Victor Henry an Hugo Schuchardt (30-04593)
von Victor Henry
an Hugo Schuchardt
09. 07. 1897
Französisch
Zitiervorschlag: Victor Henry an Hugo Schuchardt (30-04593). Orsay, Essonne, 09. 07. 1897. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2019). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.6866, abgerufen am 24. 03. 2023. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.6866.
Orsay, 9 juillet 1897.1
Rue de Paris, 42.
Cher collègue et ami,
Je ne veux pas tarder une heure à vous remercier de votre aimable, spirituel, profond, admirable compte rendu,2 que je viens de savourer sur un banc de mon jardinet. D’abord, vous m’avez lu: preuve de grande patience. Puis, vous m’avez compris à fond: preuve de grande pénétration. Enfin vous faites mieux que de me louer avec une indulgence large et souriante: vous me discutez point par point, vous ne laissez aucune de mes incertitudes, de mes réelles ou |2| apparentes contradictoires, de mes lacunes, volontaires ou non, sans y rendre attentif le lecteur; et par là vous donnez à mon opuscule la seule valeur qu’il puisse avoir et que je lui souhaite, celle de faire réfléchir. Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur vos excellentes et courtoises critiques: aussi bien l’ai-je dit quelque part, nous ne disposons, vous et moi, que de mots, pour nous entendre sur l’insuffisance des mots, et je crois que c’est là l’antinomie essentielle de toutes les discussions scientifiques. Mais je tiens à vous dire que, si je parais pencher avec excès du côté de l’inconscience des |3| phénomènes linguistiques, c’est par une réaction violente et nécessaire: vous ne sauriez croire à quel point en France le phénomène linguistique est encore mal compris, toujours rapporté à un sujet conscient et à une finalité dont il a conscience. Voyez au surplus certaines pages du récent Essai de sémantique de M. Bréal,1 que vous lirez certainement, vous qui lisez tout, avec un infini plaisir, mais non sans fortes réserves.
J’admire votre inlassable activité: vous la déployez dans les domaines les plus divers, et partout avec la même maestria. Pour moi, je me reploie de plus en plus: |4| l’encre et le papier ont toujours fait peur, non à ma paresse, mais à ma conviction qu’il ne sert rien d’écrire. Des lecteurs tels que vous, qui renvoient à l’auteur sa pensée filtrée, éclaircie, épurée, me guériraient de ce scepticisme; mais il n’y en a guère: pour ma part, je ne m’en connais que deux.
On me donnait l’autre jour les plus tristes nouvelles de M. G. Meyer.4 Elles m’ont été une stupeur et une vive douleur; car je lui garde le reconnaissant souvenir de sa bienveillance pour mes humbles débuts et pour toute ma carrière.
Veuillez, cher collègue et ami, croire à ma profonde gratitude et à mes sentiments tout dévoués.
V.Henry
1 Orsay, Dpt. Essonne, Region Île-de-France.
2 Schuchardt, „[Rez. von:] Henry, Victor, Antinomies linguistiques“, Literaturblatt für germanische und romanische Philologie 18, 1897, 238-247.
1 Michel Bréal, Essai de sémantique. (Science des significations), Paris: Hachette, 1897.
4 Meyer war schwer gemütskrank, mußte 1897 seine Lehrtätigkeit aufgeben und starb am 28.8.1900 in der Grazer Anstalt „Der Feldhof“.