Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "XX. Dialogue", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\020 (1723-1725), S. 285-289, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2054 [aufgerufen am: ].


Ebene 1►

XX. Dialogue.

Ebene 2► Satire► Dialog► Metatextualität► D’une fausse Devote, & de son Maître d’Hôtel. ◀Metatextualität

La Devote.

He-bien ; vous êtes-vous souvenu que mon directeur me fait demain l’honneur de dîner ici ?

Le Maitre d’Hotel.

Tout sera bien-tôt prêt, Madame, & je vous servirai votre ordinaire.

La Devote.

Comment ! Que dites-vous ? mon ordinaire à mon directeur ! Jamais a-t-on rien ouï dire de pareil ? Voulez-vous qu’il croie que je l’invite pour l’insulter ? Pour qui me prendroit-on, si l’on sçavoit que je suis femme à ne donner à mon directeur, que mon ordinaire. [286]

Le Maitre d’Hotel.

Ma foi, Madame, votre ordinaire est assez bon, & je n’ai pas crû, que vous voulussiez qu’en l’augmentât pour un homme de plus.

La Devote.

Un homme de plus ! Ah ! mon Dieu, quel discours ! Un directeur est-il un homme ? Jamais a-t-on donné cette basse qualité à un directeur ? Puis je être devote, & avoir un Maître d’Hôtel assez insolent pour dire que mon directeur est un homme ? C’est ainsi que vous parleriez, coquin, si je n’avois à traiter qu’un Conseiller, ou qu’un Maître des Requêtes.

Le Maitre d’Hotel.

Quoi donc, Madame, ce bon Monsieur a-t-il tant d’appetit ? Est-ce parce qu’il mange comme quatre, que vous dites qu’on ne doit pas le regarder comme un homme de plus ?

La Devote.

Helas ! le pauvre homme, il ne mange point : C’est un Saint. [287]

Le Maitre d’Hotel.

Hé-bien, Madame, s’il ne mange pas, pourquoi augmenter votre ordinaire ?

La Devote.

Non, ce n’est point pour manger qu’il me fait l’honneur de dîner ici, c’est parce qu’il est plein de charité, & qu’il veut me donner la consolation de le régaler.

Le Maitre d’Hotel.

Comment le regalerez-vous, s’il ne mange pas ?

La Devote.

Je veux qu’on serve tout ce qu’il y a de meilleur ; qu’il y ait trois services, & quatre assietes, sans conter l’entremets & le fruit. Si on servoit moins, seroit-il content, lui qui est accoutumé à ne manger chez aucunes de ses Penitentes, qu’on ne lui fasse un festin ?

Le Maitre d’Hotel.

Vous n’avez qu’à dire, je lui servirai aussi un festin ; qu’à cela ne tienne. [288]

La Devote.

C’est bien mon intention ; mais écoutez, il ne faut rien servir qui ne soit exquis : car il mange si peu, le saint homme, qu’il pourroit bien sortir de la table sans manger, s’il ne trouvoit un peu dequoi se ragouter. Ne manquez pas sur tout d’avoir des pois verds.

Le Maitre d’Hotel.

On n’en trouve point encore, où s’il y en a, ils sont d’une cherté excessive.

La Devote.

Comment ! on n’en trouve point ; il m’a dit qu’il en a mangé il y a quatre jours chez une de ses Penitentes, chez qui il a aussi quelquefois la charité d’être regalé. Je ne prétends pas faire moins qu’elle, &, sans vanité, je croi qu’il n’a pas plus de distinction pour elle que pour moi ?

Le Maitre d’Hotel.

Vous aurez donc, s’il vous plaît, la bonté de me donner dix pistoles ; car je ne croi pas en avoir à moins & je n’ai plus d’argent. [289]

La Devote.

Il me semble que je vous donnai hier cinquante écus, ne les avez-vous pas encore.

Le Maitre d’Hotel.

Ouï, Madame, mais je dois, selon vos ordres, les donner à votre Lingere pour avoir des chemises à Messieurs vos enfans.

La Devote.

Ah ! mes enfans se passeront bien de chemises. J’en suis d’avis vraiment, que mes enfans ayent des chemises, pendant que je n’aurai pas dequoi donner des poids vers à mon directeur. ◀Dialog ◀Satire ◀Ebene 2 ◀Ebene 1