quàm falutem Hominibus dando.
Cic. Orat. pro Ligar. c. 12.
Il n’y a rien en quoi les Hommes aprochent plus de la Divinité, que lorsqu’ils travaillent au bien & à l’avantage des autres.
Services Mutuels que les Hommes se doivent.
Humanité cette heureuse disposition du cœur. Il est impossible qu’à la vue ou à l’ouie d’une action généreuse, on ne sente un secret plaisir s’emparer de nos Ames, lors même que nous n’y avons pas le moindre intérêt. On l’éprouvera sans doute à la lecture de la Lettre suivante, où Pline le jeune recommande un de ses Amis de la manière du monde la plus honnête. Je ne saurois en fournir un meilleur exemple ; &, quoique les Personnes intéressées soient mortes depuis bien des siécles, on souhaiteroit encore qu’il nous eut apris le succès de sa Lettre. La voici mor pour mot, telle qu’un fort habile homme Mr. de nous l’a donnée en
Maxime.
C’est la « Je crois être en droit de vous demander, pour mes Amis, ce que je vous offrirois pour les ôtres, si j’étois à votre place.
Voici une autre Lettre, que j’ai reçue d’un de mes Correspondans, sur l’éducation de la Jeunesse, & que je me crois obligé de communiquer au Public.
MT* Lettre sur la bonne éducation.
Spectateur,
« Ce que vous avez dit dans quelques-uns de vos Discours, sur la mauvaise Education qui est ici à la mode, m’a fait naître une envie, qui pourroit bien m’engager dans une démarche aussi difficile à soutenir, qu’elle seroit avantageuse au Public, à moins que vous ne la desaprouviez. J’ai résolu en faveur de notre Jeunesse de la Grande Bretagne, de les élever avec tant de soin & de circonspection, qu’ils puissent lire, sans aucun risque pour l’esprit ou le cœur, les endroits les plus chatouilleux de Virgile, d’Homere, ou de tout autre Poёte.
Si l’on me vouloit confier quelques jeunes Messieurs, car je n’ai pas l’ame assez héroïque pour prendre soin d’un grand nombre tout à la fois, je me retirerois dans une agréable Solitude, voisine de quelque bonne Ville, où il y auroit des Maîtres pour la Danse, la Musique, la Peinture, le Dessein, ou tout autre Exercice de ce genre-là, qui leur serviroient d’un honnête Divertissement, Latin, par une métode beaucoup plus aisée que celle de Lilly, & ils s’y attacheroient avec aussi peu de répugnance que les jeunes Dames apprennent à parler François, ou à chanter les Airs d’un Opera Italien. Lorsqu’on les auroit amenez jusques-là, il seroit tems de leur rendre le goût plus exact : Un Homme sensible a toute la délicatesse des pensées & de l’expression, trouveroit du plaisir à lire avec eux les meilleurs Historiens Romains, Poёtes ou Orateurs, & à leur en faire remarquer les plus beaux endroits ; à leur donner quelque connoissance de la Chronologie, de la Géographie, des Médailles, de l’Astronomie, ou de tout ce qui serviroit le mieux à nourrir la Curiosité si naturelle à cet âge. Ceux d’entre eux qui auroient le moindre génie, tou-Grec. D’ailleurs il faudroit les exercer à composer de ces petites Déclamations qui demandent plus de feu & de vivacité que de bon sens, à cultiver leur propre Langue, qu’ils doivent mieux entendre que celle des Etrangers, & sur tout à décrire des Lettres, puisqu’un Gentilhomme a de si fréquentes occasions de se distinguer par là. Quelques jeunes Messieurs d’un naturel doux & honnête, élevez de cette manière, formeroient presque une petite Académie, & seroient d’une conversation assez agréable pour tenter souvent un habile Homme à se mêler avec eux, dans leurs Plaisirs, & à les divertir par quelque chose de sérieux, qui ne les instruiroit pas moins que les plus graves Leçons. Je ne doute pas qu’on ne pût les amener à disputer entre eux, à qui reciteroit de meilleure grâce quelque bel endroit d’un Poёme ou d’une Oraison, ou à jouer ensemble quelque Scène de Terence, de Sophocle, ou de notre Shakespear, & que cela ne devint un de leurs Jeux favoris. La Cause de Milon pourroit être plaidée devant des Juges plus équitables, César trembler une seconde fois, & la Athenes engager de nouveau par l’ambition de Philippe. Au milieu de ces nobles amusemens, nous pourrions esperer de voir bien tôt le feu de notre Jeunesse éclater en bon sens, leur innocence en Vertu, & leur bon naturel en généreux amour de la Patrie. Je suis, &c. »
T.