Alphonse Bos an Hugo Schuchardt (03-01232)
von Alphonse Bos
an Hugo Schuchardt
09. 01. 1883
Französisch
Schlagwörter: Syntax Kreolistik Kreolsprachen Deutsch
Französisch
Latein
Englisch
Indoportugiesische Kreolsprachen Indien China Marseille
Zitiervorschlag: Alphonse Bos an Hugo Schuchardt (03-01232). Marseille, 09. 01. 1883. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2021). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.8376, abgerufen am 30. 09. 2023. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.8376.
9 Janvier 1883.
Marseille, 75, Rue de Forbin
Mon cher Monsieur
Je viens bien tard répondre à votre aimable lettre du 23 Août. Ces voyages dans l’Inde et la Chine sont si longs. Je suis parti de Marseille le 1 er 8 bre 82 et je ne suis de retour qu’aujourd’hui.
Vous êtes vraiment trop bon de me remercier du peu que j’ai fait pour pouvoir vous être utile en quelque chose. Cela ne vaut pas la peine d’en parler, mais puisque vous tenez à prendre votre revanche, je vous en fournis l’occasion.
|2| À ma grande honte, je vous avoue que je ne sais pas l’Allemand, et je sens de plus en plus l’absolue nécessité de le comprendre. Je veux seulement pouvoir le lire à l’aide d’un dictionnaire, et nullement le parler. Je n’ai besoin que de connaître les règles, la syntaxe de la langue et jusqu’à présent, toutes les fois que je me suis mis à vouloir apprendre l’Allemand, le Prof. s’évertuait à me faire prononcer des Chi ou ce qui était plus inutile pour moi m’expliquait les passages d’o en oe, de a en ae. Si je prends une gram- |3| maire, c’est absolument la même chose. J’y trouve au lieu de règles générales des exercices pratiques comme ceci: „Avez-vous pris le parapluie du cousin de mon oncle“. – R. „Je n’ai pas pris le parapluie du cousin de votre tante, mais j’ai pris le mouchoir de la nièce de ma sœur de lait“. Tout cela peut être très bon pour qui veut se meubler la tête de mots, et parler vite, mais moi je n’ai besoin que de connaître les règles. Seriez-vous assez obligeant pour m’indiquer une grammaire allemande donnant les règles, la syntaxe, etc. |4| à peu près comme nos grammaires latines. Ajoutez à cette indication celle d’un livre contenant les racines allemandes, s’il y en a un avec l’explication des mots en Français. Je vous remercie d’avance et je passe au résultat de mon second voyage dans l’Indo-Chine qui est encore plus maigre que le précédent au point de vue de la philologie créole. On passe si rapidement d’un pays à l’autre que vraiment il est impossible de faire la moindre observation fructueuse sur le langage, et |5| on n’a pas même le temps de s’aboucher avec les gens qui pourraient vous donner des renseignements. J’ajoute que ces gens sont rares, parce que la plupart du temps ils ne comprennent pas ce qu’on leur demande, tellement les patois créoles sont méprisés. Personne ne veut savoir le créole; les gens qui se croient lettrés encore moins que les autres.
À Colombo je suis allé voir M. le Dr. van Kuylenborg, directeur du Musée.1 Comme ce M. ne sait ni un mot de fran- |6| çais ni un mot de latin, et qu’il mange les trois quarts des mots Anglais, ç’a été une affaire pour nous comprendre. Pour vous en donner une idée, je vous dirais que j’avais préparé ma carte sur laquelle j’avais écit en Français que je venais de la part du Prof. Schuchardt; demi heure après un entretien par gestes, et tout en me faisant voir les curiosités de son musée, il me prenait encore pour le Prof. Schuchardt; de guerre lasse j’ai |7| sorti de ma poche la lettre que vous avez eu l’obligeance de m’écrire en Août passé, où il est parlé de lui, Kuylenborg, et alors en tapant sur l’enveloppe où est mon nom et sur ma poitrine en faisant un signe de tête signifiant oui, à peu près partout; puis tapant sur la fin de votre lettre où est votre signature, et montrant Graz dans le lointain, ce qui je l’avoue, est assez difficile, surtout de Colombo; ces deux gestes accompagnés du même mouvement de tête. Enfin tapant et au milieu |8| de la lettre où vous aviez écrit le nom Kuylenborg et sur le ventre du sudit Kuylenborg en personne, le tout accompagné du même signe de tête, je suis parvenu à lui faire entendre que je n’étais pas le prof. Schuchardt. Il a eu alors un éclair de lumière, s’est précipité sur son bureau et m’a montré la lettre que vous lui aviez écrite.2 Dieu soit loué, Schuchardt, Kuylenborg et Bos avaient recouvré leur personnalité. Il m’a montré un brouillon de lettre pour vous où il avait recueilli une bibliographie des ouvrages sur l’Inde. Comme ce n’est pas précisément cela |9| (3) que vous désirez, j’ai voulu lui faire comprendre qu’il s’agissait seulement du patois indo-portugais parlé à Ceylan. Ah bien, oui, va te faire fiche; comment voulez-vous dire cela par gestes, surtout à un Anglais qui est complètement bouché au langage mimique. Vous pouvez avoir une longue conversation par gestes avec un Napolitain, un Turc, un Chinois, mais avec un Anglais, jamais de la vie. De guerre lasse, de retour au bateau, je lui ai écrit à coups de dictionnaire un billet anglais où je lui ex- |10| pliquais de mon mieux ce que vous vouliez. Avant de quitter Colombo, il a été convenu avec lui qu’a mon retour à Colombo pour rentrer en France je prendrai tout ce qu’il aurait recueilli, documents et livres s’il en trouvait, et je me serais chargé de vous le faire parvenir de Marseille. Malheureusement au retour nous sommes arrivés à Colombo un dimanche matin, et repartis le jour même, et vous savez que le dimanche tout est fermé dans les villes Anglaises. Je suis néanmoins allé au Musée où le gardien m’a dit qu’il ne reviendrait que le lendemain. Je lui ai laissé un bout de billet, le priant de vous faire parvenir ce qu’il aurait pu recueillir. S’il a trouvé quelque chose, vous |11| le recevrez 8 ou 15 jours après cette lettre. Dieu fasse qu’il ait mieux compris la chose que l’annamite Pétruski3 dont il me reste à vous parler.
À Saigon, à l’aller j’ai vu M. Boussion, président du tribunal civil, maintenant conseiller à la cour d’appel.4 Je lui ai expliqué la chose, cette fois-ci non plus par gestes, et laissé votre petite note pour que l’illustre annamite qui sait huit langues, la remplisse. Je l’aurais reprise au retour, et voici ce que me remet M. Boussion de la part de M. Petruski. Vous voyez que le susdit prof. de huit langues n’a pas du tout compris ce qu’on lui demandait. C’est, paraît-il, de l’Anamnite familier, rien de littéraire, et M. Boussion |12| m’assurait qu’il n’existe point de baragouin annamito-français, lorsqu’au sortir du bateau un petit batelier annamite est venu nous offrir sa barque, en disant: moaprimié, ce qui ne me semble pas de l’annamite quelque familier qu’on le suppose, mais bien de ce baragouin franco-annamite qui sert de moyen de communication entre les Annamites et les Français.
En tout cas, voici l’adresse du professeur Annamite; écrivez-lui, peut-être serez-vous plus heureux que moi: Monsieur Pétruski, Prof. de langues orientales à Saigon.5
|13| Ce Pétruski n’est pas un polonais déguisé en Annamite, comme on pourrait le croire, mais un véritable Annamite annamitant. Seulement ce nom de Pétruski est la traduction un peu fantaisiste que les Européens ont fait de son nom qui est:
P. J. B. Truong-Vinh-Ký.
Comme il s’appelle Pierre de son prénom et que son nom commence par tr et finit par ky, les Français ont fait Pētrusky, en éliminant les hennissements plus ou moins chevalins qui se trouvent au milieu du |14| mot. Que dites-vous de cette étymologie? Vous pouvez lui écrire sous son nom annamite ou francisé; il est bien connu à Saïgon. Il est directeur du collège des interprètes d’un autre collège dont je ne me rappelle plus le nom. Je vous envoie deux petits ouvrages de ce professeur, non pour que vous vous mettiez à apprendre l’annamite; vous n’avez pour cela qu’à imiter le cheval et le bœuf, mais parce que la traduction littéraire de l’Annamite montre que cette langue est complètement dépourvue de flexion et que
de ma vive sympathie et de la parfaite considération de votre bien dévoué
A. Bos.
1 Möglicherweise handelt es sich um Dr. Petrus Henricus van Cuylenburg (1816-1887).
2 Im HSA findet sich keine Korrespondenz von Kuylenborg.
3 Vgl. im Internet das Photo von Émile Gsell (1838.1879), „Der Dolmetscher der französischen Behörden, Petrus Ki“ ( https://www.weltmuseumwien.at/en/object/397735/?offset=137&lv=list). - Pétrus Jean Baptiste Trương Vĩnh Ký (1837-1898) war ein vietnamesischer Schriftsteller, Wissenschaftler, Journalist und Übersetzer.
4 Jean-Léopold-Emile Boussion (1835-1885).
5 Keine Korrespondenz in HSA.