Stat fortuna Domûs, & avi numerantur averum.
Virg. Georg. IV. 208, 209.
C’est-à-dire, Leur race est immortelle, la Famille se perpétue dirans une longue suite d’années, & pour compter un nombre infini de ses Aieux.
Coterie éternelle. Frappé de ce titre, aussi ronflant que superbe,
Coterie éternelle est composée de cent Membres, qui partagent entre eux les vingt quatre heures du Jour & de la Nuit, en sorte qu’il y en a toujours quelques-uns ensemble, d’un bout de l’année à l’autre, sans qu’aucun ait la présomption de se retirer, jusqu’à ce qu’ils soient relevez par ceux qui doivent occuper leur place C’est ainsi qu’un Membre de cette Societé ne manque jamais de compagnie, lorsque le cœur lui en dit, soit qu’il se trouve lui-même en faction ou non, qu’il veuille boire un coup le matin, à midi, le soir, ou vuider bouteille après minuit.
Le Boursier de la Coterie, qui se met dans une grande Chaise à bras au haut bout de la Table, ne meurt jamais, parceque chacun d’eux s’y place tour à
Cette Coterie fut instituée vers la fin, ou, selon d’autres, vers le milieu de nos Guerres civiles, & continua, sans interruption, jusqu’au tems du grand Incendie de Londres, qui les dispersa pour quelques semaines. Le Boursier, qu’il y avoir alors, garda son Poste, jusqu’à ce qu’il fut sur le point de sauter en l’air avec une Maison voisine, qu’on avoit minée & qu’on abatit pour arrêter le feu Il ne voulut abandonner sa Chaise, qu’après avoir vuidé toutes les bouteilles qui étoient sur la Table, & reçu des ordres positifs & réïterez de la part des Confreres. Aussi tous les Membres de cette Societé lui donnent-ils de nos jours des Eloges qui le mettent fort au-dessus de ce fameux Capitaine, dont Mylord Clarendon parle dans son Histoire, & qui se laissa brûler avec son Vaisseau, pour ne vouloir pas le quitter sans un ordre de l’Amiral. On dit que vers fin de l’année du grand Jubilé 1700, la Coterie examina, dans une Assemblée générale de tous ses Membres, si elle devoit tompre ou continuer ses seances, & qu’après bien de Harangues & des Disputes, de part & d’autre, il y fut resolu, d’une commu-nemine contradicente, qu’elle tiendroit bon durant tout ce nouveau Siecle.
Ce petit abregé suffira, si je ne me trompe, à l’égard de l’Etablissement & de la continuation de cette admirable Coterie ; mais il est à propos d’ajoûter quelque chose des mœurs & du caractere de ses divers Membres, suivant les plus exactes informations que j’en ai pû avoir.
On voit en gros, par leurs Registres, que depuis leur premiere Institution ils ont fumé cinquante Tonneaux de Tabac, & qu’ils ont bû trente mille Le mot Pieces d’
Cette Societé regarde toutes les autres avec le dernier mépris, & traite de miserables tombées des nuës celles mêmes du Kit-Cat & du Mois d’Octobre. Presque tous les discours de ces dignes Buveurs ne roulent que sur ce qui s’est passe dans leurs Assemblées, où tels & tels Membres ont bû à leur tour une semaine entiere, sans quitter la compagnie ; où tels autres ont fumé cent Pipes dans une séance, & où d’autres n’ont pas manqué d’aller boire leur petit coup à dejeuner depuis vingt années. Quelquefois ils parlent tout extasiez de quelques Barrils d’excellente Aile, qu’il y eut dans leur Cabaret, sous le reine de Charles ii ; & quelquefois ils reflechissent avec étonnement sur certaines Parties au Angleterre.Whisk, qui ont été gagnées par quelques-uns de leurs Membres, lorsqu’il n’y avoit presque plus d’esperance.
Ils le plaisent à chanter à toute heure de vieilles Chansons, pour s’encourager les uns les autres à s’humecter le gosier, & à se rendre immortels à force de boire : Ils ne s’épargnent pas non plus d’autres Exhortations édifiantes qui visent au même but.
Leur Doïen a survêcu deux fois toute la Coterie & il s’est soulé avec les Grands Peres de quelques-uns des Membres qu’on y voit aujourd’hui. »
C.