Georges Lacombe an Hugo Schuchardt (448-06084)

von Georges Lacombe

an Hugo Schuchardt

Paris

27. 12. 1922

language Französisch

Schlagwörter: Le Temps

Zitiervorschlag: Georges Lacombe an Hugo Schuchardt (448-06084). Paris, 27. 12. 1922. Hrsg. von Katrin Purgay (2017). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.6140, abgerufen am 29. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.6140.


|1|

Paris, 27 xbre 1922

Mon cher Maître,

Je cueille dans le Temps d’aujourd’hui un petit article sur le Svastika qui pourra peut-être vous intéresser.

Berriz urte berri on

G. Lacombe

|2|

Beilage:

AU JOUR LE JOUR

Le «svastika»

On a relevé sur le mur de la chambre où les souverains russes passèrent leurs dernières nuits, tracé dans l’embrasure d’une fenêtre, le signe qui porte ce nom indien: svastika. Il représente une croix dont les branches, à leur extrémité, se brisent à angles droits. Et cela ressemble aussi à une roue sans jante, qui aurait l’air de tourner dans un sens voulu et sans fin. L’impératrice avait adopté ce signe comme talisman. Elle ###1 conjure le mauvais sort, mais le sauvastika, qui l’appelle. Tous deux ont la même forme, sauf que le mouvement des branches de l’étoile diffère. Gardons-nous d’accueillir légèrement des arguments qu’on nous apporte avec tant de gravité, et considérons seulement à quoi tient le destin des empires: une amulette prise pour une autre. Malheureusement pour cette ingénieuse explication, ce n’est pas l’impératrice qui s’est trompée. Elle n’a commis aucune erreur – du moins dans le dessin de ce signe. C’est bien le svastika qu’elle a tracé.

Il y a une quinzaine d’années, le colonel de Rochas nous écrivait: «Je viens de découvrir dans un acte, passé a Digne en 1350, par un Jean de Rochas, damoiseau, le signe appelé svastika, sous lequel il s’était engagé. Sur ce signe, nous sommes mal instruits: aurais-je tort d’y voir le premier appareil à produire du feu par le frottement du bois, c’est-à-dire la lumière et la chaleur, ces deux besoins vitaux de l’homme? Toute interprétation de ce symbole est obscure ou hasardée. Il est né dans l’Inde, mais par quelle route, et quand est-il arrivé de l’Inde dans notre Provence? Aucune littérature n’éclaire le sujet. Ce serait une enquête à faire parmi nous que celle de ce signe sous la protection duquel, il y a plus de cinq cents ans, un Jean de Rochas se plaçait. J’en envoie le dessin exact.»

Nous avons confronté le dessin tracé par la tsarine (1) avec celui que le colonel de Rochas nous communiquait (2): ils se ressemblent. La tsarine ne s’est pas trompée. Elle a bien tracé l’énigmatique figure que les siècles se transmettent, que les cultes s’empruntent, que les superstitions se lèguent et qui reste chargé d’un impénétrable mystère.

[Abbildung (1) und (2)]

On trouve ce signe, depuis les premiers âges du monde, sous tous les cieux, dans toutes les civilisations. Il est commun sur les vases grecs. On le relève sur les plus anciens monuments de la Syrie, de la Chaldée et du Mexique. Le Japon le connaît. Pour les fervents de la préhistoire, c’est l’image du soleil, et on le rencontre dès l’âge de la pierre polie. Le musée de Saint-Germain, atteste, dans divers objets, qu’il fut l’un des premiers motifs décoratifs de l’âge du fer.

A Rome, on ne le constate sur aucun monument antérieur au troisième siècle, mais vers cette époque les chrétiens des Catacombes l’admettent parmi leurs représentations rituelles; ils le gravent sur les sépulcres; ils en ornent les vêtements de personnages sacerdotaux. Vous le verrez brodé sur les angles d’un suaire du quatrième siècle, trouvé à Antinoé, que possède le musée Guimet; vous le verrez dans le portail de Notre-Dame de Paris et sur la balustrade de Saint-Germain-l’Auxerrois. Les premiers Normands, qui y distinguaient le tournoiement du marteau, l’appelaient le marteau de Thor; des pierres runiques se rencontrent qui en portent l’empreinte.

Que veut-il-dire? Son sens ésotérique primitif est perdu; l’image nous est arrivée sans sa légende. Dans la migration des symboles, c’est un phénomène fréquent. Pour le comte Goblet d’Alviela, qui l’a étudié, il est, comme pour le docteur Marcel Baudoin, la représentation du soleil dans sa course apparente, et c’est pourquoi il veut dire prospérité et bénédiction. Son nom indien, svastika, serait un dérivé du mot indéclinable swasti, formule de salut, de souhait et d’approbation, qui, composée de l’adverbe su «bien» et asti «il est», signifie littéralement «c’est bien».

Les bohémiens sont donc là-dessus d’accord avec les orientalistes. On sait que leurs caravanes emploient certains signes mystérieux pour indiquer à ceux de leurs camarades qui passeront après eux les particularités de la route; le svastika, dans ce langage des signes, désigne la «station propice», la bonne halte. Ce n’est pa le sens que devait lui attacher l’infortunée souveraine qui le dessinait à la villa Ipatief. Mais le svastika, pour son esprit qu’égarait un mysticisme délirant, restait vigilant contre les puissances néfastes. C’est encore le sens que lui donnent aujourd’hui ces paysans de la Vendée, qui, obéissant à un geste ancestral obscur, le peignent, à la chaux, sur les murailles de leurs maisons.

Une autre souveraine, la reine Marie de Roumanie, s’est éprise du svastika. Il fut pendant la guerre son bijou de prédilection; elle le suspendit dans les ambulances au chevet des blessés. Elle l’a élevé à la dignité de décoration officielle, il est entré dans les ordres de chevalerie. Il est devenu la croix Regina Maria et se donne aux braves. Efficace aux mains de Marie de Roumanie, comment le svastika fut-il fatal dans celles de l’impératrice Alexandra Féodorovna? On répond: c’est que la reine de Roumanie a choisi le svastika qui tourne dans le bon sens. Mais ne confondrait-on pas avec la croix gammée? Au surplus, on vient de démontrer que le talisman de la tsarine était exactement conformé à la tradition. Mais il en est sans doute du svastika comme des fétiches que vendait un noir, et qui portaient bonheur, disait-il, aux personnes qui ont de la chance. – G. M.


1 Der Rest ist unleserlich, da der Scan abgeschnitten ist.

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 06084)