Philippe Bridel an Hugo Schuchardt (05-01372)

von Philippe Bridel

an Hugo Schuchardt

Mesnil

02. 02. 1912

language Französisch

Zitiervorschlag: Philippe Bridel an Hugo Schuchardt (05-01372). Mesnil, 02. 02. 1912. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2021). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.9763, abgerufen am 28. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.9763.


|1|

Le Mesnil.
Mézières-en-Drouais
(Eure-et-Loir) France
2 février 1912

Mon cher Cousin,

Mon frère Georges1 - fidèle archiviste de la famille, qui tient registre de toutes les dates intéressantes – m’apprend que vous êtes à la veille de célébrer vos 70 ans. Je ne veux pas laisser passer cette occasion de vous envoyer, avec mes félicitations et mes bons vœux, l’expression de mes sentiments très affectueux. Je vous les ai bien rarement témoignés ces sentiments, – ayant été de tous temps fort paresseux à la correspondance, |2| et les circonstances ne nous ayant jamais rapprochés l’un de l’autre au cours de ces dernières années. Une promesse que vous m’aviez à temps faite jadis, me laissait espérer que vous viendriez un jour revoir les rives du Léman: vous n’avez pas réalisé ce projet. Quant à moi, – non que le désir m’en manquât, je n’ai pas trouvé la possibilité de retourner en Allemagne depuis l’époque lointaine où j’y amenais ma fille et où vous nous accueilliez si aimablement à Gotha. Votre vénérée mère, ma chère et très honorée grand tante, était encore de ce monde et nous reçut avec tant de bonté!

|3| Depuis lors ma fille: „la branche Ernestine“ comme vous disiez si gentiment (et je n’ai jamais eu d’autre branche) a épousé, peu après la mort de ma femme un ingénieur-chimiste (et bachelier en théologie!) M. Debu,2 qui a fondé et dirige une fromagerie avec des diverses annexes, dans le village français dont j’ai inscrit le nom en tête de ces lignes. Seul chez moi (mais non pas absolument seul à Lausanne, où j’ai maintenant mes 3 frères et leurs 3 familles, sans compter de nombreux amis) -toute ma vie se trouve ici, chez mes enfants, et petits-enfants: Jacques, 9 ans, Philippe 7, Anna 4, Françoise 6 mois. |4| Ainsi, dès que j’ai quelques jours de liberté, je viens les passer ici, au milieu d’un tapage qui me fatigue un peu la tête, parfois, mais qui toujours me réchauffe le cœur. Voilà comment, à part un petit voyage aux Pays Bas et un autre en Italie (jusqu’à Rome) je n’ai jamais fait autre chose pendant mes vacances à Noël, Pâques, et l’été, – que venir vivre ici de la vie de famille et de la vie des champs. Un verger, un petit bois et d’autres dépendances de la maison me rendent, du reste, ce séjour suffisamment reposant et vivifiant.

Si je suis ici en ce moment qui n’est point un temps de vacances, c’est bien contre mon gré. Oyez mon aventure! La veille de Noël, j’arrivais en parfait |5| état et tout joyeux, pour y passer ma semaine de vacances: et le lendemain je me sentais „pincé“ par des douleurs, que je ne connaissais point encore; c’était une sciatique; elle se montra fort méchante et d’une longueur plus que suffisante à mon goût. Depuis quelques jours enfin je suis vraiment guéri: plus de souffrances, je puis me lever chaque jour quelques heures. Mais c’est à présent que je puis mesurer le ravage que ce mois de lit a fait dans mon pauvre organisme; je suis sans force, à peine si mes jambes me portent, ma tête chavire, et je me sens „bête comme chou“. Je me demande s’il ne va pas falloir un autre mois encore, de convalescence, avant |6| que je puisse affronter, en plein hiver, le long voyage de retour. Et tout cela me tourmente d’autant plus que, au moment où j’ai quitté Lausanne, un de mes collègues venait de demander et d‘obtenir (sur l’ordre du médecin) trois mois de congé. De 5 voilà les professeurs de notre Famille réduits à 3! En voilà beaucoup trop sur ce chapitre, tout égoiste. J’en reviens à vous, mon cher cousin, pour exprimer le vœu que ce soit en pleine santé que vous trouvent ces lignes, d’un malade qui vous écrit tant bien que mal, et plus mal que bien, tenant son papier sur son genou. Oui, puissiez-vous – selon mes vœux |7| et ceux de tous vos amis, passer heureusement ce jour anniversaire, dans le doux souvenir de tous ceux que vous avez aimés, dans l’heureuse pensée de tous ceux qui vous aiment aujourd’hui: même, et avec l’espoir de passer ancore quelques bonnes années dans ce dernier repos que vous avez si bien mérité, mais auquel, je le sens bien, vous mêlez et mettez toujours l’activité de l’étude.

Veuillez agréer, mon cher cousin, avec mes souhaits de fête, l’espoir de mes sentiments affectueux

Ph. Bridel

Ma fille se rappelle à votre bon souvenir et joint ses vœux aux miens.


1 Georges Antoine Bridel (1867-1946), vgl. HSA 01352-01366.

2 Gabriel Debû (1874-1947). Sein Sohn Jacques Debû-Bridel (1902-1993) war französischer Widerstanskämpfer und gaullistischer Politiker.

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 01372)