XLIV. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer Mitarbeiter Katharina Jechsmayr Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 17.07.2019 o:mws-119-1227 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Paris: Etienne Papillon 1716, 283-289 Le Spectateur ou le Socrate moderne 1 044 1716 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Frauenbild Immagine di Donne Image of Women Imagen de Mujeres Image de la femme Imagem feminina Männerbild Immagine di Uomini Image of Men Imagen de Hombres Image de l'homme Imagem masculina France 2.0,46.0

XLIV. Discours

Quem præitare porest mulier galeata pudorent,Quæ sugit à Sexu ?

Juv. Sat. VI : 152, 153.

C’est-à-dire, Où est la pudeur & la modestie d’une Femme qui a la casque en tête, & qui renonce, en quelque maniere, à son Sexe ?

Lorsque, dans l’Iliade d’Homere, la femme d’Hector s’entretient, avec son Epoux, sur le Combat où il alloit s’engager, ce Heros la prie de lui en laisser la conduite, de se retirer avec ses Femmes de chambre, & d’avoir soin de sa Quenouille. Le Poëte insinue par-là que les Hommes & les Femmes se doivent mêler de ce qui est de leur ressort, & ce qui convient à leur Sexe respectif.

Je connois à présent un jeune Gentilhomme, qui a passé une bonne partie de ses jours dans la Chambre de sa Nourrice, & qui peut, en cas de besoin, faire une C’est une Boisson que les Hollondais appellent Kandeel, & qui est composée de Vin, d’Œufs, de Sucre & de quelques Epices.Candle ou un C’est à peu près le même Breuvage, composé de Vin sec, de Crême, de Muscade, d’Œufs bien batus & de Sucre.Sack-Posset mieux qu’aucune Personne qu’il y ait en Angleterre. Il est aussi très-habile Connoisseur en fait de Batistes & de Mousselines, & il vous parlera une heure d’arrache-pié sur une sorte de Confitures. Il entretient sa Mere tous les soirs de ce qu’il a remarqué à la Ville ou à la Cour : par exemple, il lui dit quelle Dame paroît avoir le goût le plus délicat dans ses Habits ; quel Seigneur porte la Perruque la plus blonde ; qui a le plus beau Linge, ou la plus jolie Tabatiere, avec cent autres observations aussi curieuses qu’on peut débiter en bonne Compagne.

D’un autre côté j’ai souvent occasion de voir une Andromaque Campagnarde, qui fût ici l’Hiver dernier, & qui est une des plus expertes à la chasse du Renard. Elle parle toujours de Chiens ou de Chevaux, & ne se fait aucune peine de sauter pardessus une Barrière de cinq ou six treillis. Si quelque Homme lui raconte une Avanture gaillarde, elle en sourit, lui donne une poussade & le traite de Chien ; & si son Valet manque à son devoir, elle le ménace d’abord de le chasser du Logis à coups de pied. Je l’ai vûë en colere une fois contre un bon Artisan, qu’elle traita de miserable pouilleux ; & je me souviens qu’un jour, dans une Compagnie nombreuse de Dames & de Messieurs, où nous étions ensemble, sur ce qu’elle ne put se rappeller le nom d’un Homme, elle nous le désigna par le titre de cet Estasier aux larges épaules.

Si certaines actions, & certaines paroles passent pour ridicules dans l’un des Sexes, quoiqu’elles soient indifferentes de leur nature ; les fautes & les imperfections de l’un transportées dans l’autre, deviennent abominables & monstrueuses. Pour ce qui regarde les Hommes, je ne leur dirai plus rien dans la suite de ce Discours ; mais ambitieux de rendre les Femmes aimables en tout, & de contribuer à les dégager de ces petits foibles qui obscurcissent les charmes que la Nature a répandus sur elles à pleines mains, je leur destinerai tout le papier qui me reste. Le foible dont je voudrais les guérir, est l’esprit de Parti, qui s’est glisse, depuis quelques années, dans leur conversation. Ce Vice, formé d’un nombre infini de passions cruelles & violentes, opposées à là douceur, à la modestie, & à ces autres aimables qualitez qui sont na-turelles au beau Sexe, ne devroit jamais entacher que le nôtre. Les Femmes paroissent destinées à moderez la ferocité des Hommes, & à leur inspirer la compassion & la tendresse ; non pas à les aigrir, ni à leur enflammer l’esprit de ces passions qui ne s’y élevent que trop d’elles-mêmes. Lorsque j’ai vû quelquefois une jolie bouche prononcer des calomnies & des invectives, que n’aurois-je pas donné pour la retenir ? Quel chagrin n’ai-je pas essuïé de voir quelques-uns des plus beaux visages du monde pâlir & trembler, parcequ’ils étoient animez de cette rage de Parti ? Camille est une des plus grandes Beautez du Roïaume, & cependant elle s’estime plus de ce qu’elle est l’Héroïne d’un Parti, que de ce qu’elle fait l’admiration de l’un & de l’autre. Il y a huit jours ou environ que cette charmante Personne eut un rude assaut, avec la belle & fiere Penthesilée, autour d’une Table à Thé, où elles buvoient ; mais au milieu de la dispute & au fort de sa colère, le bras vint à lui trembler ; de sorte qu’elle renversa une Tasse pleine de Thé sur sa Jupe, & qu’elle s’échauda les doigts. Si cet accident n’eût interrompu le débat, qui sait jusqu’où il seroit allé ?

Une autre consideration, à laquelle je souhaiterois que les Dames voulussent reflechir, & qui doit être, si je ne me trompe, de quelque poids auprès d’elles, c’est qu’il n’y a rien de si pernicieux au Visage que le zéle de Parti. Il donne un regard malin aux yeux & une mine refrognée ; outre qu’il grossit beaucoup les traits, & qu’il échauffe plus que l’eau de vie. J’ai vû le visage d’une Dame se couvrir de boutons, lorsqu’elle parloit contre un grand Seigneur, qu’elle ne connoissoit pas même de vûë, & il est certain qu’une Femme qui épouse les intérêts d’un Parti ne conserve jamais sa beauté une année de suite. Je prie donc toutes les jeunes Femelles qui lisent mes Discours, & qui ont quelque égard pour leur teint, de renoncer à toutes ces vaines Disputes ; mais je laisse d’ailleurs une pleine liberté à toutes les Vieilles décrepites de s’echauffer là-dessus tant qu’il leur plaira, puisqu’on ne doit pas craindre qu’elles gâtent leur visage, ni qu’elles fassent des Proselytes.

Pour moi, il me semble qu’un Homme trop attaché à un Parti fait une vilaine figure ; mais une Femme est trop sincere pour adoucir la violence de ses principes, & l’accompagner de toute la discretion & la retenue qu’on exige de nous. Lorsqu’un zéle aveugle anime le beau Sexe, il le plonge dans mille extravagances ; leur genérosité naturelle ne met aucunes bornes à leur Amour, ni à leur Haine, & soit qu’un Whig ou un Tory, un Chien de Boulogne ou un Galant, un Opera ou les Marionettes, fassent l’objet de l’une ou de l’autre de ces Passions, celle qui domine les occupe tout entieres.

Lorsque le Dr. Titus Oates jouïssoit en paix de son Triomphe, il me souvient que j’allai rendre visite à une Dame de sa connoissance, avec mon Ami Mr Honeycomb : Nous ne fûmes pas plutôt assis, qu’en jettant les yeux autour de la chambre, je vis presque dans tous les coins une Estampe qui représentoit ce Docteur, en grand ou en petit. Comme j’examinois ensuite la Dame, qui entretenoit mon Ami, avec sa Tabatiere à la main, qui aurois-je vû sur le couvercle de cette jolie piece que le venérable Docteur ? Un peu après, elle tira son Mouchoir de la poche, & nous y découvrîmes entre les plis, la figure de cet illustre Personnage. Là-dessus, mon Ami, qui se plaît à la raillerie, lui dit, que s’il êtoit à la place de Mr. C’est-à dire, véritable Amour.True-love, son Epoux, la vûë d’un Mouchoir lui donneroit autant d’inquiétude qu’Othello en avoit jamais eu. J’apprehende, répliqua-t-elle, Mr. Honeycomb, que vous ne soïez Tory ; parlez-moi franchement, êtes-vous Ami du Docteur ou non ? Mon Ami, sans lui répondre, lui sourit d’un air gracieux, ( car elle étoit fort jolie, ) & l’avertit en même tems qu’une de ses mouches alloit tomber. Elle ne manqua pas de l’affermir d’abord, & devenue tout d’un coup plus serieuse, Eh bien, s’écria-t-elle, je gage que vous & votre Ami, qui est là taciturne, êtes contre le Docteur, dans le fond de l’âme ; je m’en étois bien aperçue à son silence morne. Elle ouvrit ensuite son Eventail, où nous vîmes paroître de nouveau la figure du Docteur, placé d’un air fort grave entre les bâtons. En un mot, je trouvai que le Docteur s’étoit emparé de ses pensées, de son discours & de presque tous ses meubles ; mais serré de trop près par sa derniere faillie, je fis signe à mon Ami de nous retirer ; ce que nous executâmes sur le champ.

C.

XLIV. Discours Quem præitare porest mulier galeata pudorent,Quæ sugit à Sexu ? Juv. Sat. VI : 152, 153. C’est-à-dire, Où est la pudeur & la modestie d’une Femme qui a la casque en tête, & qui renonce, en quelque maniere, à son Sexe ? Lorsque, dans l’Iliade d’Homere, la femme d’Hector s’entretient, avec son Epoux, sur le Combat où il alloit s’engager, ce Heros la prie de lui en laisser la conduite, de se retirer avec ses Femmes de chambre, & d’avoir soin de sa Quenouille. Le Poëte insinue par-là que les Hommes & les Femmes se doivent mêler de ce qui est de leur ressort, & ce qui convient à leur Sexe respectif. Je connois à présent un jeune Gentilhomme, qui a passé une bonne partie de ses jours dans la Chambre de sa Nourrice, & qui peut, en cas de besoin, faire une C’est une Boisson que les Hollondais appellent Kandeel, & qui est composée de Vin, d’Œufs, de Sucre & de quelques Epices.Candle ou un C’est à peu près le même Breuvage, composé de Vin sec, de Crême, de Muscade, d’Œufs bien batus & de Sucre.Sack-Posset mieux qu’aucune Personne qu’il y ait en Angleterre. Il est aussi très-habile Connoisseur en fait de Batistes & de Mousselines, & il vous parlera une heure d’arrache-pié sur une sorte de Confitures. Il entretient sa Mere tous les soirs de ce qu’il a remarqué à la Ville ou à la Cour : par exemple, il lui dit quelle Dame paroît avoir le goût le plus délicat dans ses Habits ; quel Seigneur porte la Perruque la plus blonde ; qui a le plus beau Linge, ou la plus jolie Tabatiere, avec cent autres observations aussi curieuses qu’on peut débiter en bonne Compagne. D’un autre côté j’ai souvent occasion de voir une Andromaque Campagnarde, qui fût ici l’Hiver dernier, & qui est une des plus expertes à la chasse du Renard. Elle parle toujours de Chiens ou de Chevaux, & ne se fait aucune peine de sauter pardessus une Barrière de cinq ou six treillis. Si quelque Homme lui raconte une Avanture gaillarde, elle en sourit, lui donne une poussade & le traite de Chien ; & si son Valet manque à son devoir, elle le ménace d’abord de le chasser du Logis à coups de pied. Je l’ai vûë en colere une fois contre un bon Artisan, qu’elle traita de miserable pouilleux ; & je me souviens qu’un jour, dans une Compagnie nombreuse de Dames & de Messieurs, où nous étions ensemble, sur ce qu’elle ne put se rappeller le nom d’un Homme, elle nous le désigna par le titre de cet Estasier aux larges épaules. Si certaines actions, & certaines paroles passent pour ridicules dans l’un des Sexes, quoiqu’elles soient indifferentes de leur nature ; les fautes & les imperfections de l’un transportées dans l’autre, deviennent abominables & monstrueuses. Pour ce qui regarde les Hommes, je ne leur dirai plus rien dans la suite de ce Discours ; mais ambitieux de rendre les Femmes aimables en tout, & de contribuer à les dégager de ces petits foibles qui obscurcissent les charmes que la Nature a répandus sur elles à pleines mains, je leur destinerai tout le papier qui me reste. Le foible dont je voudrais les guérir, est l’esprit de Parti, qui s’est glisse, depuis quelques années, dans leur conversation. Ce Vice, formé d’un nombre infini de passions cruelles & violentes, opposées à là douceur, à la modestie, & à ces autres aimables qualitez qui sont na-turelles au beau Sexe, ne devroit jamais entacher que le nôtre. Les Femmes paroissent destinées à moderez la ferocité des Hommes, & à leur inspirer la compassion & la tendresse ; non pas à les aigrir, ni à leur enflammer l’esprit de ces passions qui ne s’y élevent que trop d’elles-mêmes. Lorsque j’ai vû quelquefois une jolie bouche prononcer des calomnies & des invectives, que n’aurois-je pas donné pour la retenir ? Quel chagrin n’ai-je pas essuïé de voir quelques-uns des plus beaux visages du monde pâlir & trembler, parcequ’ils étoient animez de cette rage de Parti ? Camille est une des plus grandes Beautez du Roïaume, & cependant elle s’estime plus de ce qu’elle est l’Héroïne d’un Parti, que de ce qu’elle fait l’admiration de l’un & de l’autre. Il y a huit jours ou environ que cette charmante Personne eut un rude assaut, avec la belle & fiere Penthesilée, autour d’une Table à Thé, où elles buvoient ; mais au milieu de la dispute & au fort de sa colère, le bras vint à lui trembler ; de sorte qu’elle renversa une Tasse pleine de Thé sur sa Jupe, & qu’elle s’échauda les doigts. Si cet accident n’eût interrompu le débat, qui sait jusqu’où il seroit allé ? Une autre consideration, à laquelle je souhaiterois que les Dames voulussent reflechir, & qui doit être, si je ne me trompe, de quelque poids auprès d’elles, c’est qu’il n’y a rien de si pernicieux au Visage que le zéle de Parti. Il donne un regard malin aux yeux & une mine refrognée ; outre qu’il grossit beaucoup les traits, & qu’il échauffe plus que l’eau de vie. J’ai vû le visage d’une Dame se couvrir de boutons, lorsqu’elle parloit contre un grand Seigneur, qu’elle ne connoissoit pas même de vûë, & il est certain qu’une Femme qui épouse les intérêts d’un Parti ne conserve jamais sa beauté une année de suite. Je prie donc toutes les jeunes Femelles qui lisent mes Discours, & qui ont quelque égard pour leur teint, de renoncer à toutes ces vaines Disputes ; mais je laisse d’ailleurs une pleine liberté à toutes les Vieilles décrepites de s’echauffer là-dessus tant qu’il leur plaira, puisqu’on ne doit pas craindre qu’elles gâtent leur visage, ni qu’elles fassent des Proselytes. Pour moi, il me semble qu’un Homme trop attaché à un Parti fait une vilaine figure ; mais une Femme est trop sincere pour adoucir la violence de ses principes, & l’accompagner de toute la discretion & la retenue qu’on exige de nous. Lorsqu’un zéle aveugle anime le beau Sexe, il le plonge dans mille extravagances ; leur genérosité naturelle ne met aucunes bornes à leur Amour, ni à leur Haine, & soit qu’un Whig ou un Tory, un Chien de Boulogne ou un Galant, un Opera ou les Marionettes, fassent l’objet de l’une ou de l’autre de ces Passions, celle qui domine les occupe tout entieres. Lorsque le Dr. Titus Oates jouïssoit en paix de son Triomphe, il me souvient que j’allai rendre visite à une Dame de sa connoissance, avec mon Ami Mr Honeycomb : Nous ne fûmes pas plutôt assis, qu’en jettant les yeux autour de la chambre, je vis presque dans tous les coins une Estampe qui représentoit ce Docteur, en grand ou en petit. Comme j’examinois ensuite la Dame, qui entretenoit mon Ami, avec sa Tabatiere à la main, qui aurois-je vû sur le couvercle de cette jolie piece que le venérable Docteur ? Un peu après, elle tira son Mouchoir de la poche, & nous y découvrîmes entre les plis, la figure de cet illustre Personnage. Là-dessus, mon Ami, qui se plaît à la raillerie, lui dit, que s’il êtoit à la place de Mr. C’est-à dire, véritable Amour.True-love, son Epoux, la vûë d’un Mouchoir lui donneroit autant d’inquiétude qu’Othello en avoit jamais eu. J’apprehende, répliqua-t-elle, Mr. Honeycomb, que vous ne soïez Tory ; parlez-moi franchement, êtes-vous Ami du Docteur ou non ? Mon Ami, sans lui répondre, lui sourit d’un air gracieux, ( car elle étoit fort jolie, ) & l’avertit en même tems qu’une de ses mouches alloit tomber. Elle ne manqua pas de l’affermir d’abord, & devenue tout d’un coup plus serieuse, Eh bien, s’écria-t-elle, je gage que vous & votre Ami, qui est là taciturne, êtes contre le Docteur, dans le fond de l’âme ; je m’en étois bien aperçue à son silence morne. Elle ouvrit ensuite son Eventail, où nous vîmes paroître de nouveau la figure du Docteur, placé d’un air fort grave entre les bâtons. En un mot, je trouvai que le Docteur s’étoit emparé de ses pensées, de son discours & de presque tous ses meubles ; mais serré de trop près par sa derniere faillie, je fis signe à mon Ami de nous retirer ; ce que nous executâmes sur le champ. C.