Du Mardi 24. au
Jeudi 26. Mai 1709.
Quand on a du chagrin, on court aux plus
prompts remèdes sans examiner s’ils font les plus raisonnables.
L’histoire suivante servira de commentaire & de preuve à cette
Reflexion.
vous voyez ici la Femme du monde la plus
malheureuse. Je ne m’adresse à vous pour chercher un reméde à
mes maux. Vous êtes en reputation de savant Légiste, & de
profond Astrologue ; j’ai besoin de votre secour & de vos
lumieres pour me separer de mon Mari. Le Divorce que je demande
est fondé en raison, & je sai d’avance que, selon les Loix
municipales, la cause en est juste. Madame, lui dis-je, le mal dont vous vous plaignez
est de telle nature que je ne saurois vous répondre que vous ne
m’ayez instruit à fond de l’affaire. Il faut, s’il vous plait, que
je sâche de quoi il s’agit, & si vous voulez bien m’en faire
confidence, je vous prie de ne me rien déguiser. Monsieur, me repliqua-t-elle, je me
reposois sur votre savoir,
& ne croyois pas qu’il fût besoin de vous dire
pourquoi une Femme veut être separée de son Mari. Il ne faut pas
être grand Sorcier pour le deviner. Vous avez raison,
Madame ; lui répondis-je, mais puisque vous
voulez porter la chose en Justice, il ne suffit pas que l’on puisse
avoir des soupçons & des conjectures. Je dis plus : Quand bien
vos Avocats auraient une évidence entiere de la chose, ils ne
pourront rien faire pour vous, si vous ne parlez pas vous-même. Hé bien ! reprit-elle en se couvrant les yeux
de son Eventail, mon Mari n’est pas plus Mari que
le seroit un des Italiens qui chantent à l’Opera. Un
torrent de larmes suivit ces paroles.
Je vois bien, Madame, repliquai-je, que Ceci est plutôt une ironie qu’une
verité. Il n’y a qu’un Actre de Parlement qui puisse
dissoudre le Mariage, & cette faveur ne s’obstient
qu’après beaucoup de longueurs & de depenses, encore
n’est-ce guére que pour des Familles considerables où le
divorce est nécessaire ou pour y mettre la paix, ou pour
leur donner des héritiers.nos Loix vous sont
favorables & que vous gagnerez votre Procès devant les Tribunaux
de Justice. Mais pourrez-vous vous résoudre à en venir-là ? Vous
M’appercevant alors que la Belle étoit savante,& se servoit de
son savoir à propos, je crus qu’il m’y falloir prendre autrement,
& que les Exemples seroient plus d’opression sur elle que les
Leçons. lui
dis-je, je vous conjure de faire reflexion sur ce nombre
prodigieux de jeunes Beautés qui passent leur vie dans la Clôture.
Elles y sont privées de la vue ou du commerce des Hommes, &
cette perte ne les aflige point. Elles la supportent avec une
merveilleuse allegresse. Le Ciel occupe un tems qu’elles ne peuvent
donner à là Terre. Là Dévotion leur tient lieu de tout, ou s’il leur
faut d’autres plaisirs, elles les trouvent entre elles ou dans les
douces Conversations qui s’y lient, ou dans la tendre Amitié qui s’y
forme. Hé ! Monsieur, me repartit-vous me parlez là de
Papistes ; Ce sont des Idolâtres que nous ne devons pas
imiter. Soit, lui dis-je, n’en
parlons plus, Madame, mais oserois-je encore vous prier de jetter
les yeux sur la grande quantité de Demoiselles bien faites, qui
vivent avec honneur dans le Célibat, quoi qu’elles soient à toute
heure exposées aux tentations de la Galanterie dans une Ville où les
Galans manquent pas assurément. Mlle. V est encore fille à l’âge de
44. ans ; Mlle. T.... l’est encore à 39, & Mlle. L... à 33. Leur
état ne paroit point leur être à charge. Au C’est le Parc de St. James, la plus belle
Promenade qu’il y ait à Parc, à la
Comédie, dans les Assemblées, partout où elles vont, on les y voit
rire & se divertir, & cela d’une façon si dégagée que l’on
ne diroit presque pas que leur enjoûment soit un acte de
mortification.
On a joué ce soir Cette Foire, qui
se tenoit tous les ans au mois de Mai tout près de
Foire de Mai, qu’aux grandes
représentations du Théatre Royal. Voilà qui va tout finir à la fois.
Les Mommeries de la Foire font défendues, & le Théatre Royal va
de plus en plus en décadence. Les grandes revolutions de cette
nature me rappellent les malheurs de
Cependant comme elle craint que les Bergers du voisinage ne l’entendent & ne la reconnoissent, elle chante ordinairement en Italien :
Monsieur,
Mes Amis m’ont retenu ici une semaine de plus que
je n’avois dessein d’y demeurer. Leur intention a été de m’y
faire voir une de leurs Pièces que l’on joua hier au soir avec
beaucoup d’applaudissement. Tous les Acteurs en étoient de
simples Artisans qui, après avoir fait leur journée, gagnent le
soir un Florin à faire les Rois & les Généraux. Le Heros de
la Tragédie étoit un Tailleur qui avoit un Garçon de Caffé pour
son premier Ministre. Je ne pus voir l’Impératrice sans songer à
la Parthenope de la J’ai
dit ailleurs que cette Pièce est d’un Seigneur Anglois, qui,
pour se moquer de Dreyden, introduit ce Poëte formant un
Plan de Tragedie tout-à-fait ridicule, & pour le dessein
& pour les Personnages.Repetition ;