La Bigarure: No. 8.
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N°. 8.
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Brief/Leserbrief
Il y a quelque tems, Monsieur, que je vous parlai d’un
Original qui s’étoit avisé de se faire afficher à tous les coins des rues de cette
Capitale, à peu près comme on y affiche les maisons qui sont à vendre, où à louer *1. Comme il y a des foux ici de toute espece, en
voici un autre qui, le prenant sur tout un autre ton, vient de s’aviser de faire courir,
dans les ruelles, & dans les cercles des Dames galantes, son portrait, avec la liste
de ses pretendues belles qualitez. Vous trouverez l’un & l’autre dans l’Epitre
suivante, qui m’a été communiquée par une très honnête Dame, de ma connoissance, à la
quelle cet étourdi s’est donné la licence d’en envoyer une copie, qui ne vous deplaira
pas, ne fût ce que par sa singularité. Epitre Au Beau Sexe Voila, Monsieur, ce qui s’apelle s’afficher dans le Public sous le titre de
Coureur de bonnes fortunes ; Mais je doute, avec fondement, qu’un pareil homme soit jamais
du goût d’aucune femme sensée. En effet c’est n’aimer réellement personne, que d’affecter
d’aimer tout le monde. Aussi tous ces pretendus galants, qu’on a surnommez, avec très
grande raison, des Cœurs d’Hopital, ont-ils toujours se sort de ces malheureux que la
nécessité force d’aller vivre dans ces tristes & miserables retraites. Les uns &
les autres perissent ordinairement dans la misere. Si l’étourdi qui a fait l’Epitre que
vous venez de lire, & que dans le font je crois n’être qu’un pur badinage, assez joli,
si cet auteur, dis-je, étoit dans la réalité, tel qu’il s’annonce dans sa piéce, je crois
pouvoir l’assurer ici, de la part du Beau Sexe, qu’il n’y a rien à faire pour lui auprès
des Dames. Ce n’est pas le moyen de faire sa fortune, Qu’aimer tout à la fois
& la Blonde & la Brune.
Femme qui veut se faire un Epoux, un Amant,
Pretend qu’il l’aime seule, & l’aime constamment,
Et ne voudra jamais, pour peu qu’elle soit sage,
D’un cœur que tout son Sexe avec elle partage. L’Antipathie que toute femme sensée doit avoir pour de pareils galants, est beaucoup plus raisonnable, que celles dont je vai vous faire part. Je les extrairai d’une Dissertation sur cette matiere, que l’on vient de me communiquer. En voici d’assez curieuses qui m’ont paru faire le principal merite de ce petit Ouvrage. On a fait, & l’auteur
de cette Dissertation raporte beaucoup de raisonnements sur ces Antipathies, aux quels il
joint encore les siens. Mais tout cela ne satisfait point un homme sensé. Aussi me
persuade-je qu’on n’en doit point chercher, & qu’on n’en sçauroit donner d’autres
raisons que celle de cette Epigramme de Martial. A ces faits Historiques, & assez amusants, je joindrai, Monsieur, quelques
pensées extraites d’un Livre nouveau, qui vient de paroitre sous le titre de Pensées
détachées. Quelle honte pour un homme de
condition, de lâcher de pareilles bêtises devant les personnes à qui elles n’échapent
pas ! Combien en ai-je entendu, & combien ne s’en lâche-t-il pas encore de semblables,
tous les jours, par des Seigneurs qui ont la fatuité de croire qu’ils ont l’esprit aussi
brillant que leurs habits & leurs équipages ! Quelle humiliation pour
ces Paons enorgueillis du vain éclat de leur plumage ! Mais, heureusement pour leur
vanité, la Nature leur a refusé le sentiment. J’ai l’honneur d’être &c.
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Beau Sexe, vous ne m’aimez pas, Et vous avez raison peut-être ;
Car pour aimer il faut connoitre,
Et vous ne me connoissez pas.
Si cependant, quand on vous aime,
On est digne d’un meilleur sort,
Beau Sexe, en n’aimant pas de même,
Assurément vous avez tort. Hé-bien, connoissez donc mon ame,
Et l’ardeur qui pour vous l’enflame.
Belles, c’est à vous que j’écris,
A vous aussi que je le dis,
Vous, que tous les jours de ma vie
J’aimai jusqu’à l’idolatrie. Et pourquoi donc ne pas aimer Quiconque a l’art de nous charmer ?
Fussiez-vous plus laides encore,
Je vous dis que je vous adore ;
Dans l’une j’aime la Beauté ;
L’autre me plait par sa gayeté,
Themire par un doux caprice ;
J’aime le maintien de Clarice ;
Lucinde, avec son air coquet,
M’amuse d’un joli caquet ;
Ainsi que la maigreur d’Elise
J’adore ! embonpoint d’Orphise.
La petite charme mes yeux ;
La grande me plaît encor mieux ;
J’aime aussi la Brune & la Blonde ;
Et partant j’aime tout le monde . . . .
Ah j’oubliois ici, ma foi !
(Mesdames, pardonnez-le moi)
Vos seduisantes Douairieres.
Pour être en datte les premieres,
Elles n’en valent guére moins,
Et nous leur devons bien nos soins.
J’en dis autant de la Bigote,
De l’Espritée, & la Falote. Or donc, Beautez, Laidrons cheris, Quand on aime, on sçait à quel prix.
L’Amour est un Dieu Mercenaire
Que ne vit que de son salaire.
Repondez . . . . Quel sera le mien ? . . . .
Peut-être merite-je bien
Qu’en vous aimant toutes, Mesdames,
Sensible à mes feux Poligames,
Le Corps entier m’accordera
Quelque retour, & cætera . . . .
Le Corps entier ! . . . Ah, malepeste !
Que, sans faire ici le modeste,
Le desir soit un peu restraint ;
Qui trop embrasse mal estraint.
Encor, si quelque Ambassadrice
Des dettes du Corps, en ce jour,
Daignoit se rendre debitrice,
Et les acquitoit à l’Amour ;
Contente de son Ambassade
(Soit dit entre nous sans bravade),
Amour, je te la renverrois,
Ou plutôt je la garderois. Ainsi, dans votre aimable Empire, Si quelqu’une en vouloit douter,
Que, sans se le faire redire,
Elle se fasse deputer.
Mais pourtant qu’elle soit jolie,
Je me ravise en ce moment.
Belles, on me trouve aisément,
Mon Enseigne est ; A la folie.
Car pour aimer il faut connoitre,
Et vous ne me connoissez pas.
Si cependant, quand on vous aime,
On est digne d’un meilleur sort,
Beau Sexe, en n’aimant pas de même,
Assurément vous avez tort. Hé-bien, connoissez donc mon ame,
Et l’ardeur qui pour vous l’enflame.
Belles, c’est à vous que j’écris,
A vous aussi que je le dis,
Vous, que tous les jours de ma vie
J’aimai jusqu’à l’idolatrie. Et pourquoi donc ne pas aimer Quiconque a l’art de nous charmer ?
Fussiez-vous plus laides encore,
Je vous dis que je vous adore ;
Dans l’une j’aime la Beauté ;
L’autre me plait par sa gayeté,
Themire par un doux caprice ;
J’aime le maintien de Clarice ;
Lucinde, avec son air coquet,
M’amuse d’un joli caquet ;
Ainsi que la maigreur d’Elise
J’adore ! embonpoint d’Orphise.
La petite charme mes yeux ;
La grande me plaît encor mieux ;
J’aime aussi la Brune & la Blonde ;
Et partant j’aime tout le monde . . . .
Ah j’oubliois ici, ma foi !
(Mesdames, pardonnez-le moi)
Vos seduisantes Douairieres.
Pour être en datte les premieres,
Elles n’en valent guére moins,
Et nous leur devons bien nos soins.
J’en dis autant de la Bigote,
De l’Espritée, & la Falote. Or donc, Beautez, Laidrons cheris, Quand on aime, on sçait à quel prix.
L’Amour est un Dieu Mercenaire
Que ne vit que de son salaire.
Repondez . . . . Quel sera le mien ? . . . .
Peut-être merite-je bien
Qu’en vous aimant toutes, Mesdames,
Sensible à mes feux Poligames,
Le Corps entier m’accordera
Quelque retour, & cætera . . . .
Le Corps entier ! . . . Ah, malepeste !
Que, sans faire ici le modeste,
Le desir soit un peu restraint ;
Qui trop embrasse mal estraint.
Encor, si quelque Ambassadrice
Des dettes du Corps, en ce jour,
Daignoit se rendre debitrice,
Et les acquitoit à l’Amour ;
Contente de son Ambassade
(Soit dit entre nous sans bravade),
Amour, je te la renverrois,
Ou plutôt je la garderois. Ainsi, dans votre aimable Empire, Si quelqu’une en vouloit douter,
Que, sans se le faire redire,
Elle se fasse deputer.
Mais pourtant qu’elle soit jolie,
Je me ravise en ce moment.
Belles, on me trouve aisément,
Mon Enseigne est ; A la folie.
Femme qui veut se faire un Epoux, un Amant,
Pretend qu’il l’aime seule, & l’aime constamment,
Et ne voudra jamais, pour peu qu’elle soit sage,
D’un cœur que tout son Sexe avec elle partage. L’Antipathie que toute femme sensée doit avoir pour de pareils galants, est beaucoup plus raisonnable, que celles dont je vai vous faire part. Je les extrairai d’une Dissertation sur cette matiere, que l’on vient de me communiquer. En voici d’assez curieuses qui m’ont paru faire le principal merite de ce petit Ouvrage.
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L’Empereur Ferdinand
fit voir, à Inspruck, au Cardinal de Lorraine, un Gentilhomme qui avoit une si grande
peur des Chats, qu’il saignoit du nez à les entendre seulement miauler de loin. Le Duc
d’Epernon s’évanouissoit à la vue d’un Levraut. Uladislas Jagellon, Roi de Pologne, qui
pendant cinquante ans affronta toutes sortes de dangers, & montra toujours une valeur
& une fermeté superieure aux evenements, se troubloit, & prenoit sa fuite, quand
il voyoit des pommes ; & si, par mégarde, on en faisoit sentir à Duchesne, Secretaire
de François I. Roi de France, il lui sortoit aussitôt par le nez une grande quantité de
sang. Erasme, qui avoit tant d’esprit, tant de raison, & un si profond savoir, comme
on le voit assez par ses Ouvrages, avoit une si grande Antipathie pour le poisson, qu’il
ne pouvoit pas même en sentir sans avoir la fievre. Tycho-Brahé, ce fameux Philosophe
Moderne, changeoit de couleur, & sentoit ses jambes defaillir, à la rencontre d’un
Lievre, ou d’un Renard. Le Chancelier Bacon tomboit en defaillance toutes les fois qu’il
arrivoit une Eclipse de Lune ; & sa defaillance duroit autant que l’Eclipse même. Don
Juan Rob, Chevalier de l’Ordre d’Alcantara, tomboit en syncope, quand il
entendoit prononcer le mot Lana, quoique tous les habits qu’il portoit fussent de Laine.
Marguerite de Valois, Reine de Navarre, & Sœur de François I. se troubloit au seul
nom de Mort, & chassoit ceux qui osoient le proférer devant elle. Ce fut ce qui
arriva à un Jardinier à qui elle demandoit des nouvelles d’un Arbre qui avoit toujours
porté d’excellents fruits. Madame, lui repondit ce Jardinier : Il est mort. Le Maréchal
d’Albret ne pouvoit voir, ni sentir de Marcassin, sans se trouver mal. Le Maréchal de
Clerambault, Courtisan agréable & delié, demandoit un jour, à ce sujet, de quelle
maniere il faudroit traiter un homme qui, en se battant contre d’Albret, auroit tenu une
hure de Sanglier, d’une main, & son epée de l’autre.
Ebene 3
Je ne
t’aime point Licidas ; Ne m’en demande pas la cause ;
Je ne puis de dire autre chose,
Si-non que je ne t’aime pas *2.
Je ne puis de dire autre chose,
Si-non que je ne t’aime pas *2.
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« La Conversation d’un homme qui dit rarement de
bonnes choses, & souvent des choses communes & indifferentes, est une espece de
Lotterie où il y a beaucoup de Billets blancs, & peu de Lots. La
Poësie, la Musique, & la Peinture sont incontestablement Sœurs, & filles de
l’Imagination. Mais la quelle est l’ainée ? . . . On donneroit volontiers cette
prérogative à la Poësie ; car elle radote quelquefois. » Point de Religion, point de
Mœurs ; & de là ni honneur, ni probité. L’Esprit consiste moins dans le talent de le
produire, que dans l’art de le placer. Un Predicateur, qui avoit coutume de composer des
Sermons dont toutes les phrases sembloient se disputer d’esprit les unes avec les autres,
disoit, un jour, en parlant de Judas : Ce malheureux, detesté du Ciel & de la Terre,
périt entre l’un & l’autre, comme si ni l’un ni l’autre n’avoit voulu le suporter. En
verité, il y a dans le monde des gens bien sots, sous un exterieur qui en impose à bien
des personnes ! Je ne fais cette reflexion, qui est dans la bouche de tout le monde, que
pour ceder au plaisir de raconter un événement vraiment Comique dont j’ai trente témoins.
On examinoit à l’Observatoire de Paris une Eclipse de Soleil. Bien du monde y étoit
accouru. Un brillant Marquis, qui accompagnoit deux Dames de condition, apprit en
arrivant, que tout étoit fini. N’importe, dit-il, entrons toujours, Mesdames : Je connois
Mr. Cassini (a3). C’est un galant homme. Il aura
la complaisance de recommencer pour nous ».
Cantate.
Echo.
Ebene 3
En vain la jeune Echo soupire pour Narcisse, Envain au fond
des bois elle court le chercher ;
L’ingrat souffre qu’elle languisse,
Et ses plus tendres soins ne sçauroient le toucher,
Par-tout une tendresse extrême
Attache la Nymphe à ses pas ;
Elle haït ce qu’il haït, elle aime ce qu’il aime.
Le Goût de son Berger prête à tout mille appas.
S’il court dans les forêts où la Chasse l’attire,
Elle imite le bruit du Cor ;
S’il touche le Haut-bois, la Nymphe, qui l’admire,
Sçait lui rendre accord pour accord ;
Quand du son de sa Flute il enchante Zephire,
Elle en rend tous les sons, mais plus tendres encor. Bravant l’Amour & son Empire, Et trop charmé de son repos,
Un jour l’indifferent s’exprimoit en ces mots :
En vain tu fais par-tout triompher ta puissance,
Amour, tu ne peux rien sur moi.
Aimable paix des Cœurs, tranquile indiference,
Je jure de n’aimer que toi. Malgré lui desespoir où ce serment la jette, Echo lui donne encore sa foi,
Et ses chants ingrats la Nymphe lui repete :
Je jure de n’aimer que toi.
Echo devient plus tendre, & plait moins chaque jour ;
Elle succombe à son destin funeste ;
Et du peu de voix qui lui reste
Elle presse le Ciel de venger son amour.
J’ai langui pour un insensible ;
Il a vu mes honteux desirs ;
Son indiference inflexible
Est le seul prix de mes soupirs.
Je n’écoute plus que la haine,
Puisque mon amour ne peut rien,
Dieux ! Justes Dieux ! vengez ma peine.
Par un supplice égal au mien. Ses vœux sont exaucez ; au bord d’une fontaine Narcisse en ce moment goûtoit un doux repos ;
De lui même une image vaine
Se presente à lui sous les flots.
Cette beauté l’enchante, avec trouble il l’adore,
Il sent naitre en son cœur des transports inconnus ;
Il languit, il brule, il soupire ;
Tout plein de cette image il ne se connoit plus.
Veut-il embrasser ce qu’il aime
L’eau se trouble, & l’image fuit.
Quand elle reparoit, son plaisir est extrême,
En s’approchant encor, son espoir se détruit.
Toujours separé de lui même,
Il s’echape sans cesse, & toujours se poursuit.
De moment en moment, dans ses veines s’allume
Un feu qui lui coute le jour ;
De ses desirs trahis la flamme le consume ;
Il meurt enfin de douleur & d’amour.
Echo même gemit d’un si cruel martire,
J’expire, dit Narcisse ; Echo repond, j’expire. Vole, Amour, etens ta puissance ; Mais n’exerce point tes rigueurs.
De chaque trait que ta main lance
Blesse & charme toujours deux cœurs.
Amants que l’Amour récompense,
Vos desirs sont des biens charmans ;
Mais les desirs sans l’esperance
Sont le plus affreux des tourmens.
L’ingrat souffre qu’elle languisse,
Et ses plus tendres soins ne sçauroient le toucher,
Par-tout une tendresse extrême
Attache la Nymphe à ses pas ;
Elle haït ce qu’il haït, elle aime ce qu’il aime.
Le Goût de son Berger prête à tout mille appas.
S’il court dans les forêts où la Chasse l’attire,
Elle imite le bruit du Cor ;
S’il touche le Haut-bois, la Nymphe, qui l’admire,
Sçait lui rendre accord pour accord ;
Quand du son de sa Flute il enchante Zephire,
Elle en rend tous les sons, mais plus tendres encor. Bravant l’Amour & son Empire, Et trop charmé de son repos,
Un jour l’indifferent s’exprimoit en ces mots :
En vain tu fais par-tout triompher ta puissance,
Amour, tu ne peux rien sur moi.
Aimable paix des Cœurs, tranquile indiference,
Je jure de n’aimer que toi. Malgré lui desespoir où ce serment la jette, Echo lui donne encore sa foi,
Et ses chants ingrats la Nymphe lui repete :
Je jure de n’aimer que toi.
Echo devient plus tendre, & plait moins chaque jour ;
Elle succombe à son destin funeste ;
Et du peu de voix qui lui reste
Elle presse le Ciel de venger son amour.
J’ai langui pour un insensible ;
Il a vu mes honteux desirs ;
Son indiference inflexible
Est le seul prix de mes soupirs.
Je n’écoute plus que la haine,
Puisque mon amour ne peut rien,
Dieux ! Justes Dieux ! vengez ma peine.
Par un supplice égal au mien. Ses vœux sont exaucez ; au bord d’une fontaine Narcisse en ce moment goûtoit un doux repos ;
De lui même une image vaine
Se presente à lui sous les flots.
Cette beauté l’enchante, avec trouble il l’adore,
Il sent naitre en son cœur des transports inconnus ;
Il languit, il brule, il soupire ;
Tout plein de cette image il ne se connoit plus.
Veut-il embrasser ce qu’il aime
L’eau se trouble, & l’image fuit.
Quand elle reparoit, son plaisir est extrême,
En s’approchant encor, son espoir se détruit.
Toujours separé de lui même,
Il s’echape sans cesse, & toujours se poursuit.
De moment en moment, dans ses veines s’allume
Un feu qui lui coute le jour ;
De ses desirs trahis la flamme le consume ;
Il meurt enfin de douleur & d’amour.
Echo même gemit d’un si cruel martire,
J’expire, dit Narcisse ; Echo repond, j’expire. Vole, Amour, etens ta puissance ; Mais n’exerce point tes rigueurs.
De chaque trait que ta main lance
Blesse & charme toujours deux cœurs.
Amants que l’Amour récompense,
Vos desirs sont des biens charmans ;
Mais les desirs sans l’esperance
Sont le plus affreux des tourmens.