Zitiervorschlag: Pierre Carlet de Marivaux (Hrsg.): "II. Feuille", in: L'Indigent philosophe ou l'homme sans souci, Vol.1\002 (1752), S. 145-162, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1263 [aufgerufen am: ].


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Deuxième feuille.

Ebene 2► Metatextualität► Je vous parlois tout à l’heure de mon camarade avec qui je sautai tant l’autre jour ; ◀Metatextualität c’est un assez plai-[146]sant personnage : nous ne nous connoissions guère avant nos gambades, mois notre aventure nous a rendus bons amis : Allgemeine Erzählung► au sortir de la Salle, il rioit encore de nos cabrioles, Dialog► & je lui contai à l’occasion de quoi il m’avoit vu sauter : quand il sçut ce que c’étoit : je vous aime de cette humeur, me dit-il, allons boire chopine pour entretenir notre joye ; je vous dirai qui je suis, à charge de revanche ; & je payerai l’écot par-dessus le marché : car je trouvai hier une honnête Dame qui m’a donné de quoi faire un bon repas : taupe ! lui répondis-je ; ◀Dialog & puis nous entrâmes au cabaret : il ne m’avoit promis que chopine ; mois chopine au cabaret tient bien deux pintes.

Après avoir choqué le verre cinq ou six fois : ce vin-là est bon, me dit-il : autrefois je l’aurois trouvé bien mauvais ; mais ce temps-là n’est plus; j’ai appris à savourer le médiocre, et il n’y a plus aujourd’hui de vignoble que je n’estime, ils sont tous en Champagne pour moi : vive la pauvreté, mon camarade ; les gueux sont les enfants gâtés de la nature : elle n’est que [147] la marâtre des riches, elle ne produit presque rien qui les accommode ; les deux tiers de ses vignes ne leur conviennent pas : quelle perte pour eux, mon cher confrère ! & quel plaisir pour nous ! nous buvons tout son vin de quelque côté qu’il vienne, quelle bénédiction ! chantons là-dessus ; je commençai, & il chanta : de la joye ! de la joye ! notre bien n’est nulle part, & il est par tout : quand un pays est grêlé, nous n’y avons rien, n’est-il pas vrai ? buvez, camarade, & tout plein, cela désaltère ; Ebene 3► Metatextualität► à propos, je vous ai promis ma petite histoire; écoutez, je vous dirai tout, & cela sera bientôt fait : mois j’ai soif, versez du vin, je tiendrai mon verre, ah ! qu’il est beau, quand il est plein ! ◀Metatextualität ◀Ebene 3

Metatextualität► Là-dessus il but, et puis il me fit le récit que je vais vous faire aussi ; après quoi je parlerai de ma vie. Quand j’ai mis la plume à la main, je ne voulois vous entretenir que de moi, je vous l’avois dit ; mais ne vous fiez pas à mon esprit, il se moque de l’ordre, & ne veut que se divertir : vou-[148]lez-vous gager que mes rapsodies trouvent des Imprimeurs, et que vous les lirez ? si ce n’est vous, ce sera un autre ; & c’est à cet autre à qui je parle : continuons, et ne nous fâchons pas : je ne dis plus mot ; c’est mon camarade qui parle. ◀Metatextualität

Ebene 3► Allgemeine Erzählung► Selbstportrait► Fremdportrait► Je suis le fils d’un musicien fort habile dans son métier, fort grand ivrogne ; mais il avoit ses raisons pour l’être, ne le condamnez point sans l’entendre : il disoit qu’il n’y auroit jamais eu de musique, s’il n’y avoit pas eu de vin ; & il n’en buvoit beaucoup de ce vin, que pour puiser la musique dans sa source. Vous voyez bien qu’il n’étoit ivrogne que pour exceller dans son Art, & son intention étoit louable : bien des gens prétendaient qu’il buvoit encore mieux qu’il ne composoit ; mais c’est qu’à vous dire le vrai, il avoit un petit défaut : il chantoit trop quand il étoit au cabaret ; ses chansons usoient toute sa verve musicale, & puis lorsqu’il alloit travailler chez lui, il avoit presque perdu tout son feu ; et de là venoit que le vin ne lui profitoit pas autant qu’il auroit fait, sans sa mauvaise ha-[149]bitude de chanter. Mais que voulez-vous ? chaque homme fait des fautes ; cela n’empêchoit pas qu’il ne composât de très belles choses. Allgemeine Erzählung► J’ai hérité de lui d’un Opera qui étoit admirable : il le fit exécuter à Paris ; mais mon pere n’étoit pas heureux, il avoit travaillé sur de mauvaises paroles, & la musique à cause de cela en parut pitoyable ; pareil accident arrive tous les jours. Mon pere s’excusa sur le Poete : mais le Poete étoit un glorieux qui rejetta tout sur le Musicien : ces faiseurs de Vers n’ont point de conscience : cela dégoûta mon pere, qui serra bien proprement son Opera dans son portefeuille, & s’en alla dans les provinces en faire chanter des lambeaux. A Lyon, où il se trouva, il tomba malade d’un Motet, dont il avoit été prendre les beautés au cabaret suivant sa coutume ; mais l’excès nuit en tout : le transport qu’il prit dans le vin le tua ; il fut enterré sans façon, & son Motet aussi. Depuis ce temps-là je n’aime pas les Motets ; ◀Allgemeine Erzählung ◀Fremdportrait Metatextualität► voilà la mort de mon père, voyons ma vie à présent. ◀Metatextualität

Quand il mourut, j’étois soldat : la [150] musique n’étoit point mon talent, & je n’avois jamais pu apprendre que la gamme ; de façon que j’aurois déserté de bonne heure la maison paternelle : car qu’est-ce que j’aurois fait avec ma gamme ? j’aimois pourtant beaucoup le vin ; & comme mon père l’appelloit la source de la Musique, je m’obstinois à aller à cette source, pour y puiser la scienc : mais je n’y rencontrois jamais que de la joye, & je n’en revenois que plus joyeux, sans être plus sçavant : il est vrai que cette joye vaut son prix, & depuis ce tems-là je vais toujours la chercher où je l’ai prise : prenons-en un petit doigt : à vous, confrère ; parbleu, il y a eu bien du malheur à mon fait : j’ai toutes les inclinations d’un Musicien, j’aime le vin autant que l’aime un Violon, remarquez la bizarrerie de mon tempérament, & je ne connois que le noir & le blanc dans les notes ; je n’ai jamais pu chanter ma partie qu’en empêchant les autres de chanter la leur ; je n’ai jamais pu exceller que dans les airs de Pont-neuf : encore faut-il que je les chante tout seul ; car ma voix ne peut tenir compagnie à [151] celle de personne : aussi fait-elle autant de bruit qu’un Orgue de Paroisse, vous en avez eu la preuve. Mais revenons à mon métier de soldat : j’étois le premier homme du monde pour porter un mousquet, & il n’y a qu’à le tirer que j’ai trouvé de la peine : c’est ce qui fait que je n’ai pas demeuré fantassin long-temps ; d’ailleurs il faut obéir à un Capitaine, il a ses volontés, vous avez les vôtres, & volontés pour volontés, il vaut encore mieux faire les siennes que celles d’un autre.

Je m’ennuyois donc beaucoup de la vie de soldat, & comme j’étois d’une taille avantageuse, fort & nerveux, mon Capitaine ne vouloit point que je le quittasse. J’écrivis à mon pere, & le priai de payer si bien mon congé qu’on me laissât aller : mais le bonhomme ne sçavoit payer que les Cabaretiers, & je n’eus point de réponse : que fis-je ? puisque je n’ai pas d’argent pour me racheter, me dis-je en moi-même, il faut trouver un équivalent ; & c’étoit la fuite : je désertai ; cela faisoit le même effet pour moi que si je m’étois racheté.

[152] Me voilà donc parti, j’allois bon train, je vendis mon mousquet à un paysan, & de l’argent que j’en fis, je m’en aidai à poursuivre mon chemin ; cependant j’eus peur qu’on ne me rattrapât, & pour éviter ce danger, je prenois toutes les routes détournées. ◀Selbstportrait Allgemeine Erzählung► Un soir que j’allois entrer dans un Village, je vis un Ecclésiastique que son cheval avoit jetté dans un fossé ; il y étoit jusqu’au col, je m’approchai il me demanda du secours, & je lui en donnai : ce ne fut pas sans peine que je le tirai de là ; mais enfin je l’en tirai, je le remontai sur son cheval, & je le suivis au Village dont il étoit Curé : c’étoit dans le temps de la vendange ; il n’avoit qu’une vieillé Gouvernante qui le servoit, & deux arpens de vigne à vendanger : je m’offris d’en être le vendangeur : le Curé qui m’avoit obligation le voulut bien, il me retint, & le lendemain je me mis dans la vigne. L’autre lendemain c’étoit Fête ; le Curé dit sa Messe, je la servis : à midi il dîna, & je lui versai à boire, pendant que la Gouvernante essuyoit quelques meubles de bois vermoulu : le Curé [153] en faisant digestion s’avisa de me demander qui j’étois ; je lui fis là-dessus une histoire dont je ne me ressouviens plus : mais il en fut si content qu’il me proposa de le servir : dans l’embarras où j’étois, cela me venoit à merveille, & j’y consentis de bon cœur ; mais nous ne fumes que deux mois ensemble ; j’étois gourmand, le Curé étoit avare, et la Gouvernante acariâtre : on me reprochoit mon pain, cela m’affamoit ; je pillois le garde-manger, je trouvois les œufs des poules, je les dénichois, je vidois le reste des bouteilles, et je ruinois le Bénéfice, disoient-ils ; de sorte qu’un matin, on me dit : vas-t-en, & je m’en allai, avec trente sols de monnaye qu’on fut une heure à me compter sur un banc.

Pendant qu’on foisoit ma somme, je passai un moment dans la cour, & je vis deux poules au nid; je pris les œufs par habitude, & pour ne pas séparer les meres d’avec les enfans, je logeai le tout dans mon havre-sac : on ne s’aperçut de rien, je vins recevoir mes trente sols, & un bâton blanc à la main, je saluai la maison curiale, [154] & je partis avec ma volaille & coq en plume, & mes trente sols. Je crois qu’on courut après moi ; car j’entendis de loin qu’on m’appelloit en venant fort vîte : mais le mot de petit fripon, de petit coquin qui frappa mes oreilles, ne me parut pas mériter de réponse, & je galopai un peu pour m’éloigner de ce bruit-là. Metatextualität► Mais parlez donc, camarade, il me semble que j’ai passé deux mois chez le Curé sans que nous ayons trinqué : vertubleu le sot métier ! allons, frère, arrosons, le temps est sec ; ◀Metatextualität bon, me voilà en chemin : à quelques jours de là je trouvai une troupe de Comédiens de campagne, oh ! ma foi, c’étoit de bonnes gens, ceux-là; dès que je vis seulement leur mine, je devinai qu’ils m’accommoderoient. Je les trouvai en chemin comme ils rechargeoient leur bagage dans leur chariot qui avoit versé, je leur offris mon secours, ils l’acceptèrent, & je travaillai de si bonne grâce que je leur plus : la Troupe par hazard avoit besoin d’un domestique, & ils me retinrent pour l’être ; jamais on ne prit maître de si bon courage que je le fis : une heure [155] après avoir été avec eux, j’y étois comme si je les avois connus depuis dix ans. Ils chantoient en chemin, ils buvoient, ils mangeoient, ils faisoient l’amour : ah ! la bonne vie! les Rois ne la menent pas, cette vie-là : elle est trop heureuse pour eux, & ils sont trop grands Seigneurs pour elle : testubleu ! mon camarade, j’étois comme l’enfant qui téte, j’ouvrois les yeux sur eux, mon cœur s’épanouissoit, je vivois : car je n’avois pas encore vécu ; vous jugez bien que mon plaisir me rendoit gaillard, & comme ils n’étoient pas glorieux avec moi, nous familiarisions ensemble, & je disois le bon mot avec eux. Je n’étois pas laid au moins, je suis bien aise que vous le sçachiez ; j’étois gros et gras, & j’avois l’air espiègle : de l’esprit je n’en manquois pas, de l’effronterie encore moins ; j’aimois la vie dérangée, tantôt bonne, tantôt mauvaise, se chauffer aujourd’hui, avoir froid demain, boire tout à la fois, manger de même, travailler, ne rien faire, aller par les Villes & par les champs, se fatiguer, avoir du bon tems, du [156] plaisir & de la peine, voilà ce qu’il me falloit, & j’eus contentement avec eux.

Nous arrivames dans une petite Ville, où dès le soir même de leur arrivée on leur demanda la Comédie : ainsi dès ce jour-là j’entrai en exercice de ma charge de domestique de Théâtre : j’avois la science infuse pour ce service-là ; ils admiraient mon habileté, ils jouerent, je ne me souviens plus quelle Piece, ils enchanterent l’assemblée Provinciale : c’est la Cour du Roi Petaut qu’un spectacle comme celui-là ; & il y a un agrément, c’est que des Comédiens n’ont pas peur d’y être sifflés : plus ils sont mauvais, plus ils réussissent : le bon jeu glisseroit sur le parterre, & le mauvais ressemble au vin dur & épais qui gratte le palais ; il faut crier, faire contorsions, s’agiter comme des possédés, & puis vous entendez rire ou pleurer, suivant ce qu’on joue. Nos Méssieurs firent de l’argent ce soir-là, & quelques-uns même des conquêtes, qui leur valurent bien autant que leur part dans les Pieces ; d’ailleurs notre Troupe mit toute la Ville en rumeur, [157] éveilla les esprits, rendit les filles & les femmes coquettes, elles se coiffaient & s’ajustaient pour venir voir la Comédie ; on leur en contoit, le feu s’y mettoit, & puis c’étoit des amours, des mariages prématurés ; nous ne vimes pas tous ces effets de notre passage, mois nous les apprimes quelque temps après.

Je me divertis ma foi bien dans cette Ville-là; car en qualité de serviteur de la Comédie, il réjaillissoit sur moi un peu de ces graces que le métier de Comédien donnoit à mes Maîtres. D’abord je ne fus couru que des servantes, & je jettois le mouchoir aux plus jolies ; les femmes de chambre ensuite vinrent sur leur marché, & je choisissois ; j’ai vu pleurer pour mes beaux yeux, j’étois bien fier, je mettois le chapeau sur l’oreille, la Troupe me donnoit de vieux bas rouges, & des nippes théâtrales dont je m’ajustois : cela renversoit la cervelle de toutes les chambrieres du premier et du second étage ; ma braverie tenta jusqu’à des grisettes que la tentation emporta, & je soupçonnai quelques Bourgeoises du premier rang de [158] n’oser me dire ce qu’elles pensaient de moi. Je ne suis pas si timide qu’elles, Metatextualität► camarade, je vous dirai bien ce que je pense de la bouteille ; c’est qu’il la faut boire; avalons. ◀Metatextualität

Nos Comédiens ne s’oublioient pas, & il y en avoit d’assez bien faits dans la Troupe : les Bourgeoises les aimoient beaucoup, & ils n’en étoient pas ingrats ; il reste encore dans plusieurs familles des marques de leur reconnoissance : à l’égard des femmes de la Troupe, on en comptoit deux de jolies, qui avaient l’air vif, un œil coquet, une figure qui agaçoit, & une façon galante qui donnoit aux gens beaucoup plus d’amour que de tendresse : aussi ne convient-il pas d’inspirer de la tendresse, quand on ne peut faire un long séjour dans les lieux ; les sentiments tendres sont trop lambins, il faut tant de cérémonie avec eux ; l’amour est bien moins formaliste.

La veille de notre départ nous avions promis une jolie Comédie. Je dis, nous : car j’avois mon rôle, je mouchois les chandelles, & je vous avertis que sans un Moucheur de chandelles on ne pourroit pas jouer la Co-[159]médie; c’est lui qui répand la lumiere sur l’action. Or la fievre prit à un de nos Acteurs qui avoit un rôle d’Amant volage dans notre Piece ; voilà l’esperance d’une bonne recette confondue : toute la Ville devoit se trouver à nos adieux, & nous avions mis au double ; je vis le moment où l’on alloit quereller l’Acteur de ce qu’il s’avisoit d’avoir la fievre si mal à propos, & encore une fievre qui menaçoit d’être continue : comment faire ? On se desesperoit : parbleu je proposai de prendre le rôle du malade ; dans un besoin on se sert de tout : ils me dirent : apprens-le si tu peux. Je me mis donc à étudier jusqu’au lendemain, je m’enfermai avec du vin pour encourager ma mémoire. Metatextualität► Et à propos de mémoire, si j’encourageois votre attention d’une petite rasade, cela feroit-il si mal ? Je suis homme à vous tenir compagnie : allons, voilà qui est bien ; revenons dans ma chambre où j’étudie fort & ferme. ◀Metatextualität

Ma mémoire fit un coup d’essai immortel : le lendemain je sçus mon rôle sur le bout du doigt, j’appellai mes camarades ; car désormois mouche les [160] chandelles qui voudra, je ne m’en mêlerai plus, j’ai fait fortune, & me voilà Comédien moi-même ; j’appellai donc mes camarades & les avertis du prodige qui s’étoit fait en moi ; répétons, leur dis-je, & que le malade ne se presse pas de guérir : je vous assure qu’il aura du temps de reste pour avoir la fievre : allons, Messieurs, voyons si le brodequin me siera bien : mon audace les fit rire, les mit de bonne humeur : c’étoit de l’argent qui leur venoit, si on pouvoit me produire : allons, mon ami, c’est toi qui commence, me dirent-ils ;Héros, partez pour la gloire : aussi fis-je ; à peine eus-je déclamé quatre vers, qu’ils me promirent le laurier du premier jambon qu’ils mangeraient ; comment donc ! sçavez-vous qu’ils furent étonnés de m’entendre ? ils disoient que ce n’étoit plus moi, que j’avois une autre physionomie, ce n’étoit que battements de mains : attendez, leur dis-je, ménagez vos admirations, il m’en faudra bien d’autres, ne me donnez pas tout à la fois, poursuivons; & nous poursuivîmes ; & toujours gloire nouvelle : enfin nous achevames, & je fus trou-[161]vé si prodigieux qu’ils allèrent tous embrasser le malade dans son lit pour lui rendre grâce de sa fievre ; un d’eux opina pour m’afficher à la porte du logis, le sentiment fut approuvé, & sur une grande feuille de papier on me promit au public en gros & grands caracteres : là-dessus je rêvai à part moi sur l’honneur & le profit que j’allois leur faire ; nous n’étions convenus de rien pour mes petits intérêts, l’affiche étoit faite, j’allois gagner de l’argent, et je conclus que je devois en avoir ma part ; je leur dis mes petits raisonnements, & à leur air je compris bien qu’ils n’auroient pas pensé comme moi : Messieurs, leur dis-je en riant, vous êtes les Maîtres, mais je ne donnerai ma marchandise qu’au prix où vous donnez la vôtre ; vous partagez le gain ensemble, n’est-ce pas ? est-ce que j’ai la peste moi, pour n’être pas admis au partage ? ne me fâchez point, vous êtes bienheureux de ce que vous ne m’achetez pas plus cher ; ne le voulez-vous pas ? voyez ailleurs, je reprendrai mes mouchettes comme à l’ordinaire ; mais je ne sçaurois à moins : il a raison, dit alors [162] un gros garçon d’entre eux, je lui donne ma voix : & nous, la nôtre, dirent-ils ensemble, & là-dessus ils m’embrasserent : il n’y eut que nos femmes qui me refuserent la joue, & qui eurent de la peine à se faire à une égalité si subite avec moi ; mais la représentation de notre Piece emporta ce reste de fierté qui me disputoit l’honneur de leur bienveillance. ◀Allgemeine Erzählung ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 3 ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 2 ◀Ebene 1