Victor Henry an Hugo Schuchardt (14-04577)
von Victor Henry
an Hugo Schuchardt
23. 03. 1888
Französisch
Zitiervorschlag: Victor Henry an Hugo Schuchardt (14-04577). Douai, 23. 03. 1888. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2019). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.6840, abgerufen am 30. 09. 2023. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.6840.
Douai, 23 mars 1888.
Monsieur et cher collègue,
Il n’est rien tel que les étrangers, à la condition pourtant qu’ils soient linguistes et sachent le français comme vous, pour nous apprendre notre langue ou tout au moins nous faire réfléchir sur elle! J’ai écrit la phrase en question sans scrupule ni la moindre hésitation;1 je l’ai relue en manuscrit, en épreuve, en article, sans qu’elle m’ait le moins du monde frappé; et, aujourd’hui que vous y avez mis un point d’interrogation, je ne suis plus du tout sûr que ce ne soit pas du français |2| de journaliste. Ce qui est certain, c’est qu’on n’écrivait pas ainsi au grand siècle; mais depuis lors nous avons changé tant de choses! Ce qui ne l’est pas moins, c’est que j’ai déja lu bien des phrases pareilles; mais où? je n’en ai aucun exemple présent.
Voici mieux. Le jour où je reçus l’épreuve, je me trouvais en chemin de fer avec deux collègues, qui ne sont pas des linguistes, mais d’excellents écrivains: je leur fis voir l’article, et auchun ne fit d’observation sur la forme. Mais peut-être lurent-ils rapidement; peut-être aussi est-ce par politesse; car il y a à la fin une grosse faute, une énormité celle-là, qui doit être du fait du compositeur2 et que mon étourderie |3| a laissée passer. Quoi qu’il en soit, je consulterai autour de moi, et, si la question vous intéresse, je vous en rendrai compte en temps et lieu. Je noterai aussi les tournures pareilles qu’il pourra m’arriver de rencontrer dans un auteur de marque, et vous les enverrai.
Votre article sur le basque m’a donné beaucoup à apprendre et beaucoup à admirer.3 Quelle prodigieuse variété et sûreté de connaissances ne faut-il pas pour écrire de semblables études! Malheureusement elles sont bien rares, et bien rarement lues et comprises. Nous ne manquons pas de braves gens, qui sous prétexte qu’ils connaissent un patois depuis l’enfance, s’ingèrent d’écrire sur ce patois sans avoir la moindre idée |4| de la linguistique romane. Si encore ils ne nous disaient de ce patois que ce qu’ils en savent, ils rendraient service; mais ils étymologisent et atteignent les dernières limites du grotesque; puis, d’autres, aussi ignorants qu’eux, les citent comme des autorités, et les erreurs se transmettent wie eine ewige Krankheit. Je ne sais vraiment quand la linguistique parviendra à se debarrasser de ses traînards, et de ses corps francs qui tirent sur l’armée régulière. Mais je suis un impatient, et vous, vos avez toute la sérénité de la vraie science.
Veuillez, je vous prie, Monsieur et bien cher collègue, agréer l’expression de mes sentiments tout dévoués.
V. Henry
1 Leider wird der Titel der Rez. nicht genannt, in der Schuchardt offenkundig einen sprachlichen Fehler Henrys gefunden und moniert hatte. Aufgrund des Briefdatums kommt in Frage die Besprechung Henrys von „Regnaud P., Origine et Philosophie du Langage, ou Principes de Linguistique Indo-européenne, Paris 1888“ , Revue Critique d’Histoire et de Littérature XXV (1er semestre, 5 mars), 1888, 181-186. – Vgl. aber PK 04578.
2 „Setzer“.
3 Schuchardt, „[Rez. von:] Gerland, Georg, Die Basken und die Iberer“, Literaturblatt für germanische und romanische Philologie 9, 1888, 225-234.