Du ,
le 13. Avril, 1709.
lui repliquoit-il, y
eut-il jamais d’impertinence égale à la vôtre ! »
Il ne falloit qu’une Epouse charmante ;
Nul appas ne manquoit à la Beauté
naissante,
Qu’en nom de Femme il prit à soi :
Elle étoit
faite au tour, & le je ne sai quoi,
Celui qui plaît,
s’entend, abondoit chez la Belle :
Mais avare, emportée &
grondeuse éternelle,
Sur des riens, & souvent contre toute
raison,
De cris elle faisoit retentir la Maison.
Ce dernier point
n’est que fort rarement,
Ou plutôt n’est jamais découvert à
l’Amant,
On réserve à l’Epoux ces fleurs de
Rhetorique.
Que
On
crut qu’il suffisoit des beautés de sa Femme
Pour immortaliser
son bonheur & sa flamme.
Cette flamme finit... & son
bonheur aussi.
Les premiers jours, tout alloit à
merveilles ;
Des deux côtez on n’eut d’autre souci
Que de se
témoigner des tendresses pareilles ;
Le même cœur sembloit
animer les deux Corps ;
C’étoit une union d’Amant & de
Maîtresse.
Peu de tems épuisa cette belle tendresse,
Et tous
deux à la fois reconnurent alors
Que les liens étroits du
Mariage
Unissent foiblement les cœurs,
Si le doux rapport
des humeurs
N’en cimente pas l’assemblage.
Et
lesinoit sur tout, à l’excès ménagere.
Et pour se regaler prodiguoit son
argent.
Chacun dans
la dispute exaltoit le mérite,
La querelle bientôt causa de
grands débats.
Les Esprits s’échauffant, ce ne fut que fracas ;
Mais l’Epouse sur tout entêtée, arrogante,
Le prend sur un
ton de hauteur,
Et ses discours, remplis & de fiel &
d’aigreur,
Sont soutenus d’une voix si bruyante,
Que
N’habite
presque plus dans sa propre Maison ;
Le Cabaret devient sa
demeure ordinaire ;
Il y passe le jour, & la nuit presque
entiere.
Mais lorsqu’il faut enfin retourner au Logis,
Il ne
peut y rentrer, qu’il ne trouve sa Femme
Debout, &
l’attendant pour lui chanrer sa game.
« Un peu trop tôt, Monsieur, vous avez
su vous rendre,
Encore une heure ou deux, vous deviez bien
attendre
Que le Soleil levé vous montrât le chemin.
Voilà
pour une Femme un ragoût admirable
Qu’un Estomac puant le tabac
& le vin !
Le bel état ! ô la Figure aimable !
Et c’est
pour cet Original,
Pour son beau nez que je suis faite,
Voyez un peu ce
Mignon de couchette ;
Il lui faut de l’esprit, du bien, de la
beauté,
De la vertu sur tout ! Eh quoi ! pour une Bête,
Qui
ne fait aucun cas d’un thrésor si vanté,
Qui le laisse
inutile… » Ah ! vous me rompez la tête,
Dit
Mais par
le vin encôr plus animé ;
« Entendrai-je toujours la même
impertinence ?
Ai-je exigé de vous que vous passiez la
nuit ?
Ne puis-je me coucher qu’avec votre assistance ?
Dans
la Maison, je croi, nous avons plus d’un lit.
Eh bien ! prenons
chacun le nôtre ;
Ne venez pas au mien, je n’irai point au
vôtre ;
Ainsi nous serons tous contens ;
De l’odeur de mon
vin vous ne pourrez vous plaindre ;
Et moi, je n’aurai plus à
craindre
Votre sotte harangue, &.vos airs
insultans.
Sans doute il falloit que
Eût perdu tout à fait le sens & la
Raison,
S’il eut la foiblesse de croire
Qu’un tel dessein
rendront la paix à sa Maison
Le mal en devint pire, &
Elle en étourdissoit ses
intimes Amis.
Dans ce nombre elle avoit un Oncle, homme
très-sage,
Et qui dans tout le Voisinage,
Passoit pour un
Oracle en fait de bons avis
Elle alla le trouver, lui dit sa
doléance,
Et lui fit de ses maux entiere
confidence.
Ingenûment elle lui conta tout.
Tout…sans taire
le point qui la poussoit à bout.
« Chere Niéce, vos maux ne sont
pas sans reméde,
Lui dit-il ; si plutôt vous m’eussiez
consulté,
Par un thrésor que je posséde,
Je pouvois, en un
mois, avec facilité,
Vous rendre le repos de toute votre
vie.
Dans mon Jardin coule un foible ruisseau,
Dont la
source presque tarie
Pour mouiller le gravier donne à peine
assez d’eau.
Cette eau, rare en tout sens, a la vertu
puissante
De rétablir la paix entre Femme & Mari.
De cet
effet admirable, inouï,
La cause est aussi
surprenante.
Cette eau, beaucoup mieux que le vin,
Par une
qualité secrette,
D’un Esprit inquiet dissipe le
chagrin ;
Des sombres passions arrête les
transports ;
Réveille au fond du cœur les plaisirs & la
joye,
Et, ma Niéce, pour vous le meilleur que j’y
voie,
C’est que l’effet heureux s’en répand au dehors,
Et
que sa vertu sympathique
Par l’Epouse à l’Epoux toujours se
communique.
Prenez cette Bouteille, & si tôt que chez
vous
Vous verrez rentrer votre Epoux,
De cette excellente
Eau remplissez-vous la bouche :
Sans l’avaller, tenez l’y
quelque temps,
Et, quand on vous diroit quelque mot qui vous
touche,
Attendez bien à desserrer les dents
Que l’operation
du Reméde commence ;
Une minute, ou deux d’effort, de
patience,
C’est tout ce qu’il vous faut, pendant un Mois
entier.
Commencez dès ce soir, & j’ose parier
Que dès ce
soir votre Mari plus tendre
Sentira tout le feu qu’il doit à vos
appas.
Au reste le secret que vous venez d’entendre
Est
connu de moi seul ; ne le divulguez pas ;
J’en réserve aux Amis
l’utile confidence.
Si le Public en avoit connoissance,
Pour tous ceux qui
voudroient en avoir au besoin »
Si
Et si son cœur sans peine endura le
délai
Du temps marqué pour en faire l’essai,
Je ne le dirai
pas ; chacun se l’imagine.
La nuit, à son avis, venoit trop
lentement.
Plus forte encor chez ce Sexe
charmant,
L’intéressoit tendrement à la chose.
Le Mari
vient ; il heurte à sa porte en tremblant,
Et s’étonne fort
qu’en entrant
Il trouve tout chez lui dans un profond
silence.
Point de bruit, point de cris. Oh ! oh ! dit-il, je
pense.
Que ma Femme est défunte. Et d’où vient que ce
soir
Je n’entends pas ici le sabbat ordinaire ?
Dans ce
moment Madame se fait voir.
Elle avoit pris l’eau
salutaire ;
Sa bouche en étoit pleine : Et du geste & des
yeux
Supléant au discours, pour suivre l’Ordonnance,
Même au
delà, d’une humble reverence
Elle accompagne un soûris
gracieux.
N’en croyoit point encor ses yeux ni ses
oreilles.
Nouveau soûris ; Reverence
nouvelle.
Avec attention considerant la Belle,
Il soûrit a
son tour ; il l’embrasse, « Et, ma foi,
Je ne sai, lui dit-il,
ce que ceci veut dire ;
Mais je sens en mon cœur les plus doux
mouvemens ;
Vos yeux & vos habits me paroissent
charmans :
Pardonnez le passé. Que ne puis-je ! » ...Il
soupire,
Il lui serre la main, & lui-même à son lit
Avec
l’émotion d’un Amant la conduit.
Pendant les trente jours que la
Bouteille dure,
Avec même succès on tente l’avanture ;
Ce
fut un mois de Paradis.
Mais, ce tems expité, recommencent les
cris,
Le lit à part, & toute la sequelle
De la
précedente querelle.
Et sa joye passée, & son présent
besoin.
La cure est difficile, & de l’Eau sans
pareille
Il lui faut une autre Bouteille.
« Ma Niéce,
voulez-vous, lui dit-il gravement,
Que je vous parle
franchement ?
Et non plus que les autres eaux,
Pour
la guérison de vos maux,
Elle n’a ni vertu, ni sympathie
aucune.
C’est de vous-même & de votre Raison
Que dépend
cette guérison.
De tant d’appas le Ciel vous a pourvue,
Que
si, de quelque adresse à la faire valoir,
Cette beauté se
trouvoit soutenue,
Sur le cœur le plus dur vous auriez tout
pouvoir.
A ces charmes divins joignez la
complaisance ;
Apprenez, quand il faut, à garder le
silence,
Et comptez qu’il n’est point de si bizarre
Epoux
Qui n’ait de la tendresse, ou du respect pour vous.
Cet Article est une raillerie des
Prédictions du Docteur La connoissance de
l’Astrologie m’a été d’un grand secours, depuis que je me