Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "XXXV. Discours", in: Le Misantrope, Vol.1\037 (1711-1712), S. 327-343, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1691 [aufgerufen am: ].


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XXXV. Discours

Metatextualität► Suite des Reflexions sur le Caractére des Esprits-Forts & des Incredules. ◀Metatextualität

Ebene 2► Après avoir examiné si les Esprits-Forts s’arrogent avec droit le titre de Génies transcendans, voyons si naturellement ils doivent être des gens fort vertueux. Je sçai bien qu’il y en a parmi eux qui s’en piquent, & dans la conduite extérieure desquels il paroît y avoir très-peu de choses à censurer. On en voit qui sont parade de leur tendresse pour le Genre-Humain, de leur dévouëment pour la Vérité, de leur amour pur & desintéressé pour la vertu. Mais il est pourtant certain, que la plupart de ces Messieurs s’abandonnent à leurs panchans vicieux d’une maniere effrenée & autant qu’ils le peuvent y sans s’exposer & la sévérité des Loix. Les désordres de leur conduite sautent tellement aux yeux de tout le monde, qu’on croit d’ordinaire que le grand nombre dans cette espece de Secte, n’a secoué le joug de la Religion, qu’afin de pouvoir marcher sans contrainte dans les rou-[328]tes qui ménent à l’intérêt ou à la volupté. Tel est dumoins le caractére général de certains Etourdis, de certains Petits-Maîtres, qui se précipitent dans l’Irréligion sans avoir rien examiné, & même sans être capables de la moindre recherche.

Il semble que naturellement ce mépris de ce qu’on nomme Vertu devroit régner dans la conduite des plus éclairez mêmes d’entre les Incrédules, s’ils raisonnoient juste sur leurs principes, & si leurs raisonnemens étoient les seules régles de leurs sentimens & de leurs actions. S’il n’y a point de Législateur, il n’y a point de Loi ; s’il n’y a point de loi, il n’y a pas la moindre distinction réelle entre le vice & la vertu. Il en doit suivre que toutes les actions sont parfaitement indifférentes ; & je défie les plus habiles de ces Messieurs de donner quelque raison plausible seulement, pourquoi il vaut mieux témoigner de la tendresse à son Bienfaiteur, que de lui plonger un poignard dans le sein. S’il n’y a point de Dieu, un amour-propre très-grossier doit être le motif général de toute notre conduite, & le moindre effort qu’on fait pour être sage & vertueux est une haute extravagance.

Je sçai bien que les Docteurs de l’Irréligion ne conviennent pas que l’unique source possible de la vertu se trouve dans la volonté d’un Dieu, maître absolu des hommes, en qualité de leur Créateur. Selon [329] eux il y a un autre principe qui nous conduit raisonnablement à la vertu. C’est la Sociabilité qui le soûtient par la vertu, & que le vice détruit nécessairement. Quand on est équitable, juste, moderé, on contribue au repos & à la félicité du Genre-Humain : mais si les hommes exerçoient des brigandages mutuels ; s’ils assassinoient leurs Bienfaiteurs, la Société ne sçauroit subsister, tout l’Univers ne seroit qu’un gouffre affreux de desordres & de malheur. Que vous importe, Messieurs, si la Société subsiste, ou si elle croule sur les propres fondemens ? Vous admettez une régle générale de Devoir, c’est qu’il faut travailler au bien de le Société. Mais sur quelle baze cette régie est-elle sondée ? De quelle source découle-t-elle ? Ce n’est pas de l’amour qu’une Raison souveraine a pour des Etres raisonnables, dont il souhaite le repos & la félicité. Vous vous riez de l’existence de cet Etre Suprême. Ce principe universel de la vertu ne sçauroit donc se trouver que dans l’amour naturel & invincible que nous avons pour nous-mêmes, dont le bonheur est lié à celui de tout le Genre-Humain, & plus étroitement au bonheur de la Sociéte particuliere où nous vivons.

Il suit évidemment de ce Principe, que l’unique baze raisonnable de la vertu, c’est l’amour que chaque Individu Humain a pour son repos & pour son bonheur. Il s’enfuit encore de-là, que piller, que commettre [332] <sic> des adultères – même vertueuse, pourvu qu’elle contribue quelque chose à la félicité de ceux qui s’en rendent coupables.

Il est donc évident, par les principes des Esprits-Forts, que puisque toute la vertu par raport à chaque Individu Humain consiste dans l’intérêt de cet Individu, tous les crimes qui ne sont pas dangereux pour leurs auteurs ne méritent pas le nom de Crimes, & peuvent même être des actions vertueuses. Par conséquent, l’unique précaution que doit prendre un Esprit-Fort qui suit ses principes, c’est d’éviter les actions qui peuvent lui faire trouver son malheur particulier dans le malheur général d’un Etat, & celles qui pourroient l’exposer à la rigueur des Loix, ou lui attirer quelque désastre, de quelque nature qu’il soit.

Si un Esprit-Fort a du penchant à la volupté, quel motif peut l’empêcher de débaucher la fille ou la femme de son prochain, & de réduire des familles entieres à traîner, dans le chagrin & dans l’infamie, tous les momens d’une vie malheureuse ? Est-il fort probable que dans un siécle aussi poli que le nôtre, son crime lui attire quelque désastre de la part des Magistrats ? Court-il même risque de perdre par-là l’estime de ceux qui sçavent vivre ? Lui disputera-t-on le titre d’honnête-homme ? Point du tout. Ce n’est qu’une simple galanterie, qui le sera considérer comme un homme ai-[333]mable, & qui a les talens requis pour toucher le cœur des femmes. Il n’est pas impossible encore, que son crime ne lui établisse chez le Beau-Sexe une réputation propre à lui frayer la route à de nouvelles bonnes-fortunes. Un Esprit-Fort est-il avare ? Pourquoi ne sacrifieroit-il pas à son amour pour les richesses, tout ce qu’on nomme, dans le langage vulgaire, candeur, équité, probité, justice ? Quelle raison imaginable peut le détourner de garder un dépôt qu’on lui aura confié sans témoins ? Pourquoi payera-t-il une dette, s’il peut éluder les prétentions d’un Créditeur qui a eu trop de confiance en lui, pour s’assurer contre sa perfidie un apui dans les formalitez de la Justice ? Qu’est-ce qui l’empêche d’employer toutes les ruses de la pernicieuse chicane, pour s’engraisser du sang de la veuve & de l’orphelin ? Que lui peuvent coûter les sermens les plus solemnels, quand les Loix y attachent le gain d’un Procès ? Qu’est-ce qui l’empêche de former son ame à la dissimulation la plus profonde & la mieux soûtenuë ? N’agira-t-il pas prudemment, en se ménageant dans une longue suite d’affaires de peu d’importance, une réputation de probité capable de lui faire atraper, pour ainsi dire, d’un seul coup de filet des richesses immenses ? La banqueroute est un chemin à la fortune si aisé & si uni, pour un homme qui a le talent de se faire croire hom-[334]me-de-bien : pourquoi un Libertin avare m s’avanceroit-il pas lentement & sûrement dans cette route, pour en sortir tranquille possesseur des trésors de vingt familles ruinées ?

Mais, me répondra-t-on, en jouissant aux yeux du Public des fruits d’une pareille scélératesse, il doit perdre naturellement l’estime des hommes, qui est un avantage très-réel & très-fécond en agrémens. Je l’avouë. Mais les richesses sont un avantage bien plus réel, & des sources bien plus abondantes de délices. Vous êtes dans l’opulence, qu’importe de quelle maniere vous avez trouvé l’art d’y parvenir ? Vous ne serez pas estimé peut-être ; mais vous serez considéré, vous serez environné de respects & de soumissions. Quel intérêt trouvez-vous dans une estime véritable & intérieure, que la raison des hommes peut accorder à ce qu’elle considére en vous comme mérite ? Le grand nombre vous prodiguera toutes les marques extérieures d’une estime véritable, n’en voilà-t-il pas assez pour l’agrément de la vie. Il arrivera même qu’un usage un peu généreux que vous serez de vos trésors mal acquis ; vous les sera adjuger par le Vulgaire, & surtout par ceux avec qui vous partagerez le revenu de vos fourberies. Il est vrai qu’une classe peu nombreuse de personnes, que leurs vertus & leurs lumieres tirent de la foule, osera vous marquer tout le mépris dont vous êtes digne. Mais si [335] vous suivez noblement vos principes, l’idée qu’elles auront de votre caractére ne troublera votre repos, ni vos plaisirs. Ce sont de petits génies, indigne de votre attention & de celle de la Multitude ; vous êtes les maîtres d’éviter leur commerce autant qu’elles fuiront le vôtre.

Je sçai bien que plusieurs de ces Messieurs veulent nous persuader qu’ils aiment la vertu, parce qu’elle a une beauté essentielle qui la rend digne de l’amour de tout ceux qui ont assez de lumieres pour la connoître. Je sçai même qu’ils se vantent d’être d’autant plus généreux amateurs de la vertu que nous, que leur dévouëment pour elle se soutient sans l’espoir des réompenses. Il est assez étonnant, pour le dire en un mot, que les personnes qui outrent le plus la Piété & l’Irréligion, s’accordent dans leurs prétentions touchant l’amour par de la vertu. Mais que veut dire dans la bouche d’un libertin, que la vertu est une beauté essentielle ? N’est-ce pas-là une expression vide de sens ? Comment prouveront-ils que la vertu est belle ? Et que supposé qu’elle ait une beauté essentielle, il faut l’aimer, lors même qu’elle nous est inutile, & qu’elle n’influe pas sur notre félicité ? D’où vient que des gens qui ne parlent que d’évidence & de démonstrations reçoivent comme des axiômes des maximes si vagues & si destituées de preuves ? Si la vertu est belle essentielle-[336]ment, elle ne l’est que parce qu’elle entretient l’ordre & le bonheur dans la Société humaine ; la vertu ne doit paroître belle, par conséquent, qu’à ceux qui par un principe de religion se croyent indispensablement obligez d’aimer les autres hommes, & non pas à des gens qui ne sçauroient raisonnablement admettre aucune loi naturelle sinon l’amour propre le plus grossier. Le seul égard auquel la vertu peut avoir une beauté essentielle pour un incrédule, c’est lorsqu’elle est possedée & exercée par les autres hommes, & que par-là elle sert, pour ainsi dire, d’asile aux vices du libertin. Ainsi pour s’exprimer intelligiblement, les Incrédules devroient soûtenir, qu’à tout prendre la vertu est pour chaque individu humain plus utile que le vice, & plus propre à nous conduire vers le néant d’une maniere commode & agréable. On n’ose guéres contester cette maxime aux Esprits-Forts ; l’amour que les Gens-de-bien ont pour la vertu, baze de toutes leurs espérances, leur donne un certain penchant à accumuler sur elle tout ce qu’ils peuvent penser de grand & de sublime. Des Théologiens éclairez donnent rarement des idées assez nettes, des avantages qui sortent du sein de la vertu considérée en elle-même. Ils sont bien souvent un peu trop sujets à varier leurs idées, selon la matiere qu’ils ont en main. S’agit-il de faire voir que sans l’espérance d’une autre vi, les [337] Gens-de-bien seroient les plus malheureux des hommes. La vertu perd toute sa grandeur, tous ses avantages naturels. Est-il une question d’un partage des Livres Sacrez, qui fait l’éloge de la vertu ? Ils perdent la premiere idée absolument de vuë ; la vertu acquiert le droit de nous rendre heureux, par sa propre nature. Elle devient elle-même sa récompense, indépendamment d’un Etre Suprême & d’une immortalité bienheureuse, elle peut nous procurer des agrémens supérieurs à tous les avantages que le vice est capable de nous prodiguer. Ces fortes de déclamations marquent une raison petite & foible, qui se laisse séduire par les différens sujet, & elles ne répandent dans l’esprit du Peuple que des notions confuses & détachées des principes généraux de la vérité.

Il me semble qu’à examiner attentivement la nature de la vertu, on découvre qu’elle n’est belle & utile que parcequ’elle est liée à l’idée d’un Dieu qui l’aime, qui a promis de la récompenser, & qui veut qu’en la pratiquant nous contribuyons à la félicité du Genre-Humain. C’est dans cette relation qu’on peut soutenir avec raison, qu’à tout prendre, même dans cette vie, la vertu est plus propre que le vice à sonder notre félicité. C’est dans cette relation qu’elle est féconde en sentimens délicieux, dans quelque état que l’homme de bien puisse se trouver. C’est la ressource la plus étenduë dans [338] l’adversité & dans la misere, c’est l’appui le plus solide de la prospérité. Se peut-il rien de plus capable d’entretenir dans notre ame la satisfaction la plus douce, que la ferme persuasion que dans le Créateur de l’Univers nous trouvons un Protecteur qui nous perd jamais de vuë, un Pere infiniment sage, puissant, bon, qui veille sur nous, & qui veut que toutes choses, l’adversité même, travaillent à notre bonheur ? L’homme-de-bien est-il dans une situation où il faut sacrifier à la vertu ses panchans favoris, ses partions les plus impérieuses, toute sa fortune, sa réputation même ! Il sent bien qu’il perd des plaisirs véritables, des avantages réels. Mais il en est dédommagé dans le moment même ; il sçait que par cette noble force d’esprit il satisfait son Legislateur, qu’il plaît à son pere, & qu’il s’attire la bienveillance de celui qui lui a donné l’existence, le mouvement & la vie. Il s’affermit dans l’espérance d’une bienheureuse immortalité ; la certitude d’avoir préféré raisonnablement un intérêt infini & durable à un avantage mince & partager, répand dans son ame un calme, un contentement, une joye pure, qui surpassent tous les sentimens délicieux qu’il auroit pu attendre de sa fortune, de sa réputation, de sa satisfaction de ses plus vifs désirs.

Par-là on voit sans peine, que dèsque la vertu est détachée de la Religion, elle perd [339] la partie la plus considérable de son utilité. La question est, s’il lui en reste assez pour être préférée au vice ; je croi qu’il est bon de distinguer ici. Si jamais le parti de la vertu est préférable à celui du vice, c’est lorsque la sagesse a déja pris le dessus dans l’ame, lorsque les passions sont déja renfermées dans les limites que la raison leur prescrit ; lorsqu’habitué au devoir on ne s’en acquitte plus par de pénibles efforts ; mais qu’on préfere la vertu sans peine, & par une espece de goût.

Mais quelle différence entre une sagesse tranquille, sûre d’elle-même, & une vertu naissante qui tâche à se former, qui lutte encore contre les obstacles qui a chaque pas se trouve arrêtée, traversée par un tempérament indocile, & par des passions songueuses ; une vertu enfin dont mille objets séducteurs débauchent l’attention, & qui tantôt victorieuse & tantôt vaincue, ne trouve, & dans ses défaites & dans ses victoies, que des sources de nouvelles guerres dont elle ne prévoit pas la fin. Une telle situation n’est pas seulement triste & mortifiante ; il me semble même quelle doit être insuportable, à moins qu’elle ne soit soutenuë par des motifs de la derniere force ; en un mot, par des motifs aussi puissans que ceux qu’on tire de la Religion.

Par conséquent, quand il seroit vrai qu’une vertu qui jouit tranquillement du [340] fruit de ses combats, seroit plus aimable & plus utile que le vice, il seroit presque impossible qu’un Incrédule y pût jamais parvenir. Plaçons un tel homme dans l’âge où d’ordinaire le cœur prend son parti & commence à former son caractére. Donnons-lui, comme à un autre homme, un tempérament des passions, un certain degré de lumieres. Il délibere avec lui-même s’il s’abandonnera au vice, ou s’il s’attachera à la vertu. Dans cette situation il me semble qu’il doit raisonner à-peu-près de cette maniere : « J’ai une idée confuse que la vertu tranquillement possedée pourroit bien être préférable aux agrémens du vice. Je sens d’ailleurs que le vice est aimable, utile, fécond en sensations délicieuses ; je vois pourtant que dans plusieurs occasions il s’expose à de fâcheux inconvéniens. Mais la vertu me paroît sujette en mille rencontres à des inconvéniens dumoins tout aussi terribles. D’un autre côté, je comprens parfaitement bien que la route de la vertu est rabotteuse, & qu’on n’y avance qu’en se gênant, qu’en se contraignant. Il me faudra des années entieres avant que de voir le chemin s’aplanir sous mes pas, & avant que je puisse jouir des effets d’un si rude travail. Ma premiere jeunesse, cet âge où l’on goûte toutes fortes de plaisirs avec le plus de vicacité & de ravissement, [341] ne sera employée qu’à des efforts aussi rudes que continuels. Quel est donc le grand motif qui doive me porter à tant de peine & à de si cruels embarras ? Seront-ce les délices qui sortent du fond de la vertu ? Mais je n’ai de ces délices qu’une très-foible idée, je ne les connois que parce que j’en ai entendu dire à des gens qui peut-être me trompent. D’ailleurs je n’ai qu’une espece d’existence d’emprunt. Si je pouvois me promettre de jouir pendant un grand nombre de siécles de la félicité attachée à la vertu, j’aurois raison de ramasser toutes les forces de mon ame pour m’assurer un bonheur si digne de mes recherches. Mais je ne suis sûr de mon être durant on seul instant ; peut-être que le premier pas que je ferai dans le chemin de la vertu me précipitera dans le tombeau. Quoiqu’il en soit, le néant m’attend dans un petit nombre d’années ; la mort me saisira peut-être lorsque je commencerai à goûter les charmes de la vertu, & toute ma vie se sera écoulée cependant dans le travail & dans le désagrément. Ne seroit-il pas ridicule que pour une félicité peut-être chimérique, & qui, si elle est réelle, n’existera peut-être jamais pour moi, je renonçasse à des plaisirs présens vers lesquels mes passions m’entraînent, & qui font de si faciles accez, que je dois em-[342]ployer toutes les forces de ma raison pour m’en éloigner ? Non. Le moment où j’existe est le seul dont la possession me soit assurée ; il est raisonnable que j’y saisisse tous les agrémens que je puis y rassembler : Mangeons & buvons, car demain nous mourrons. »

Il me semble qu’il serait difficile de trouver dans ce raisonnement d’un jeune Esprit-Fort, un défaut de prudence, ou un manque de justesse d’esprit. Il vient de déclarer qu’il n’a qu’une foible idée des avantages qui mettent au-dessus du vice une vertu déja formée ; & ce sentiment que je croi lui avoir prêté avec justice, doit être un des motifs les plus forts qui le détournent des pénibles travaux que la vertu exige de la plûpart des tempéramens. Mais ne seroit-ce pas manque de lumieres & d’expérience, qu’un Incrédule novice auroit une opinion si mince de l’unité d’une vertu victorieuse des passions ? J’en doute fort, & je croi qu’on pourroit soutenir que le vice le plus effrené même, n’est guéres plus contraire à la félicité, qu’une vertu rigide destituée de l’idée d’un Rémunérateur infini. Pour le prouver il faudrait faire une longue énumération des avantages & des desagrémens qui accompagnent l’un & l’autre, & il ne me paroît pas qu’il soit d’une nécessité absolue pour mon dessein d’entrer ici dans le détail. Il suffira de faire voir que [343] le vice menacé avec un peu de prudence, l’emporte infiniment sur une vertu exacte, qui n’est point soutenue de la consolante idée d’un être Suprême. ◀Ebene 2 ◀Ebene 1