Gaston Paris an Hugo Schuchardt (02-08562)

von Gaston Paris

an Hugo Schuchardt

Paris

24. 02. 1869

language Französisch

Schlagwörter: Revue critique d'histoire et de littérature Diez, Friedrich Marsand, Antonio Fortifiocca, Tommaso di Monaldeschi, Lodovico Bonconte Genf Paris, Gaston (1868) Henriet, Patrick (Hrsg.) (2018) Schuchardt, Hugo (1866) Diez, Friedrich (1870–1872) Marsand, Antonio (1835–1838) Raynaud, Gaston (1882)

Zitiervorschlag: Gaston Paris an Hugo Schuchardt (02-08562). Paris, 24. 02. 1869. Hrsg. von Ursula Bähler, Bernhard Hurch und Nicolas Morel (2023). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.9562, abgerufen am 29. 09. 2023. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.9562.


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Paris, ce mercredi 24 février

Cher Monsieur,

Excusez-moi de répondre si tardivement à votre aimable et charmante lettre, qui m’a fait, comme bien vous pensez, le plus vif plaisir. Je suis heureux de voir que le souvenir de notre rencontre à Genève1 n’est pas resté seulement dans mon esprit, et que vous voulez bien vous rappeler des heures qui pour moi ont été des plus agréables. Je vois par votre lettre que vous avez conservé tous les goûts que vous joigniez alors à celui de la philologie; et il en est sans doute de même des préjugés. A la bonne heure. Quant à moi, j’ai passé beaucoup moins gaiement que vous les dix-huit mois qui se sont écoulés depuis lors, et si j’ai des préjugés de moins en moins nombreux, je crains bien d’avoir en même temps des goûts de moins en moins vifs. La philologie elle-même, – horresco referens!2 – ne m’inspire plus qu’une sympathie calme et telle qu’on doit l’éprouver dans l’état de mariage. Ce qu’il y a de pis, c’est que je n’ai même pas envie de lui faire des infidélités. Je ne m’amuse guère, et je suis fort ravi d’entendre le son toujours gai et cordial de votre voix.

J’ai fait depuis un an et demi un cours de grammaire française3; je n’ai pas encore, il s’en faut, achevé la phonétique. Vous jugez si votre livre m’a été utile4; il n’a pas quitté ma table toute l’année dernière, où j’ai traité spécialement de l’origine des sons français, et il m’est souvent encore d’un fort bon secours cette année, où je fais l’histoire des dits sons. J’en ferai un de ces jours un compte-rendu dans la Revue critique5, et je dirai tout le bien que j’en pense. A mon sens, il fait tout-à-fait époque dans l’histoire de la philologie romane, et il faut espérer qu’il ne sera pour vous-même que le commencement d’autres travaux de ce genre. On dit que Diez va faire une nouvelle édition de sa |2| grammaire6: je ne doute pas qu’il n’y mette largement à contribution votre Vocalisme; c’est une véritable mine pour toutes les études sur la phonétique des langues romanes7.

Je suis heureux que vous vous consacriez définitivement à ces langues; elles n’ont qu’à se bien tenir; vous allez les secouer d’une jolie façon. J’ai été ce matin à la Bibliothèque pour la petite recherche que vous m’aviez demandée: les catalogues ne sont pas très commodes à consulter. Je crois cependant avoir bien examiné tout ce qui existe d’italien (les titres s’entend) à notre Bibliothèque, et j’y ai trouvé trois des livres que vous me signalez. Les voici; pour le premier je ne suis pas sûr que ce soit bien le vôtre.

Fonds Italien, n° 820 (anciennement Français 8133): Ciò che accadde in Roma al tempo di Roberto re di Napoli; con la vita di Nicola da Rienzo. – Papier, in-8°, XVe s. – D’après Marsand, l’auteur du Catalogue (très-incomplet) de nos mss. italiens, la vie de Rienzo est anonyme; elle comprend la plus grande partie du volume: «Quant’è alla dizione, non offre esempj di bello scrivere; ma quanto alla storia si conosce in vista essere scritta con tutta l’ingenuità e l’imparzialità d’uno storico.»8 Est-ce celle de Fortifiocca? Je ne sais.

F. it. 267 (anc. fr. 2183): Memorie et annali da l’anno 1327 fino a l’anno 1340. di messer Lodovico Bon-Conte Monaldeschi. – Commence ainsi: «Io Lodovico B.-C. M. nacqui in Orvieto, et fui allevato nella città di Roma.» L’auteur annonce qu’il a vécu cent ans et qu’il racontera toute sa vie; il s’arrête pourtant en 1340; Marsand conjecture que le manuscrit est incomplet. – Il est sur papier, gr. in-4°, du XVIIe siècle, et n’a que quarante feuillets9.

F. it. 192 (anc. fr. 10033): Stefani Infesturae Diaria rerum Romanarum suorum temporum ab anno 1494. – Le texte est italien; le ms. est un in-4° du XVIIe siècle commençant, assez mince10.

Voilà ce que j’ai trouvé; excusez-moi si la moisson n’est pas plus riche, ce n’est pas de ma faute.

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Votre lettre, dont vous parlez si modestement, est écrite en fort bon français; mais ce n’est pas seulement pour cela qu’elle me donne envie d’en voir d’autres du même auteur. Puisque vous ne m’oubliez pas, donnez-moi quelquefois de vos nouvelles; vous me ferez toujours grand plaisir. Je n’ai pas besoin de vous dire que je suis à votre disposition pour tout service du même genre dont vous pourriez avoir besoin.

Croyez, mon cher Monsieur, à mon sincère dévouement,

GParis

1, rue d’Arras.


1 La rencontre a eu lieu à Vevey. Schuchardt parle bien, quant à lui, du Lac de Genève (voir l. du 5 février 1869 (HS 01-24456))

2 Virgile, Énéide, II, 204.

3 Le cours dont il est question ici et dont la leçon inaugurale a été publiée en 1868 sous le titre de Grammaire historique de la langue française (G. Paris 1868), a été dispensé par G. Paris dans le cadre des «Cours libres de la rue Gerson» dont sortira, en juillet 1868, l’EPHE (Henriet 2018).

4 Der Vokalismus des Vulgärlateins (Schuchardt 1866-1868).

5 G. Paris ne rédigera pas le compte rendu en question.

6 La troisième édition de la Grammatik de Diez paraîtra entre 1870 et 1872 (Diez 1870-1872

7 Conscient que le renouveau des méthodes philologiques lancé par lui est en train de s’accélérer, Diez, dans la préface de sa troisième édition de la Grammatik, dresse les limites de son propre projet. Il regrette notamment de ne pas avoir suffisamment su tirer profit du «bedeutende[n] Buche über den Vocalismus des Vulgärlateins» et continue: «um so mehr fühle ich mich veranlasst, den Leser unmittelbar auf dasselbe als ein ergänzendes Werk hinzuweisen» (Diez 1870, iv). Schuchardt remercie Diez de cette mention dans une lettre datée du 1er décembre 1869 (HSA 10-t00862923_5).

8 L’extrait cité ici concerne la notice n° 8133 de la bibliographie de Marsand (Marsand 1835, 189‑90).

9 Voir la référence n° 10183 du catalogue en question (Marsand 1835, 433).

10 Ne figure pas dans le catalogue de Marsand (Raynaud 1882, 53).

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 08562)