Philippe Bridel an Hugo Schuchardt (01-01368)

von Philippe Bridel

an Hugo Schuchardt

Bramois

06. 04. 1897

language Französisch

Zitiervorschlag: Philippe Bridel an Hugo Schuchardt (01-01368). Bramois, 06. 04. 1897. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2021). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.9759, abgerufen am 08. 10. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.9759.


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Bramois.(près Sion).
6 Août 1897

Mon cher cousin,1

Il y a longtemps que j’aurais dû répondre à votre aimable lettre, accompagnée du non moins aimable envoi de votre brochure concernant la Traduction des noms propres.2 Mon long silence3 n’a d’autre excuse que les occupations dont je me suis vu accablé cette année, par |2| suite d’un concours exceptionnel de circonstances. Je n’en étais qu’à ma troisième année d’enseignement, ayant à composer deux cours entièrement nouveaux pour moi; et voilà que, pour mon malheur, le tour de rotation m’obligeait à accepter la Présidence de notre petite Faculté, avec les diverses charges et perte de temps qu’elle implique; puis, pour combler la mesure, nous célébrions ce printemps le cinquantenaire de la fondation de notre Eglise (l’Eglise libre du Canton de Vaud), et j’avais |3| une assez grande part à prendre dans les préparatifs de cette fête.4 Tout cela est bien peu intéressant pour vous, mon cher cousin; si je m’y arrête ainsi, c’est que je désire bien que vous sachiez que ce n’est point par indifférence que j’ai laissé votre lettre sans réponse jusqu’à ce moment où les vacances viennent enfin de me rendre ma liberté! Laissez-moi vous dire d’abord que j’ai lu avec un vif intérêt vos considérations si justes et si érudites sur les noms propres.5 Que de choses curieuses et piquantes dans ce domaine de |4| la philologie, que je connais fort mal et dont vous savez, vous, tous les secrets! Et que de choses profondes aussi, et d’une portée vraiment philosophique, l’étude des mots peut nous révéler! J’ai, par hasard, lu récemment dans la Revue des deux mondes un article de M. Michel Bréal,6 fragment d’un livre qu’il va publier sur ce qu’il appelle la Sémantique.7 Je ne sais ce que vaut sa théorie, – je suis un profane en ces matières, – mais cela m’a intéressé et a contribué aussi à me convaincre que le champ labouré par Messieurs les philologues est moins aride que je ne me le fi- |5| gurais jadis.

Vous me posiez une question à laquelle je réponds trop tard, je le crains, pour que mon petit renseignement ait encore quelque valeur. Vous désirez savoir comment nous agissons dans la Suisse „romande“ (c.-à-d. française; mais nous employons de préférence le premier de ces termes) au sujet de la traduction des noms propres. La loi est formelle, – et pour toute la Suisse; l’état civil n’admet aucun changement ni dans les noms de baptême ni dans les noms de famille. Quand il s’agit d’inscrire une naissance, on doit exhiber l’acte de mariage des parents; |6| le nom de famille est relevé d’après cette pièce et le nom de baptême inscrit (ne varietur) d’après la déclaration des parents. Ceux-ci sont absolument libres dans le choix de ce nom et de son orthographe. Le règlement exclut seulement les noms obscènes ou qui pourrait [sic] jeter plus tard du ridicule sur l’enfant (mais ceci est laissé au tact de l’officier de l’Etat civil). Inversément, quand il s’agit d’inscrire un mariage, on exhibe l’acte de naissance des conjoints et on y relève les noms tels qu’il s’y trouvent libellés. Ces mesures, propres à assurer l’invariabilité des noms, sont relativement |7| anciennes, – elles doivent dater d’au moins un demi siècle. Antérieurement, quand l’Etat civil était entre les mains des pasteurs, il y avait moins de régularité; suivant la fantaisie individuelle l’un écrivait tel nom d’une façon, tandisque l’autre l’écrivait diversement. Il y a ainsi dans une vallée du Jura (La Vallée) une nombreuse famille, qui, depuis le siècle dernier ou le commencement de celui-ci seulement, se trouve divisée en deux branches, l’une qui écrit Rochat, l’autre Rochaz, et cette seconde orthographe est uniquement le fait d’un pasteur étranger au pays, qui, par erreur, a inscrit ainsi: quelques nouveaux-nés |8| venus au monde à l’époque où il exerçait son ministère là-haut. Par des raisons analogues et non moins capricieuses on a jadis traduit, ou simplifié, bien des noms de famille; mais cela ne se fait plus. Un petit article que je vous envoie,8 paru récemment dans la Patrie Suisse et dont je ne connais pas l’auteur, regrette (mais c’est en vain) qu’il n’en soit plus de même. Quant à la prononciation, il est certain qu’elle est soumise à un complet arbitraire. A Genève on suit assez exactement la prononciation française, qui consiste à prononcer les noms propres comme ils sont écrits (sans s’inquiéter de la façon dont ils se listent en Alle- |9| magne ou en Angleterre), avec cette réserve que les er terminaux se prononceront non pas comme à la fin du verbe aller, mais comme s’il y avait ère. Ainsi Baumgartner se prononce Bomgartnère, etc. A Lausanne on suivait, il y a 30 à 40 ans, le même système, au moins assez généralement; ainsi Krieg se prononçait: Kri-jég(ue). Aujourd’hui, plus envahis par nos confédérés germaniques, nous prononçons beaucoup de noms allemands à l’Allemande mais sans qu’il y ait aucune régularité dans cet usage. On dira les Müller (à l’Allemande) en parlant d’une famille de ce nom qui nous vient de Berne |10| ou de Zürich et qui prononce elle-même son nom de cette façon, tandisque d’autres Müller, venus de Paris, ou de Strasbourg au moment de la guerre, et tenant eux-mêmes à la prononciation française, seront appelés généralement par nous: les „Mullère.“

Je vous ai dit que officiellement les noms de baptême sont invariables aussi; nous avons donc des Guillaume, Wilhelm et des William, – voire des Willy, des Willie, des Will, etc. Mais il arrive souvent qu’en pratique, à l’école, à l’atelier un enfant, baptisé Ludwig quand ses parents habitaient Zürich, soit appelé ici, – et par ses parents |11| eux-même, une fois établis à Lausanne, – Louis.

Mais en voilà bien assez sur ce sujet. Je ne veux pas terminer sans vous dire la joie que j’aie eue en apprenant, qu’après une si mauvaise crise, ma chère et vénérée tante Schuchardt avait retrouvé, en partie au moins, ses forces.9 J’espère avoir prochainement le bonheur de la revoir, et celui de faire la connaissance d’une autre de mes grandes-tantes que je n’ai jamais vue, votre tante Mademoiselle de Bridel.10 Je compte, en effet, s’il plaît à Dieu, conduire ma fille11 à Dresde où elle restera une dizaine de mois, et nous voulons passer par Gotha, accomplissant ainsi |12| un souhait que j’ai depuis longtemps au cœur. Ce sera probablement le dimanche 29 Août que nous serons à Gotha (arrivant le 28 et repartant le 30). Dans peu de jours, quand je serai mieux fixé, j’écrirai à ma tante, pour lui annoncer notre petite visite.

Avec le Patois suisse je prends la liberté de vous envoyer un discours de rentrée que j’ai prononcé en octobre 96,12 et un sermon de Synode. Ne vous faites pas un devoir de les lire. Il me suffit du plaisir que j’ai à vous donner ce petit signe de vie.

Veuillez me croire, cher et honoré cousin, votre sincèrement dévoué

Ph. Bridel


1 In den französischen Brieftexten werden aus praktischen Gründen deutsche An- und Abführungen („ …“) benützt, da das französische Verfahren “ “ recht aufwendig ist.

2 Schuchardt, Sind unsere Personennamen übersetzbar? Graz: Selbstverlag des Verfassers, 1895.

3 Korrespondenz vor dem August 1897 ist nicht erhalten.

4 Philippe Bridel, Notre roi: Discours prononcé à l’occasion du cinquantenaire de l’Eglie évangélique libre du canton de Vaud devant le synode réuni à Lausanne le 18 mai 1897 , Lausanne [s. n.], 1897.

5 Schuchardt, Sind unsere Personennamen übersetzbar? Graz: Selbstverlag des Verfassers, 1895.

6 Michel Bréal, „ Une science nouvella. La Sémantique “, Revue des Deux Mondes 141, N° 4, 15 Juin 1898, 807-836.

7 Michel Bréal, Essai de sémantique (science des significations), Paris: Hachette & Cie, 1897.

8 Nicht beigefügt.

9 Malvine Schuchardt sollte jedoch nur noch knapp zwei Jahre leben.

10 Nicht identifiziert; vermtulich „la tante Thérèse“.

11 Ernestine Bridel (1879-1952), Tochter von Philippe Bridel und Anna Bridel-Cottier (1857-1901); sie heiratete später Gabriel Debû (1874-1947).

12 Philippe Bridel, Les raisons d’être de la théologie: Discours prononcé le 8 octore 1896, dans la séance publique d’ouverture des cours de la Faculté de théologie de l’Église libre du canton de Vaud , Lausanne: Bridel, 1896.

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