Michel Bréal an Hugo Schuchardt (01-01321)

von Michel Bréal

an Hugo Schuchardt

Paris

12. 03. 1889

language Französisch

Schlagwörter: Rezension Revue des deux mondes Publikationsvorhaben Sprachen in Europa Bitte um Publikationsverleih phonographisch Publikationsversandlanguage Langue bleue (Bolak)language Nordostkaukasische Sprachen (nacho-dagestanische Sprachen)language Slowenisch Lammer, Guido Egon Franke, Felix Österreich Schuchardt, Hugo (1885) Schuchardt, Hugo (1884) Schuchardt, Hugo (1876) Schuchardt, Hugo (1878)

Zitiervorschlag: Michel Bréal an Hugo Schuchardt (01-01321). Paris, 12. 03. 1889. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2019). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.7001, abgerufen am 29. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.7001.


|1|

Paris 12 mars 1889

Monsieur,

Permettez à un collègue qui a seulement eu le plaisir de vous entrevoir une fois à Paris, mais qui a souvent manié vos ouvrages,1 de s’adresser à vous sans préambule.

Je viens de terminer la lecture de votre travail intitulé : Slawo-Deutsches u. Slawo-Italienisches,2 et j’ai trouvé les considérations finales d’un si haut intérêt et si conformes à ce que je pense moi-même, que l’idée m’est venue d’en entretenir |2| les lecteurs français. Je crois comme vous qu’on surfait l’importance de la langue, et que beaucoup de non-senses ont été dits sur ce chapitre. L’essentiel, à ce qu’il me semble, c’est ce que pensent, sentent et veulent les hommes. Avec quels mots ils le veulent, le sentent et le pensent, cela ne vient qu’en seconde ligne. Ils seraient bien fous de se laisser persuader que le langage forme une frontière nécessaire. Dans un temps où l’on creuse des chemins de fer sous les Alpes, pourquoi des populations voisines et ayant besoin les unes des |3| autres n’arriveraient-elles pas à se rejoindre à travers la différence des idiomes ?

Mon idée – encore un peu vague – serait d’écrire quelque chose sur ce grand et beau sujet dans la Revue des deux Mondes.3 Mais je suis loin de posséder comme vous la carte linguistique de l’Europe. J’aurais besoin de lire quelques travaux fondamentaux, particulièrement en ce qui concerne l’Autriche.

J’ose donc vous prier, si cela ne doit pas vous coûter trop de temps, de vouloir bien me donner ce qu’on |4| appelle en allemand die Literatur des Gegenstandes. Peut-être le plus simple serait-il de m’envoyer par colis postal quelques-unes des brochures que vous citez (v. Kremer, Lammer, Felix Franke …)4 J’aurai soin de vous les retourner. Je vous prie toutefois de ne me rien envoyer en slave ni en gallois : j’ai mes raisons pour cela.

Je profite de cette occasion pour vous dire le plaisir que j’ai eu à lire vos Keltische Briefe.5 Quoique vous ayez pu croire sur le moment, |5| ce furent des vacances bien employées : la philologie moderne ne compte pas beaucoup d’œuvres de ce genre.

Encore un mot, s’il vous plaît. Je ne veux pas vous demander de renseignements biographiques sur vous-même, car je ne connais rien de plus ennuyeux à écrire. Mais vous n’êtes pas sans figurer dans un certain nombre de Conversations-Lexica.6 Veuillez seulement m’indiquer à quelle source je devrai puiser.

|6|

Recevez, Monsieur et cher Collègue, l’expression de mes sentiments d’estime et de sympathie

Michel Bréal
15 rue Soufflot

Pour vous montrer que je ne suis pas tout-à-fait novice sur le terrain où je veux m’engager, je vous demande la permission de vous adresser une Conférence que j’ai faite il y a quelques années sur cette question : Comment on apprend les langues étrangères.7


1 Vgl. Bréal, „M. Bréal fait hommage, de la part de l’auteur, M. Hugo Schuchardt, d'une brochure intitulée : Ueber die Lautgesetze gegen die Jung- Grammatiker [...]“, Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 30(1), 1886, 127-129: „On sait, dit M. Bréal, qu’en ces dernières années il s’est formé en linguistique une nouvelle école qui s’est donné à elle-même le nom de néo-grammairiens. Parmi les principes que cette école a revendiqués comme siens et qu’elle a inscrits en tête de son programme, se trouve celui-ci: « Les lois phonétiques agissent d’une forme aveugle. » En d’autres termes, les lois phoniques ne souffrent pas d’exceptions, ce sont des applications d’une force inconsciente, analogue aux forces de la physique. C’est contre ce principe, et en général contre les tendances de la nouvelle école grammaticale, qu’est dirigée la brochure de M. Schuchardt. – Les objections faites par M. Schuchardt sont des plus sérieuses“ (127-128).

2 Schuchardt, Dem Herrn Franz von Miklosich zum 20. November 1883. Slawo-deutsches und Slawo-italienisches, Graz: Leuschner & Lubensky, 1884.

3 Bréal, „Le langage et les nationalités“, Revue des Deux Mondes, Décembre 1891, 615-639. Der Beitrag endet wie folgt: „Nous citerons pour finir les paroles d’un esprit vraiment moderne, d’un homme qui, vivant au centre d’un pays agité par la guerre des langues, est bien placé pour observer ce que cette lutte a tantôt de juste et tantôt de factice (note 1: M. Schuchardt est professeur à l’université de Gratz, en Autriche): « Aucune originalité nationale, dit M. Hugo Schuchardt, ne survit, au sens où elle le voudrait; mais aucune ne périt tout à fait, si elle a servi aux fins suprêmes de l’humanité. » Elle entre, en effet, dans ce mélange qui s’appelle la civilisation, et si elle est de haute qualité, elle prend le dessus. Souvent, dans cette lutte, le vainqueur doit se laisser absorber complètement pour assurer sa victoire“ (639).

4 Alfred von Kremer, Die Nationalitätsidee und der Staat, eine culturgeschichtliche Studie über den Einfluß der nationalen Ideen, besonders auf Staaten mit gemischter Bevölkerung, Wien: Konegen, 1885; Guido E. Lammer, Sind die Kulturvölker noch Nationen? : eine zeitgemäße Frage, Wien: Rosner, 1884; Felix Franke, Die praktische Spracherkennung auf Grund der Psychologie und der Physiologie der Sprache dargestellt, Heilbronn: Henninger, 1884.

5 Schuchardt, „Keltische Briefe I-II“, Beilage zur Allgemeinen Zeitung (Augsburg, München) Nr. 185, 1876, 250-252; „Keltische Briefe III-V“, Beilage zur Allgemeinen Zeitung (Augsburg, München), 1878, 2305f, 2322-2324, 2433-2435, 2537-2539, 2554-2556, 2562f.

6 Kein Nachweis (zu diesem Zeitpunkt).

7 Michel Bréal, Comment on apprend les langues étrangères : conférence faite à l’Association Scientifique, 27.2.1886, Paris: Colin, 1886, 24 S.

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 01321)