses plus tendres ans,
Etudier ses devoirs, sur tout choisir les gens,
Qu’elle veut fréquenter, vivre avec modestie
Doit être son étude, & sa Philosophie.

J’ai l’honneur d’être parfaitement, »

Polymorphe. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3

Metatextualität► Ceux qui ont lû le Livre censuré dans notre Société en auront, sans doute, du premier abord porté le même juge-[215]ment que Mlle Esprinain, excepté ce qu’elle dit à la louange de la Chanson qui est la plus sotte, & la plus mal tournée qu’auroit jamais pû faire le Portier de Mr. d’Argençon ; mais d’un autre côté rien n’étoit plus propre pour le projet de l’Auteur, qui n’a pas sauté aux yeux de Mlle Esprinain, elle ne sait pas que les vrais Pédans, pour qui elle paroît avoir tant d’admiration, font tous les jours ce que vient de faire le prétendu Docteur Matanasius, ou si l’on veut Méthelius ; ils étalent leur fade critique & leurs ennuieuses réfléxions sur des bagatelles sur les mots les plus intelligibles, sur les choses les plus claires, semblables à celui qui avertissoit le public que Boileau portoit la Péruque quand il disoit que de faux cheveux ornoient sa tête. Le faux Mathanasius ne pouvoit prendre un meilleur tour pour faire sentir tout le ridicule de ces Messieurs, que de copier leurs maniéres ; il a fait paroître ce brillant d’esprit dont il sait bien que la nature l’a partagé ; c’est ce qui me fait craindre qu’après avoir berné les Pédans, il ne le devienne lui-même, car si un Savant étoit un peu Pyrrhonien sur le chapitre de son propre savoir, nous vérions moins de ces or-[216]gueilleux Annotateurs qui s’imaginent avoir seuls l’Esprit de devination & le bon-sens en partage.

Pour ne point tomber moi-même dans le défaut des faiseurs de Remarques, je laisse volontiers au Public le soin de juger jusqu’à quel excès d’impertinence ne va pas une Femme qui change sa quenouille pour un cours de Phisique ou de Théologie ; ainsi c’est porter la sotise au delà de l’imagination que de s’irriter, comme ont fait quelques-unes de cette savante Société, parce qu’on les peignoit trop au naturel.

C’est assez, dit Tubor, Censeur il faut vous taire.

Je le veux, mais Tubor prenez vous en à vous,
Cessez d’être vicieux ; & manquant de matiére
Ma bile cessera d’alumer mon courroux. ◀Metatextualität ◀Ebene 2

On trouve chez Henri Scheurleer, Libraire à la Haye, l’incomparable Elixir salutis de Montpelier, qui se fait uniquement par Mr. Jaques Fabre à Groningue, & surpasse de beaucoup en Vertu celui du Docteur Anglois Ant. Dafti, selon le témoignage de plusieurs Personnes qui se sont servis de l’un & de l’autre. Il se vend 24. sous la bouteille.

A la Haye,

Chez Henri Scheurleer.

Et à Amsterdam chez Jean Wolters. ◀Ebene 1