III. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer Mitarbeiter Martin Stocker Mitarbeiter Katharina Tez Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 24.07.2019 o:mws-11C-1260 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Paris: Etienne Papillon 1716, 19-22 Le Spectateur ou le Socrate moderne 3 003 1716 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Politik Politica Politics Política Politique Política Andere Länder Altri Paesi Other Countries Otros Países Autres Pays Outros países France 2.0,46.0

III. Discours

Vincet amor Patriæ.

Virg. Æneid. vi. 823.

L’amour de la Patrie l‘emportera.

Le Socrate Anglois devoit ici suivre son Texte, & ne le pas abandonner comme il a fait dans les deux précéndens Discours.

L’Histoire Grecque lui offroit un bel Exemple à nous proposer en la Personne de Codrus Roi d’Athenes : Les Doriens avoient quelque jalousie contre les Atheniens ; elle sembloit être dégénérée en haine ; & cela arrive souvent entre deux Puissances, dont les Etats sont limitrophes. Les Doriens consulterent l’Oracle, qui leur répondit que la Bataille leur seroit funeste, si le Roi d’Athenes y étoit tué. Codrus averti par ses Espions de la réponse de l’Oracle, & de la défense faite aux Doriens de tuer le Roi, résolut de se sacrifier pour sa Patrie : Ce charitable Prince passa dans le Camp de ses Ennemis déguisé en Païsan, qui portoit des Sarmants de Vigne, & une Serpe à son côté ; il insulta tant de Soldats, qu’enfin l’un d’eux moins endurant que les autres lui passa son épée au travers du corps. Les Doriens ne firent aucuns actes d’hostilité, & renoncerent à la Guerre.

Les Atheniens eurent tant de vénération pour la Mémoire de leur charitable Souverain, qu’ils abolirent chez eux la Royauté, & choisirent Solon pour leur Legislateur, qui leur dressa des Loix avec tant de sagesse, que les plus Puissans de l’Etat, les Citoyens & les Païsans les approuverent d’un consentement universel.

Mais il est tems de parler du Czar, avec lequel on met Louis xiv. en parallelle.

E3* AE* Pierre Alexowits Grand Duc de Moscovie partagea la Couronne avec Jean son frere aîné, auquel les Moscovites ne crurent pas faire une injustice, parce qu’il avoit l’esprit imbécille, qu’il étoit aveugle & paralitique, & qu’il tomboit du haut mal, il mourut au mois de Janvier 1696.

Le Czar. Pierre demeura ainsi Maître absolu de toute la Moscovie : ce Prince voulut témoigner à ses Sujets qu’il n’étoit pas indigne des faveurs qu’il en avoir reçues. Il affiégea pour la seconde fois Azaph, & fut plus heureux qu’à la premiere ; cette Place se rendit, & la Garnison Turque fut transportée à dix lieues sur les Galeres du Czar. Les Moscovites s’apperçurent par la perte qu’ils y firent, que de semblables Victoires étoient capables de ruiner leurs Etats plutôt que de les agrandir : ils connoissoient par les fréquentes Guerres qu’ils avoient eu avec les Polonois, que ces Peuples détachoient dix mille hommes contre quarante mille Moscovites, & que souvent ces redoutables Voisins remportoient l’avantage. Un Prince capable de Réflexions n’est jamais à mépriser : le Czar s’apperçut que ses Sujets étoient brutaux, élevez dans l’ignorance & que ses Milices & ses Troupes, par ces raisons n’etoient point disciplinées. Ce furent là les motifs qui lui firent entreprendre ses Voyages en différentes Cours de l’Europe. Dans le même tems qu’il apprit en Hollande & en Angleterre les élemens du Commerce & des beaux Arts, il apprit qu’un Prince doit se dépouiller de ses défauts, de la férocité & de la barbarie trop ordinaires aux Peuples de sa Nation : l’Europe s’apperçut dans la suite que les Voyages du Czar ne lui avoient pas été inutiles. Charles xii. Roi de Suéde eut la Guerre contre lui ; il alla le chercher jusques dans ses propres Etats ; il traversa la Pologne & la desola : les deux Armées se rencontrerent près de Puttowa Bourg peu connu, mais qui devint célèbre par la défaite des Suédois comme Arbeles avoit été par celle des Perses. La Bataille se donna le 8. de Juillet 1709. Le Roi de Suéde fut blessé au pied, & perdit huit mille hommes : le onziéme du même mois la Victoire du Moscovite fut complette ; l’Armée Suédoise se rendit prisonniere de Guerre, au nombre de seize mille hommes. Ce fut alors que le Roi de Suéde ne trouva d’autre ressource après une si mémorable défaite que de se sauver à Oezakow en Podolie, autrefois à la Pologne, & aujourd’hui dans l’esclavage du Turc.

Voilà l’avantage que remporta le Moscovite sur la Suéde, semblable en quelque façon, à celui que remporta la Reine des Scythes sur le Roi des Perses.

Nous ne pouvons après cela rien ajouter au bonheur ou au malheur du Czar : il ne nous est pas permis de prophétiser, & il est trop dangereux de deviner.

III. Discours Vincet amor Patriæ. Virg. Æneid. vi. 823. L’amour de la Patrie l‘emportera. Le Socrate Anglois devoit ici suivre son Texte, & ne le pas abandonner comme il a fait dans les deux précéndens Discours. L’Histoire Grecque lui offroit un bel Exemple à nous proposer en la Personne de Codrus Roi d’Athenes : Les Doriens avoient quelque jalousie contre les Atheniens ; elle sembloit être dégénérée en haine ; & cela arrive souvent entre deux Puissances, dont les Etats sont limitrophes. Les Doriens consulterent l’Oracle, qui leur répondit que la Bataille leur seroit funeste, si le Roi d’Athenes y étoit tué. Codrus averti par ses Espions de la réponse de l’Oracle, & de la défense faite aux Doriens de tuer le Roi, résolut de se sacrifier pour sa Patrie : Ce charitable Prince passa dans le Camp de ses Ennemis déguisé en Païsan, qui portoit des Sarmants de Vigne, & une Serpe à son côté ; il insulta tant de Soldats, qu’enfin l’un d’eux moins endurant que les autres lui passa son épée au travers du corps. Les Doriens ne firent aucuns actes d’hostilité, & renoncerent à la Guerre. Les Atheniens eurent tant de vénération pour la Mémoire de leur charitable Souverain, qu’ils abolirent chez eux la Royauté, & choisirent Solon pour leur Legislateur, qui leur dressa des Loix avec tant de sagesse, que les plus Puissans de l’Etat, les Citoyens & les Païsans les approuverent d’un consentement universel. Mais il est tems de parler du Czar, avec lequel on met Louis xiv. en parallelle. Pierre Alexowits Grand Duc de Moscovie partagea la Couronne avec Jean son frere aîné, auquel les Moscovites ne crurent pas faire une injustice, parce qu’il avoit l’esprit imbécille, qu’il étoit aveugle & paralitique, & qu’il tomboit du haut mal, il mourut au mois de Janvier 1696. Le Czar. Pierre demeura ainsi Maître absolu de toute la Moscovie : ce Prince voulut témoigner à ses Sujets qu’il n’étoit pas indigne des faveurs qu’il en avoir reçues. Il affiégea pour la seconde fois Azaph, & fut plus heureux qu’à la premiere ; cette Place se rendit, & la Garnison Turque fut transportée à dix lieues sur les Galeres du Czar. Les Moscovites s’apperçurent par la perte qu’ils y firent, que de semblables Victoires étoient capables de ruiner leurs Etats plutôt que de les agrandir : ils connoissoient par les fréquentes Guerres qu’ils avoient eu avec les Polonois, que ces Peuples détachoient dix mille hommes contre quarante mille Moscovites, & que souvent ces redoutables Voisins remportoient l’avantage. Un Prince capable de Réflexions n’est jamais à mépriser : le Czar s’apperçut que ses Sujets étoient brutaux, élevez dans l’ignorance & que ses Milices & ses Troupes, par ces raisons n’etoient point disciplinées. Ce furent là les motifs qui lui firent entreprendre ses Voyages en différentes Cours de l’Europe. Dans le même tems qu’il apprit en Hollande & en Angleterre les élemens du Commerce & des beaux Arts, il apprit qu’un Prince doit se dépouiller de ses défauts, de la férocité & de la barbarie trop ordinaires aux Peuples de sa Nation : l’Europe s’apperçut dans la suite que les Voyages du Czar ne lui avoient pas été inutiles. Charles xii. Roi de Suéde eut la Guerre contre lui ; il alla le chercher jusques dans ses propres Etats ; il traversa la Pologne & la desola : les deux Armées se rencontrerent près de Puttowa Bourg peu connu, mais qui devint célèbre par la défaite des Suédois comme Arbeles avoit été par celle des Perses. La Bataille se donna le 8. de Juillet 1709. Le Roi de Suéde fut blessé au pied, & perdit huit mille hommes : le onziéme du même mois la Victoire du Moscovite fut complette ; l’Armée Suédoise se rendit prisonniere de Guerre, au nombre de seize mille hommes. Ce fut alors que le Roi de Suéde ne trouva d’autre ressource après une si mémorable défaite que de se sauver à Oezakow en Podolie, autrefois à la Pologne, & aujourd’hui dans l’esclavage du Turc. Voilà l’avantage que remporta le Moscovite sur la Suéde, semblable en quelque façon, à celui que remporta la Reine des Scythes sur le Roi des Perses. Nous ne pouvons après cela rien ajouter au bonheur ou au malheur du Czar : il ne nous est pas permis de prophétiser, & il est trop dangereux de deviner.