Alphonse Bos an Hugo Schuchardt (02-01231)

von Alphonse Bos

an Hugo Schuchardt

Neapel

18. 08. 1882

language Französisch

Schlagwörter: Pidgins Kreolsprachenlanguage Französischlanguage Italienischlanguage Arabischlanguage Indoportugiesische Kreolsprachenlanguage Englischbasierte Kreolsprachenlanguage Indoeuropäische Sprachenlanguage Portugiesisch (Singapur)language Niederländischbasierte Kreolsprachenlanguage Französischbasierte Kreolsprachenlanguage Malaiischlanguage Pidgins (Englisch)language Französischbasierte Kreolsprache (Mauritius) Bieber, Ernst Nouet, Louis Neapel Indien China Port Said Marseille Sri Lanka Singapur Hongkong Macau Goa Aden Mauritius

Zitiervorschlag: Alphonse Bos an Hugo Schuchardt (02-01231). Neapel, 18. 08. 1882. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2021). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.8375, abgerufen am 29. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.8375.


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Naples 18 Août 18821

Mon cher Monsieur.

J’ai reçu à Saïgon votre bonne lettre du 20 Mai, et je profite de notre court séjour à Naples pour vous rendre compte en deux mots de mon exploration baragouino-philologique dans l’Inde et la Chine; malheureusement ma récolte est bien pauvre, elle est pour ainsi dire nulle. Nous restons si peu, si peu dans les diverses escales que je n’ai même pas eu le temps de prendre des |2| renseignements.

Pt Saïd – La personne qui vous a dit que l’on ne parlait la langue franque à Pt Saïd avait raison. La ville est Européenne; il y a plus loin le village arabe qui menace maintenant de venir brûler la ville. Les individus de nationalités multiples parlent entre eux leur langue, ou bien le français ou l’italien qui sont les deux langues les plus répandues; pour communiquer avec les Arabes, les Européens se servent de quelques mots arabes: taïb2|3| (2)3 possession d’Assab est la Compagnie Rubattino qui a son siège à Gênes. C’est le gouvernement italien qui agit sous le couvert de cette compagnie.

Colombo – on parle encore à Colombo et à Pointe de Galles l’indo-portugais qui est maintenant fortement mêlé d’anglais, et qui s’anglicise chaque jour d’avantage. Comme vous m’aviez parlé de livres écrits dans ce patois, j’ai voulu voir si j’en trouverais à la bibliothèque. Je vois sur une carte d’hôtel parmi les curiosités de Colombo „Library“; je monte dans un fiacre |4| et je crie au cocher indien dans mon meilleur Anglais qui est un nouveau patois de plus que j’ai créé à moi tout seul: „Library“. Les chevaux partent au galop et me mènent devant un grand édifice en bois ouvert de tous les côtés et assez grand. J’entre et je demande si on n’a pas des livres en indou portugais toujours dans mon patois ad usum proprium. Le bibliothécaire, un Indien de la plus belle eau, reste abasourdi; en présence de son ahurissement, je demande le catalogue; je le parcours, et je ne trouve que les romans de Thackeray, de Dickens, d’Al. Dumas, d’About, de Jules Verne. Cela commençait à me crisper, lorsque |5| en m’essuyant le front (car il fait toujours chaud dans ce sacré paradis terrestre des Indiens), je vois une affiche où il est dit que les abonnés ont seuls le droit d’entrée à la Library et que l’abonnement est de … J’étais tombé dans un cabinet de lecture. Je m’excuse et je demande s’il n’y a pas de bibliothèque publique à Colombo. Même ahurissement de l’Indien. J’ai pu savoir plus tardqu’au „Museum“, il y avait des livres en Indo-portugais; le bateau partait. Ce sera pour le prochain voyage.

|6| Si vous avez quelques indications plus précises, envoyez-les moi, ainsi que des lettres à des personnes qui pourraient vous renseigner et que j’irai voir. Je vais rester maintenant à Marseille plus d’un mois, vous avez tout le temps de préparer le prochain voyage de manière à ce qu’il soit plus fructueux que le précédent. Ne craignez pas d’être indiscret. Simple soldat dans l’armée philologique, j’aurai toujours le plus grand plaisir à rendre service à mon général.

On m’a dit qu’il était probable que l’on |7| (3) trouverait des livres indo-portugais à Kandi, la vieille capitale de Ceylan4 ; mais je ne crois pas, par ce que les Portugais se sont d’abord établis à Pointe de Galles et puis à Colombo. Quant aux Hollandais, les seconds possesseurs de l’Ile, ils n’ont pas laissé de trace de leur passage, que je sache, dans le patois Indo-Européen.

Singapore – Le Consul Français n’a pas su me renseigner sur le malaiso-portugais. Mais il y a très peu de temps qu’il est à Singapore, et son genre de vie ne le met pas à |8| même de consulter la source vive du patois, le peuple moitié Malais, moitié Chinois. D’ailleurs vous aurez sans doute de meilleurs renseignements et de la part de Mr Bieber5 et du Consul de Portugal.

À propos d’un patois Malais, j’ai consulté des Hollandais de passage sur le paquebot, venant de Batavia. Il y a là bas un Créole Hollandais, comme aux colonies françaises il y a un créole français. Il lui ressemble quant à la syntaxe et à la construction des phrases: moi pas content toi etc. c’est-à- |9| dire qu’il n’y a plus de flexion, et seulement des mots invariables mis à la suite les uns des autres. N’étant jamais allé à Batavia, je ne puis rien vous dire sur les mots eux-mêmes qui, paraît-il sont plus malais que hollandais.

Bangkock – On ne parle pas l’indo-portugais ni un pidgin quelquonque. Banckock. Les quelques Européens qui habitent cette ville et qui y font du commerce, apprennent le Siamois vulgaire qui leur sert |10| de moyen de communication avec la population. Quand ils ont affaire avec la cour ou les hauts fonctionnaires, ils se servent d’un interprête qui traduit leur Anglais en Siamois littéraire. Je tiens ces renseignements de M. Bonneville, un Français établi à Banc-Kock depuis 16 ans.6

Saïgon – Je crois en effet qu’un pidgin Français se forme à Saïgon; il ressemble beaucoup pour le moment au Créole des colonies, parce que les |11| (4) Soldats, venant ordinairement des Colonies, croient mieux se faire comprendre en disant par ex: toi donné moi piti moçoau dileau que: donne-moi un peu d’eau. Cette tendance de baragouiner est générale; on se contente d’énoncer le mot principal, en élaguant tous les accessoires. Moi-même quand je ne puis me faire comprendre en Anglais, je parle Créole, en me servant des rares mots Anglais qui |12| hantent encore mon cerveau. Au reçu de votre lettre à Saïgon, le 18 Juillet, je voulais voir MM. Nouet et Laude de votre part pour les stimuler à donner des renseignements, mais malheureusement nous ne sommes même pas descendus. Le bateau était en retard, nous avions été retardés par une avarie à Hong-Kong, et nous sommes partis de suite. J’espère être plus heureux au prochain voyage. Je n’ai eu que le temps d’écrire deux mots au Président du tribunal pour lui recommander le pidgin français des Annamites et |13| me recueillir des documents s’il y en a. Je lui ai écrit aussi de vous rappeler au souvenir de MM. Nouet7 et Laudes8. Mais la personne qui vous sera le plus utile à Saïgon est un Annamite fort instruit, qui parle 8 langues, entre autres le Français mieux qu’un Français. Ne me demandez pas son nom, c’est un nom dans le genre de ceux des Pharaons9; il est directeur du Collège a Saïgon, et il est entendu avec le Président qu’à mon retour à Saïgon, je dînerai avec lui, et là je ferai sa connaissance; je le mettrai en relations avec vous. Vous ne feriez pas |14| mal de m’envoyer un mot pour lui avec un questionnaire que je lui remettrai à mon passage.

Hong-Kong – Le pidgin chino-portugais tend à disparaître devant le pidgin Anglais. Je pense que ce n’est plus qu’à Macao et à Goa que l’on peut avoir des renseignements sur l’Indo-Portugais et le Chino-Portugais. Le pidgin anglais se parle à partir de Hong-Kong sur toute la côte Chinoise dans les ports ouverts au commerce Européen. Mais comme les Portugais ont été les premiers à commercer et à s’établir, des mots portugais ont survécu au naufrage de leur influence |15| bien, etc. mais on ne se sert du baragouin appelé langue franque où domine l’Italien et que j’ai entendu sur la côte de Syrie et de Palestine. Je me rappelle avoir trouvé dans le temps une grammaire de la langue franque,10 et je regrette beaucoup de ne pas l’avoir acheté. Vous la connaissez peut-être: au cas où vous ne l’auriez pas, je ferai faire des recherches, et je vous l’enverrai bien volontiers. Aden – Il n’y a pas de pidgin Anglais à Aden. La population est composée d’Arabes et de Somalis venus de la côte d’Afrique. Les rares négoçiants |16| Européens qui habitent Aden, parlent Arabe pour se faire comprendre; les cochers Somalis savent dire: Missié, bonvoiture ou Sir, goodcoach; voilà tout.

Les intermédiaires entre les Européens et les indigènes sont ordinairement des Parsis commerçants qui baragouinent un peu de Français ou d’Anglais, suivant qu’ils ont affaire à des navires Français ou Anglais. Assaba – Je ne crois pas que l’on parle la langue franque dans la baie d’Assab,11 de même qu’à Obock.12 La Compagnie qui se trouve en |17| (5)13 et se trouvent encore dans le pidgin Anglais.

Ainsi: Mysabéyou, je vous connais. Mynokant sabé ou savé, je ne puis pas connaître ou savoir. Le Chinos entre pour quelques mots dans ce baragouin; Mywanttchi, j’ai besoin de quelque chose. Tcho-tcho, ou quelque chose de semblable pour dire: manger.

Shang-Haï il n’y a pas en effet de pidgin français à Shang-Haï. La concession française est beaucoup moins importante que les deux concessions anglaise et américaine; c’est le pidgin Anglais qui fait |18| les frais de la conversation entre Européens et Chinois, et même entre Chinois de diverses provinces; car un Chinois de Canton ne comprend pas un Chinois de Pekin, et pour s’entendre ils n’ont rien trouvé de mieux que de parler entre eux pidgin anglais, comme les Indiens, les Chinois, et les Arabes de Maurice parlent entre eux créole français.

Je regrette beaucoup de ne pouvoir vous donner des renseignements plus utiles: le peu de temps passé dans ces divers pays et mon insuffisance me serviront d’excuse. Veuillez agréer, mon cher Professeur, l’expression de mes meilleurs sentiments.

Votre bien dévoué A. Bos.

Mon Adresse: Dr Bos. 75, Rue de Forbin. Marseille


1 Der Brief ist nicht vollständig überliefert.

2 Die Fortsetzung fehlt (vermutlich zwei Seiten)!

3 Die S. ist von Bos mit „2“ numeriert; in der Folge erscheinen die Zahlen auf jeder 4. Seite.

4 Kandi, heute Hauptstadt der Zentralprovinz von Sri Lanka, im zentralen Hochland des Inselstaates gelegen.

5 Ernst Bieber (1845-1888), aus Hamburg stammender deutscher Diplomat; 1875 Konsul in Singapur, 1884 Kapstadt, dort verstorben. Vgl. HSA 01016-01017.

6 Keine näheren Angaben.

7 Louis Nouët (1844-1933), Verwaltungsbeamter in Saigon; vgl. HSA 07941-07944.

8 Möglicherweise ist François Laude (1822-1874) gemeint; er war procureur général à Pondichéry, président de la Cour d'appel de Saïgon; da er aber bereits seit acht Jahren verstorben war, ist vielleicht ein „Namensvetter“ gemeint.

9 Möglicherweise ist gemeint: Frère Ivarch-Louis Gaubert.

10 Nicht identifiziert.

11 Die 1870 in der Bucht von Assab am ostafrikanischen Südufer des Roten Meeres errichtete Handelsstation wurde 1890 mit Massaua und Asmara zur Kolonie Eritrea verbunden (wikipedia).

12 Hafenstadt am Golf von Tadjoura im Norden Dschibutis.

13 Hier fehlt wohl wieder eine Seite.

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 01231)