Gaston Paris an Hugo Schuchardt (24-08573)
von Gaston Paris
an Hugo Schuchardt
Unbekannt
1875
Französisch
Schlagwörter: Romania (Zeitschrift) Morel Fatio, Alfred Alighieri, Dante Thomsen, Vilhelm Böhmer, Eduard Holland Deutschland Schuchardt, Hugo (1875) Schuchardt, Hugo (1874) Paris, Gaston (1875) Thomsen, Vilhelm (1875) Ridoux, Charles (Hrsg.) (2020) [o. A.] (1875) [o. A.] (1875)
Zitiervorschlag: Gaston Paris an Hugo Schuchardt (24-08573). Unbekannt, 1875. Hrsg. von Ursula Bähler, Bernhard Hurch und Nicolas Morel (2023). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.11731, abgerufen am 10. 09. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.11731.
[s. l.] [s. d.]1
Mon cher ami,
Je suis si coupable envers vous que je ne sais que vous dire pour m’excuser, si ce n’est que mes torts ne sont pas spéciaux, mais – malheureusement! – généraux. Aujourd’hui encore je ne vous envoie qu’un mot, mais je n’ai pas voulu laisser partir vos épreuves sans y joindre au moins quelques lignes2. Morel-Fatio3, qui a traduit vos notes étymologiques, me dit qu’il n’est pas toujours bien sûr de sa version, et je ne retrouve plus l’original. Revoyez donc l’article avec soin, mais, je vous en prie, ne nous le faites pas attendre.
J’ai lu, il y a longtemps déjà, votre travail sur la Terzine4. |2| On devrait toujours écrire les comptes-rendus dès qu’on vient de lire un travail. A présent je n’ai plus qu’une idée générale du vôtre, et il me faudra le relire en entier pour pouvoir en rendre compte. Mais je sais que mon impression sur l’origine de la terza rima de Dante n’a pas été tout à fait conforme à vos conclusions5. Au reste, ce n’est là qu’un point secondaire dans un travail si important, et tout à fait neuf.
Dans les étymologies ci-jointes, il y en a une qui m’a encore une fois enlevé le plaisir de la proposer le premier; c’est celle d’aguinaldo. J’ai attaqué depuis bien longtemps ce problème très-curieux du côté d’aguilaneuf, et j’étais arrivé au même résultat, ou plutôt à calendarum (au m. â. le temps calendor) pour le français, calenda ayant pris absolument le même sens dans le slave kolende, etc., etc. J’ai trouvé des difficultés qui m’ont fait suspendre mes recherches sur ce point, |3| comme sur tant d’autres. Maintenant vous avez défloré la question6.
Après quelque hésitation nous nous sommes décidés à imprimer l’art. de Thomsen sur vide après le vôtre, en vous réservant, comme vous le verrez par la note7, la priorité qui vous appartient de droit. L’art. de Thomsen est plus étendu.
Je ne sais pas encore ce que je ferai pendant les vacances. Je songe à un voyage en Hollande ou dans l’Allemagne du Sud, mais rien n’est arrêté8. En fait de projets, je ne me plais d’ailleurs qu’à ceux qui sont irréalisables.
Pardonnez-moi, mon cher ami, ma négligence sans pareille et ne m’en croyez pas moins
G. Paris
Qu’y a-t-il de vrai dans le bruit relatif à Böhmer que la Romania a accueilli et que je ne vois pas confirmé9?
1 Lettre manuscrite, [s. l.], [1875]. Cette lettre a été archivée de façon erronée à la date de 1877.
2 Il s’agit de l’article de Schuchardt, «Étymologies», publié dans la Romania, 4/14 (Schuchardt 1875a).
3 Alfred Morel-Fatio (1850-1924) vient de sortir de l’Ecole des chartes en 1874, il avait appris l’allemand lors d’un séjour à Leipzig, où, adolescent, il avait été envoyé par son père dans le but d’apprendre la comptabilité.
4 Voir l. du 13 mars 1875 (HS 22-24456).
5 Schuchardt défend l’idée d’une continuité entre poésie lyrique traditionnelle et poésie lyrique artistique, donnant ainsi à la terza rima de Dante une trajectoire qui passe par le ritornello puis le madrigal. Ceci le conduit à poser deux hypothèses: primo, Dante n’a pas créé la terza rima, qui existait avant lui (Schuchardt 1874d, 124); secundo, il a puisé son inspiration dans une forme de poésie populaire: «Und wenn Dante den Vorsatz aufgab, sein gewaltiges Gedicht in ein lateinisches Gewand zu hüllen, so that er es doch gewiss nur, um ihm eine grössere Verbreitung zu sichern. Er wählte die Sprache des Volkes; warum nicht auch seine Sangweise?» (Schuchardt 1874d, 126). Dans son compte rendu, G. Paris s’écarte de ces deux hypothèses: «En l’absence de tout témoignage dans le passé, il est hardi d’admettre que le ritornello, qui, de l’avis même de l’auteur, est une forme dérivée, existât du temps de Dante, et il n’est guère admissible qu’un poète aussi attentif à la forme se soit borné à ramasser dans la rue le moule où il voulait jeter sa pensée, et qui semble lui convenir si admirablement» (Paris 1875c, 491).
6 Schuchardt donne pour le terme espagnol aguinaldo (= étrennes) et le terme français aguilaneuf (littéralement «au gui l’an neuf») la même origine, soit le terme de calendae, ou chalendes dans les dialectes français, qui signifie Noël (Schuchardt 1875a, 253).
7 Schuchardt et Thomsen s’accordent pour démontrer que, contrairement à ce qu’avait notamment affirmé Diez, vide ne dérive pas du latin viduus, mais de vacuus. Paru dans le même numéro que l’article «Étymologies» de Schuchardt, l’article «Vide, Vider» de Thomsen porte la date de septembre 1874 (V. Thomsen 1875b), contre janvier de la même année pour celui de Schuchardt (voir l. du 28 mars 1875, HS 24-24456). Une note de G. Paris insérée au début de l’article de ce dernier (Schuchardt 1875a, 257, n. 1), précise tant la commune opinion des deux chercheurs que la priorité qu’il convient d’accorder à Schuchardt pour cette étymologie.
8 G. Paris voyagera finalement en Sicile en été 1875 (Ridoux 2020, 227).
9 La «Chronique» du numéro 4/13 de la Romania annonce la démission de Böhmer de son poste à Strasbourg («Chronique» 1875a, 158). Cette information est corrigée dans la «Chronique» du numéro suivant (4/14): «Nous avons annoncé que M. Böhmer avait donné sa démission de professeur à l’Université de Strasbourg: le fait était exact, mais M. Böhmer est revenu sur sa décision» («Chronique» 1875b, 301).