Charles Bonnier an Hugo Schuchardt (04-01222)
von Charles Bonnier
an Hugo Schuchardt
03. 12. 1894
Französisch
Schlagwörter: Romania (Zeitschrift) Schuchardt, Hugo (1888)
Zitiervorschlag: Charles Bonnier an Hugo Schuchardt (04-01222). Oxford, 03. 12. 1894. Hrsg. von Frank-Rutger Hausmann (2017). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.5249, abgerufen am 28. 09. 2023. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.5249.
19 Regent Street Oxford.
3 Dec. 94.
Cher Monsieur.
Je viens de terminer l’Etude de „Langage intérieur“ cette „ενεργεια“ au sens propre du mot, et comme vous avez bien voulu vous y intéresser naguère, je viens vous en donner les résultats. L’Occasion, en même temps que le prétexte de l’Étude a été le Langage d’un village du Nord de la France,1 que j’ai suivi depuis le commencement de ce sièle jusque dans ses dernières années. Une simple étude des phénomènes linguistiques, une monographie aurait été insuffisante, et j’y ai joint l’histoire sociale de ce village qui explique les différents avatars, par lesquels il est passé. Je tenais depuis longtemps à contrôler votre expression, dans votre réponse à l’article paru dans la Revue des Patois2 sur la paléonthologie d’une étude sur le village en opposition à la ,biologie‘, à la vie animée et diverse du monde moderne. Dans ce „microcosme“ que présente un village, il y a – ou du moins – j’ai cru voir – une diversité suffisante pour troubler l’observateur –.
Trois périodes se dessinent clairement: en premier lieu le patois pur, ou du moins relativement pur – dans le village endormi, isolé de tout contact, où le |2| mélange n’existe pas, parce que le paysan a conscience de son patois, et que, par suite, le français, ainsi que les objets extérieurs, apparaissent „différents“ et bien tranchés. Cette période, pour donner une date approximative, dure jusqu’en 1830, avant l’apparition dans le Nord des fabriques et de l’industrie des graines de betterave. Par suite, le „langage intérieur“ existe, souverain, dans l’esprit du paysan, en même temps que sa personnalité et son caractère.
Avec la fortune du village, et son contact avec l’extérieur, apparaît le mélange. En ce qui concerne le langage, il doit „être le produit inconscient“ du contact d’une autre langue, avec, néanmoins, toujours la prédominance de la personnalité patoise, ici manifesté par la syntaxe, comme vous dites, je crois, „formbildender Geist“.3 Si le paysan avait conscience du mélange, celui-ci cesserait, par le fait même. Par suite, le français, qui apparaît dans les phrases (toutes parlées.) est régi par l’esprit du patois.
Il y a, comme le dit Balzac, après le poète Crabe,4 là un phénomène de „Mort dans la vie“,5 la conscience disparaissant, aussi bien dans l’esprit que dans le langage, pour faire place à l’action mécanique de la personnalité, régissant le matériel mélangé.
La 3e période, de 1830 à nos jours, nous présente: la ruine, et le réveil de la conscience. Le paysan, aussi bien au point de vue social que linguistique, s’aperçoit du changement, comme un véritable Rip van Winkle,6 et le commencer de l’invasion du Français, de l’instruction, de |3| l’obligation d’écrire, assure l’extinction graduelle du patois. Ce qui en reste n’est plus que fragmentaire: la connexion entre les débris de l’édifice ancien n’est plus cimentée par le caractère au point de vue social, par le ,langage intérieur‘ au point de vue linguistique. Le paysan et son langage ne sont plus que des ruines. Lui, viendra se fondre dans la ville (ce qui arrive de plus en plus) et son langage se réduira simplement à du mauvais français.
Le Mélange ne serait donc, toujours suivant moi, qu’un phénomène maladif accompagnant le stade de développement d’un corps. Il n’est pas infini, mais ce serait une sorte de maladie parasitaire, accompagnant l’atrophie, la „trance“ de la conscience.
Je ne sais pas ce que vous pensez de tout cela, mais je serais heureux d’avoir votre avis à ce sujet. De plus, comme dans votre dernière lettre, vous avez bien voulu ne pas refuser d’accepter la dédicace de cette œuvre, je ne veux pas vous prendre à l’improviste.7
Même si les conclusions sont fausses, j’espère que les documents curieux sur le village, les chansons et les proverbes, les conversations transcrites et enfin les lettres d’ouvriers qui accompagnent cette étude, ne vous feront pas lui refuser votre patronage, comme on disait jadis.
|4| Je ne sais si cette étude, trop volumineuse pour une Revue, apparaîtra dans la Zeitschrift mais j’espère la publier dans les premiers mois de l’année prochaine.
Votre tout dévoué
ChBonnier
P.S. Cette Etude n’est que la 1e partie d’un livre sur le langage intérieur: la seconde sera consacrée au contact de deux langues (Français – Anglais).
1 Das Werk erschien unter dem Titel Templeuve en Pévèle: Histoire d’un Village , Liverpool 1907. Das späte Erscheinen hängt wohl damit zusammen, dass Bonnier Mühe hatte, einen Verleger zu finden. Er wandte sich an Gröber (doch für die ZrP war sein Beitrag zu lang), an Gaston Paris (für die Romania ebenfalls), an Koschwitz, Vollmöller u.a.
2 Nicht klar, auf welchen Artikel in der Revue des Patois Gallo-Romans. Recueil trimestriel sich Bonnier bezieht. In Frage käme zwar Gaston Paris, „Les parlers de France. Lecture faite à la réunion des sociétés savantes le samedi 26 mai 1888“, Revue des Patois 2, 1888, 161-175, doch eine Replik Schuchardts ist nicht bekannt.
3 Vgl. Bonnier, „Le Français parlé et écrit aujourd’hui en Angleterre“, ZfSL 21, 1899, 22-68, bes. 28 u. 32 (jeweils Hinweise auf Schuchardts Auf Anlass des Volapüks, Berlin 1888).
4 Vermutlich ist der mit Balzac bekannte Dichter Christian Dietrich Grabbe (1801-1836) gemeint.
5 Balzac, Physiologie du Mariage , Œuvres complètes, Paris 1846, II, 478.
6 Rip van Winkle, Erzählung von Washington Irving (1783-1859) über den gleichnamigen Bauern, der als englischer Untertan in den Bergen New Yorks in einen Zauberschlaf von zwanzig Jahren verfällt und als amerikanischer Bürger wieder erwacht.
7 Später soll das Buch Suchier gewidmet werden, dem Bonnier (Liverpool, 17.2.1906) schreibt: „Quant au livre sur Templeuve, toute la politique dont il s’agit, ne regarde que l’histoire du passé; en tous cas, comme vous pourrez lire les épreuves, vous verrez vous même si vous pouvez accepter la dédicace. En tout cas, ne voyez que l‘intention“. Und noch später (Liverpool, 17.6.1907): „Je suis bien heureux que l’ouvrage vous ait plu, car je l’avais écrit en pensant à vous et à nos conversations de jadis sur les dialectes et le patois. Je comprends que la partie moderne vous ait intéressé d’avantage; il y a forcément plus de vie que dans les documents et les chartes. D’ailleurs, comme vous l’avez deviné, il y a beaucoup de mon patriotisme (de clocher, c’est le cas de le dire) et surtout de l’esprit de clan, car dans ce village on est tous plus ou moins cousins“ (SBB PK, NL Suchier). – Warum der Briefkontakt mit Schuchardt abriss, ließ sich nicht feststellen.