Louis Couturat an Hugo Schuchardt (52-02010)

von Louis Couturat

an Hugo Schuchardt

Bois-le-Roi

06. 06. 1907

language Französisch

Schlagwörter: Internationale Verständigungssprache Sächsische Akademie der Wissenschaften Association Internationale des Académieslanguage Esperantolanguage Novilatin Diels, Hermann Brugmann, Karl Friedrich Christian Leskien, August Beermann, Ernst Schuchardt, Hugo (1907)

Zitiervorschlag: Louis Couturat an Hugo Schuchardt (52-02010). Bois-le-Roi, 06. 06. 1907. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2018). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.7051, abgerufen am 29. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.7051.


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DÉLÉGATION POUR L’ADOPTION D’UNE LANGUE AUXILIAIRE INTERNATIONALE  
SECRÉTAIRE : M. L. LEAU                                                TÉSORIER : M. L.COUTURAT
6, Rue Vavin                                                                         7, Rue Nicole
PARIS (6 e)                                                                            PARIS (5e)
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                                                                                                                  Bois-le-Roi, le 6 juin 1907.

Monsieur et honoré Collègue,

Je m’empresse de vous remercier de l’envoi de votre article de l’Allg. Zeitung,1 et surtout de la peine que vous avez prise d’y corriger les fautes d’impression, qui ne m’auraient pas empêché de le comprendre. J’ai apprécié, comme toujours, la force et la finesse de votre argumentation; je vous remercie d’avoir cité mon article en réponse à M. Diels; vous ai-je dit que, à la demande des Espérantistes, je l’ai traduit moi-même en Esp., et que Möller et Borel vont l’éditer prochainement?2 Je n’ai éprouvé aucune difficulté dans cette traduction (que j’ai faite à titre d’expérience, pour voir si l’Esp. rendrait bien une pensée que j’ai conçue et exprimée en dehors de cette langue); j’ai dû seulement employer deux ou trois „mots nouveaux“ comme „kontesti“, qui se trouvent déjà dans les dictionnaires allemand-esperanto. En général, Zamenhof, dans sa préoccupation de simplicité et de facilité, a trop économisé les racines (il n’a jamais dit d’ailleurs que toutes les racines se trouvent dans l’ Universala Vortaro; l’épithète Universala vise l’internationalité de ce Vocabulaire, non sa „complétité“ (barbarisme forcé!)) C’est ce qui l’a amené à des idiotismes de composition comme elrigardi (cité dans mon article dans la D. Revue), à présent remplacé par aspekti (avoir l’aspect de …); ou comme almiliti = conquérir (on a déjà proposé konkver pour cette idée). – Vous avez bien raison de dire que la L. I. ne saurait être immuable, pas plus qu’aucune institution humaine; et le principal danger que court actuellement l’Esp. est justement de s’immobiliser et de se pétrifier, alors qu’il a besoin encore d’un |2| vaste développement. Malheureusement, il manque d’une autorité directrice, et c’est à cela que notre Comité doit servir, si, comme l’espèrent la plupart des membres de la Délégation, il adopte l’Esp. au moins en principe. M. Brugmann demande malicieusement pourquoi les philologues partisans de la L. I. ne mettent pas eux-mêmes la main à la pâte; il a raison: science (comme noblesse) oblige; et si les philologues que contient notre Comité ne veulent pas faire œuvre créatrice (ce qui leur est nullement interdit), il faut qu’ils fassent du moins œuvre de critiques, en indiquant les défauts de l’Esp., et les moyens de les corriger, ou en général de perfectionner la langue. Pour ma part, je vous l’ai dit, je prépare une Etude sur la dérivation en Esp.3 qui a pour but de régulariser les dérivations et de corriger certains illogismes; cette Etude sera soumise au Comité. Sur d’autres points, comme la phonétique, nous avons besoin des lumières des spécialistes; M. Leskien a dit (d’une façon malveillante) des choses justes sur la phonétique de l’Esp. Beaucoup se plaignent de l’abondance des chuintantes (qui tient évidemment à l’origine slave de la langue) et des finales aj, oj, ajn, ojn, difficiles pour certains, et disgracieuses pour tous. De bons Espérantistes étudient le moyen de remédier à ces défauts, en adoptant un pluriel en –i (homo, homi, au lieu de homoj); ce qui supprimerait l’accord de l’adjectif (comme en anglais) (1 C’était le projet du Dr Zamenhof lui-même dans sa réforme de 1894.) On discute également l’utilité de l’accusatif (que M. Leskien déclare carrément inutile); sur tous ces points nous demandons l’avis des gens compétents, c. à. d. des linguistes. Leur devoir est de le donner, car autrement ils seront responsables des imperfections de la L. I. future.4

Je vois avec plaisir que vous connaissez déjà le nouveau livre du Dr Beermann;5 l’auteur est évidemment un homme savant, intelligent et consciencieux; seulement son attachement excessif aux langues romanes, ou à l’à posteriori en général, lui fait admettre dans sa langue les |3| irrégularités et complications des langues naturelles (par exemple, pour le suffixe -al, -il, -ar, -ik). Sa critique de l’Esperanto est en général fort juste et bien fondée. Sur la dérivation, il se rencontre souvent avec moi. Mais il renonce, pour sa propre langue, à régulariser la dérivation du verbe à partir du substantif; je crois avoir trouvé le moyen de la régularisation en Esperanto; et alors l’Esp. aura une dérivation absolument régulière, qui défiera toute concurrence et toute critique. Naturellement, il faut pour cela renoncer un peu à l’internationalité des dérivés particuliers, et se contenter de l’internationalité des éléments (radicaux et affixes); vous savez qu’en cette matière il y a conflit entre l’internationalité et la régularité. Il faut opter pour l’une ou pour l’autre.

Il serait à souhaiter que M. Leskien ait étudié l’Esp. aussi sérieusement que l’a fait M. Beermann. Il n’est pas content de ma réponse; c’était un peu à prévoir! Vous l’aurez peut-être trouvée trop vive ou trop dure. Mais je vous avoue que je n’ai pu retenir mon indignation en voyant avec quelle légèreté un savant renommé jugeait une langue sans l’avoir sérieusement étudiée. Comme vous l’indiquez finement, ces Messieurs (Brugmann et L.) abusent de leur autorité de linguistes auprès du grand public pour trancher une question qu’ils n’ont pas étudiée. Avec un orgueil ridicule, ils distinguent les spécialistes (Fachmänner), c’est à dire eux, et les dilettantes; et c’est eux qui sont en cette matière les dilettantes, les incompétents. Leur intervention est d’autant plus grave que, d’une part, elle a contribué à déterminer la décision de la Société des Sciences de Saxe et par suite |3| celle de l’Assoc. des Acad. (aussi ai-je envoyé une protestation à ces deux corps contre les erreurs matérielles du rapport de M. Leskien), et que, d’autre part, les journalistes hostiles à notre cause s’empressent de divulguer leur jugement comme un arrêt sans appel, et que le gros public incompétent est disposé en effet à le prendre comme tel. Ils font ainsi le plus grand tort à notre cause, et par contre-coup aux savants qui nous patronnent. Aussi sommes-nous résolus à les combattre et à les réfuter partout où leur opinion se manifestera; j’ai déjà envoyé une rectification à la Kölnische Zeitung,6 qui a cité avec éloge le rapport de M. Leskien. Et puisque ces Messieurs abusent de leur autorité de spécialistes, nous sommes bien obligés de montrer au public qu’ils commettent des erreurs grossières, et parlent de ce qu’ils ne connaissent pas. Rien ne peut être plus nuisible, par exemple, que l’assertion, que l’Esp. est aussi difficile à apprendre qu’une langue naturelle quelconque; vous savez ce qu’il faut en penser, et je suis très heureux du témoignage que vous rendez à ce sujet à la fin de votre article, avec toute raison: la régularité de la grammaire est un tel soulagement pour l’esprit! En Esp. surtout, grâce aux finales grammaticales, il n’y a pas moyen de se tromper; la construction de la phrase se fait automatiquement. – Nous sommes donc bien obligés de ruiner ce témoignage contraire, et de montrer que M. L. n’a pas sérieusement essayé d’apprendre la langue dont il apprécie la facilité ou difficulté. Quel contraste avec la modestie excessive avec laquelle vous déclarez n’avoir étudié aucune L. I.! Malheureusement, on est capable de retourner cette modestie contre vous; et ce sont ceux qui crient le plus fort, avec le plus d’assurance, que le public entend et écoute le mieux. C’est pourquoi nous sommes résolus à crier aussi fort qu’eux.

Veuillez agréer, Monsieur et honoré Collègue, l’expression de mes sentiments respectueux et tout dévoués.
Louis Couturat


1 Schuchardt, „Zur Frage der künstlichen Gemeinsprache, Beilage zur Allgemeinen Zeitung (Augsburg, München) 107, 1907, 259-261.

2 Die Schweizer Brüder Jean und Jules Borel und der Berliner Wilhelm Möller hatten im Berliner Zeitungsviertel um die Lindenstraße einen Verlag gegründet, der u.a. Esperanto-Literatur verlegte, meist in „Heftchenform“. Hier ist die Rede von Couturat, Ĉu unu lingvo internacia aŭ tri: respondo al sro prof. Diels, Berlin: Möller & Borel, 1907.

3 Couturat, Étude sur la dérivation en Esperanto, Coulommiers: Brodard, 1907 ; vgl. dazu Künzli, L. L. Zamenhof, 2010, 264f.

4 Vgl. Leskiens Brief vom 30.5.1907 (HSA 18-06436) an Schuchardt: „Auf Ihren Artikel über die Weltsprachenfrage bin ich sehr begierig. Daß Sie mit meiner Beurteilung des Esperanto im ganzen übereinstimmen, ist mir sehr erfreulich. Aus Ihrer brieflichen Bemerkung sehe ich, daß ich mich in Betreff des Akkusativs hätte deutlicher ausdrücken sollen. Ich meinte, wenn man einmal das Romanische als Grundlage der Deklinationsformen nahm, hätte man unter Vorschrift einer bestimmten Stellung des Objekts den Akkusativ entbehren können. Eigentlich hätte ich, wenn ich mehr Lust zu der ganzen Sache gehabt hätte, etwas Positives bringen sollen, Vorschläge, wie man eine Weltsprache mit möglichst groben Mitteln deutlich in die Ohren fallend und unmißverständlich herstellen könne. Ich hätte da z. B. gesagt: seht Euch einmal die Turksprachen an, wie die das machen; at Pferd at-lar Pferde; macht Euren Plural durch so etwas weit hörbar, hängt etwa an alle Wörter multo, u.s.w. Aber die Leute, die sich bis jetzt mit Aufstellung von Weltsprachen abgegeben haben, kennen eben nichts anderes als ihr Deutsch oder Französisch, und erfinden daher nichts zweckmäßiges“. Das klingt etwas anders als Leskiens Brief (HSA 19-06437) vom 3.4.1908: „Was denken Sie nur, daß Brugmann und ich Ihnen verdenken, daß Sie in der Weltsprachenfrage uns entgegenstehen? Übrigens glaube ich, haben Sie meine Stellung zu der Sache nicht ganz richtig aufgefaßt. Ich suche in der Sprache gar nichts Mystisches, habe mich auch auf die Prinzipienfrage gar nicht eingelassen, sondern nur gefunden, daß das Esperanto ein schlechtes Machwerk ist, und das finde ich auch noch“.

5 Ernst Beermann, Die internationale Hilfssprache Novilatin: ein Vorschlag, Leipzig: Dieterich, 1907. – Vgl. auch Schuchardts Korrespondenz mit dem Autor ( HSA 00922, 30.5.1907 über Novilatin). Zu Beermann (1853-1936) vgl. Detlev Blanke, Interlinguistische Beiträge. Zum Wesen und zur Funktion internationaler Plansprachen. Hrsg. von Sabine Fiedler, Frankfurt a. M., 2006 , bes. Kap. 7 („Ernst Beermann – seine interlinguistischen Ansichten und neulateinischen Plansprachenprojekte“).

6 Vgl. auch Die Friedenswarte, 6. Jg., 1904, 38 (Erwähnung von Couturat, Leau und Schuchardt).

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