Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "Ami lecteur", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.1\000 (1723-1725), ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1754 [aufgerufen am: ].
Ebene 1►
Ami lecteur
Ebene 2► Metatextualität► Je vous donne ici un Livre, & par consequent, il vous faut une préface ; c’est la règle ; il y a assés d’apparence que vous ne la lirés point ; c’est la règle encore. Les idées d’ennui & de préface sont depuis un tems immémorial, si étroitement unies dans le cerveau humain, que l’une ne va gueres sans l’autre. Si pourtant vous daignés jetter les yeux sur cette piece préliminaire, vous la trouverés assés petite pour ne vous ennuyer que très-laconiquement. Il ne tenoit qu’à moi de la déguiser sous le titre d’Avertissement du Libraire. C’est une petite finesse passablement en vogue parmi mes collègues, les beaux esprits, qui sont charmés de se ménager la ragoutante occasion de se donner des éloges à perte de vûë, & de se payer de leur travail par leurs propres mains. Quoique le public soit plus dupe qu’il ne se l’imagine, il ne l’est pas assés d’ordinaire, pour donner dans cette orgueilleuse ruse, dont souvent l’unique effet consiste à decouvrir la fatuité des Auteurs, qui sont assés susceptibles de ce [II] petit defaut. Sans me servir de ce stratageme, & sans me casser la tête pour en inventer un nouveau, qui soit propre à faire gouter & ma Préface, & mon Livre, je vous dirai tout uniment, que voyant que le Nouveau Spectateur fait à present un volume d’une raisonnable grosseur, je vous invite à le lire tout de suite, si vous en avés le loisir & l’envie. J’ai tâché de le rendre amusant & instructif, & si vous trouves qu’il n’a ni l’une ni l’autre de ces qualités, ce n’est peut-être ni votre faute ni la mienne. Pour moi, je vous avertis que j’ai fait de mon mieux. La sphere de mes petits talens ne s’étend pas plus loi, & je vous proteste sincerement que j’en suis plus faché que vous. Le succès de la plûpart de ces pieces n’a pas assés rebuté pourtant ni mon Libraire ni moi, pour que nous soyons d’avis de laisser là notre entreprise. Nous la continuerons sur le même pied, excepté que sans distribuer l’ouvrage par lambeaux, nous en donnerons le temps en temps un volume à la fois. La raison en est que de plus importantes occupations empêchent M. Neaulme de vaquer envoyer par tout ces feuilles vo-[III]lantes. Il croit que le debit n’en sera pas plus mauvais ; c’est son affaire ; la mienne est de plaire autant que je pourrai. Je m’engage de nouveau, Ami Lecteur, à faire des efforts pour produire quelque chose de divertissant, mais je vous déclare aussi que je pretens quelquefois vous donner du serieux, & du très-serieux même. Ce n’est pas la votre gout ; je ne le sai que trop, & je vous trouve fort à plaindre à cet égard : mais c’est le mien, & je serois ravi d’avoir un tour d’esprit assés heureux, pour vous le communiquer. Tant que vous vous trouverés de l’aversion pour les matieres qui demandent un esprit attentif & de la réfléxion, contés que vous aurés l’ame malade. Ce dégout en est un symptome sûr.
Je commencerai mon second volume par deux pieces que je vous ai promises. La premiere offrira à votre curiosité, les memoires abregés qu’un vieillard, homme de bien, a faits de lui-même. La seconde sera une dissertation sur le caractère d’esprit du celébre Monsieur de la Motte, & sur ses ouvrages. Si vous n’y trouvés pas les lumières fort sures, ni [IV] fort étendues, j’ose croire que vous y trouverés l’équité ; cette disposition de l’ame éleve assés souvent les raisonnemens d’un genie mediocre au dessus des réfléxions d’un esprit superieur, qu’un cœur mal placé livre au préjugé & à la passion. Je ne vous dis rien des autres sujèts que je traitterai dans ce second volume, la raison en est, que je n’en sai rien encore moi-même, & que vous le verrés de reste. Adieu, Ami Lecteur, jusqu’au revoir. ◀Metatextualität ◀Ebene 2
Avertissement du Libraire.
Ceux qui voudront insérer quelques pieces dans le second volume de ce Spectateur, pourront toûjours lui adresser franco leurs lettres, ou les faire remettre, aussi franco, à son adresse chez Messieurs l’Honoré& Chatelain, Libraires à Amsterdam. ◀Ebene 1
