Adolphe Dietrich an Hugo Schuchardt (01-02307)
von Adolphe Dietrich
an Hugo Schuchardt
18. 10. 1891
Französisch
Schlagwörter: Biographisches Publikationsvorhaben Französischbasierte Kreolsprache (Guadeloupe)
Französischbasierte Kreolsprache (Réunion) Vauchelet, Emile Gaidoz, Henri
Zitiervorschlag: Adolphe Dietrich an Hugo Schuchardt (01-02307). Paris, 18. 10. 1891. Hrsg. von Philipp Krämer (2013). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.1388, abgerufen am 25. 04. 2025. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.1388.
Monsieur le Professeur,
C’est bien plus que audace que de vous prendre au mot: je voudrais vous écrire dorénavant tout en français, si vous me le permettiez. Vous pourriez alors même tirer profit de mes lettres, en écrivant une brochure sur l’allemand-français d’un maître de français. Ce serait une drôle d’histoire!
Pardonnez-moi cette plaisanterie! Je suis aujourd’hui de si bonne humeur que j’ai failli en oublier la cause. C’est votre lettre qui m’a fait revivre et je vous en remercie de tout mon cœur.
Les premières semaines que j’ai passées à Paris étaient bien peu agréables: D’abord des troubles affreux de mon cœur – je parle très-sérieusement –, l’acclimatation en tout cas désagréable, l’isolement absolu dans une ville étrangère, l’impossibilité de faire des connaissances comme il faut, et par là pas de moyen d’atteindre un des buts principaux de mon voyage, une ambassade autrichienne – |2|spécialement chargée de m’aider – s’opposant à des démarches toutes simples à cause du manque d’un précédent, - et en fin de conte des proviseurs de lycées ne me permettant d’assister aux course – quoique le Vice-Recteur m’y ait autorisé – qu’avant le vingt octobre (au Lycée Louis-le-Grand) et le premier de novembre (au Lycée St. Louis) – tout cela avait fait disparaître ma bonne humeur – j’étais devenu plus malheureux que jamais.
Puis, je me suis obstiné – c’était le plus grand malheur – à faire des connaissances: j’ai prié M. Bérenger (président de l’Association générale des étudiants de Paris) de me mettre en rapport avec des étudiants en lettres. Il n’y en a pas encore, m’a-t-il répondu, et quand il y en aura, vous ferez leur connaissance vous-même aux cours ou dans la salle des journaux.
Quant aux leçons d’allemand, M. Psichari et M. Henry ne m’ont pu guère promettre. L’affiche dans la salle des journaux est restée sans résultat.
|3|Pour employer utilement mon temps, j’ai fait des études sur la prononciation, au Théâtre français et à l’Odéon: je me suis acheté des pièces qu’on donnait et j’ai pris des notes. Mais ça coûtait trop cher – il a fallu régler ma dépense sur ma bourse malheureusement trop plate. M. Larroumet, pour qui M. Bérenger me donne un mot afin que j’obtienne la permission d’assister aux répétitions au Théâtre français et à l’Odéon, n’est plus visible – un sous-préfet va lui succéder – disent les journaux. J’ai laissé là ma lettre et ma carte – sans résultat.
Voilà enfin des cours gratuits qui commencent: je m’y précipite comme un insensé – enfin pourrai-je atteindre quelques buts de mon voyage: étudier la prononciation, étudier l’enseignement des langues et peut-être faire des connaissances. C’est aujourd’hui que je suis inscrit pour le Cours gratuit de lecture et de récitation (dimanche de 10 heures à midi) dans la Mairie du VIe Arrondissement.
|4|Et je suis content. Ç’a été curieux pour moi que de voir, assis sur les bancs devant un professeur, des vieillards, des jeunes gens, des petites filles, des vieilles virginités et de grosses dames – des petits-maîtres et des gens du peuple – et tous forcés de lire tour à tour des poésies et des proses, après que le professeur les a lues, et de réciter des poésies et – je crois – aussi des proses qu’ils avaient apprises par cœur. Pour moi, je préférerais ces dernières, parce que je pourrais en profiter pour le style familier.
Le 19 octobre 1891
Ce matin, je suis allé voir M. Vauchelet. Il a été ravi de ce que vous lui avez fait vos amitiés et vous présente ses respects. Il s’informe si vous avez déjà publié l’article sur le créole de Guadeloupe. Il a l’air presque fâché voyant que j’avais laissé là le français-créole de Guadeloupe dans mon article; mais enfin il devient de plus en plus aimable, me permet de venir le voir |5|et me promet de me présenter à des créoles de la Réunion.
M. Gaidoz, à qui j’ai voulu me présenter après-midi, est parti pour une dizaine de jours.
Le 20 octobre 1891
Hier au soir, je suis allé m’inscrire pour des cours populaires gratuits; ils ont lieu tous les soirs de 8 à 10 heures: hygiène, comptabilité, arithmétique, langue française, langue anglaise, langue allemande (ça sera drôle pour moi!), langue espagnole etc.; et là j’ai déjà fait la connaissance d’un jeune homme de Lyon d’à peu près seize ans – il est dans le commerce – pas très élégant – mais qui importe – j’espère me faire son ami. Aussi au cours de lecture et de récitation, il y a eu un commencement d’amitié avec un jeune homme |6|très comme il faut et très aimable.
Aujourd’hui, à trois heures, M. Gidel, proviseur du Lycée Louis-le-Grand, m’introduira dans un cours de langues étrangères.
Ne m’en voulez pas,
Monsieur,
Je vous en prie encore une fois, de vous avoir écrit en français, et veuillez bien croire aux sentiments de respect et d’estime bien sincères que vous a voués
Votre très obéissant et très humble élève
Adolphe Dietrich.