Hugo Schuchardt an Gaston Paris (108-24457)
von Hugo Schuchardt
an Gaston Paris
24. 09. 1892
Französisch
Schlagwörter: Mussafia, Adolf Verner, Karl Dietrich, Adolphe Bad Aussee [o. A.] (1892) Schuchardt, Hugo (1892) Gering, Hugo (1892) Dietrich, Adolphe (1891)
Zitiervorschlag: Hugo Schuchardt an Gaston Paris (108-24457). Bad Aussee, 24. 09. 1892. Hrsg. von Ursula Bähler, Bernhard Hurch und Nicolas Morel (2023). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.11842, abgerufen am 20. 06. 2025. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.11842.
Aussee 24 sept 92
Cher ami,
Dans le dernier numéro de la Romania que j’ai trouvé chez Mussafia, vous dites (p. 472) «Ainsi le principal argument de M. Schuchardt se tourne contre lui.»1 Voilà que je ne comprends pas. J’avais dit: «la quantité supérieure est à l’inférieure dans un rapport de développement, et non l’inverse»2. Ce serait aux mathématiciens de me désapprouver. L’opinion de M. Verner3 est que la forme archaïque est à la forme récente dans le rapport de la quantité supérieure à l’inférieure. Son point de vue est donc tout-à-fait différent du mien; et il s’agit de savoir lequel est le meilleur. Quand on |2| fait – comme pris dans la logique – des emprunts à la terminologie mathématique, on cherche à saisir les rapports dans leur généralité, on fait abstraction de tout ce qui est spécial. Selon M. Verner on devrait écrire bon ﹤ bonum mais buona ﹥ bona, et peut-être bien = bene parce que les deux formes sont également pleines ou complètes. Comment voudrait-on justifier cet usage du signe ﹥ quand il s’agit du développement de la signification: (lat.) Subj. du plusqueparfait ﹥ (rom.) Subj. de l’imparfait? Vous me feriez grand plaisir si vous vouliez – peut-être à |3| l’occasion de l’article que je viens de vous envoyer – toucher une autre fois le côté théorique de la question que vous avez tranchée.
Quant à la pratique je vous avoue franchement que je me trouve assez embarrassé: je dois me mettre en contradiction où avec les linguistes scandinaves où avec moi-même4. Maintenant, je crois que j’ai fait un emploi plus abondant de ce signe qu’aucun autre et que je suis, parmi les romanistes, le premier à l’avoir employé. Il se pourrait bien que je me trompasse; mais je ne me rappelle |4| pas d’avoir rencontré le signe dans la Romania, sauf dans le dernier volume. M. Dietrich l’a employé dans le même sens que moi5; vous auriez dû lui dire qu’il fait fausse route. – Vous voyez que tout le monde n’est pas d’accord; il y a des malcontents, mais cela n’empêche pas qu’ils ne vous serrent la main très cordialement
HS.
1 «Chronique» (1892, 472). Il est question ici de l’utilisation des signes mathématiques ﹤ et ﹥ en philologie. Dans la «Chronique» de la Romania, G. Paris avait traduit un texte intitulé «Vorschlag» de Schuchardt (1892c): «Dans le numéro de janvier du Litteraturblatt für germ. u. rom. Philologie, M. H. Schuchardt a inséré cette proposition: ‘Pour éviter, dans des exposés linguistiques, l’équivoque du signe =, on s’est mis depuis quelque temps à se servir du signe ﹥, dirigé ainsi ou en sens inverse. Mais les uns lui donnent une valeur contraire à celle que lui attribuent les autres: les uns écrivent it. cuore > lat. cor ou cor ﹤ cuore, les autres cuore ﹤ cor ou cor ﹤ cuore [sic] […] Il est grand temps de mettre fin à ce désordre et de se décider pour un des deux usages. Je crois que le meilleur est celui d’après lequel on met la forme la plus ancienne à la pointe, la forme la plus récente à l’ouverture ( cor ﹤ cuore)» («Chronique» 1892, 471‑72). G. Paris ne prend pas note de la publication simultanée de cette «proposition» dans plusieurs revues – Zeitschrift für romanische Philologie (16, p. 288), Beiträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur (16, p. 566), Indogermanische Forschungen (1, p. 205), Kuhns Zeitschrift (32, p. 595) – et semble donc sous-estimer l’importance que cette question revêt aux yeux de son correspondant.
3 Karl Verner (1846-1896), linguiste danois. G. Paris cite dans sa «Chronique» ( 1892, 471) une mise au point sur l’histoire de l’utilisation des signes mathématiques d’après Verner, publiée par le germaniste Hugo Gering (1847-1925) dans le Litteraturblatt für germanische und romanische Philologie du 9 mai 1892 (Gering 1892).
4 En plus de Verner, on apprend que ces signes sont utilisés de manière identique par Vilhelm Thomsen, Kristoffer Nyrop, Ludvig Wimmers ainsi que l’Américain Francis Andrew March («Chronique» 1892, 472; Gering 1892).
Faksimiles: gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France (Sig. BnF, NAF 24457, fol. 55-56)