La Bigarure: N°. 12.
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N°. 12.
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Brief/Leserbrief
De tous les portraits que l’on nous a faits de l’Amour, je
n’en ai point vu, Monsieur, ou cette delicieuse & dangereuse passion soit plus
fidellement representée, que dans les Vers d’un célébre Poëte Italien, dont voici la
traduction.
Est-il quelqu’un, pour peu qu’il ait éprouvé ce que c’est que l’Amour, qui ne
le reconnoisse trait pour trait dans ce fidelle Tableau ? Sans aller chercher, dans les
anciennes Histoires, des preuves des desastres, des crimes, & du desordre qu’il cause
dans la société, ouvrons le grand Livre du Monde ; je veux dire, jettons les yeux sur ce
qui s’y passe tous les jours ; & nous verrons qu’en effet c’est le plus inhumain de
tous les Monstres.
Amour, cruel Amour, source de tous nos crimes, Voilà le sort affreux de tes
tristes victimes ! J’ai l’honneur d’être &c.
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Comme les ardentes chaleurs
Ternissent des plus belles fleurs
Les beautez les plus éclatantes ;
Comme on voit que la gresle est contraire aux Moissons,
Les Vers à la semence, & la gelée aux plantes,
Les filets aux oiseaux, & la ligne aux poissons ;
C’est ainsi que l’Amour est contraire à nos ames
Lorsqu’elles brulent de ses flames.
C’est faire de l’Amour un fidelle Tableau
De le nommer un Feu qui brule & qui consume.
Voyez un feu qui brille aussitôt qu’il s’allume,
Est-il dans l’Univers un spectacle plus beau ?
Mais quels sont les effets de sa funeste rage ?
Si-tôt qu’on ose en aprocher,
Et si l’on ose le toucher,
Il fait encor plus de ravage ;
L’éclatant flambeau du Soleil
Ne voit point ici bas de Bête plus farouche,
Ni de Monstre pareil.
Il devore tout ce qu’il touche.
Il est plus léger que le Vent,
Et son éclat est decevant.
Il fait comme le fer de profondes blessures ;
La force & le pouvoir cedent à ses morsures ;
Voilà comme est l’Amour qui regne dans nos cœurs.
Il ne fait jamais voir que des charmes trompeurs.
A le considerer sous une tresse blonde,
Ou dans l’éclat de deux beaux yeux,
On ne peut rien voir dans le monde
Ni de plus attrayant, ni de plus gracieux.
Il use de mille artifices,
Il n’inspire que les plaisirs ;
Et lorsqu’il donne des desirs,
Il promet le repos, il promet les delices ;
Mais si l’on s’abandonne à tous ses faux appas,
Si l’on veut éprouver l’effet de ses promesses,
Si l’on se fie à ses caresses,
Quels maux ne nous cause-t’il pas ?
Sans se faire sentir il se glisse dans l’ame ;
Il y porte partout les ardeurs de sa flame ;
Et quand il est le Maitre, il y donne des Loix
A qui tout est soumis, jusqu’au sceptre des Rois.
Son empire est si Tirannique,
Que lorsqu’on lui resiste, on lui resiste envain ;
Et dans sa violence il est plus inhumain
Que tous les Monstres de l’Affrique.
Il fournit mille traits à la rigueur du sort ;
Il en fournit à la colere ;
Il abuse du nom qu’il porte pour nous plaire,
Et l’on doit craindre moins & l’Enfer & la Mort *1.
Ternissent des plus belles fleurs
Les beautez les plus éclatantes ;
Comme on voit que la gresle est contraire aux Moissons,
Les Vers à la semence, & la gelée aux plantes,
Les filets aux oiseaux, & la ligne aux poissons ;
C’est ainsi que l’Amour est contraire à nos ames
Lorsqu’elles brulent de ses flames.
C’est faire de l’Amour un fidelle Tableau
De le nommer un Feu qui brule & qui consume.
Voyez un feu qui brille aussitôt qu’il s’allume,
Est-il dans l’Univers un spectacle plus beau ?
Mais quels sont les effets de sa funeste rage ?
Si-tôt qu’on ose en aprocher,
Et si l’on ose le toucher,
Il fait encor plus de ravage ;
L’éclatant flambeau du Soleil
Ne voit point ici bas de Bête plus farouche,
Ni de Monstre pareil.
Il devore tout ce qu’il touche.
Il est plus léger que le Vent,
Et son éclat est decevant.
Il fait comme le fer de profondes blessures ;
La force & le pouvoir cedent à ses morsures ;
Voilà comme est l’Amour qui regne dans nos cœurs.
Il ne fait jamais voir que des charmes trompeurs.
A le considerer sous une tresse blonde,
Ou dans l’éclat de deux beaux yeux,
On ne peut rien voir dans le monde
Ni de plus attrayant, ni de plus gracieux.
Il use de mille artifices,
Il n’inspire que les plaisirs ;
Et lorsqu’il donne des desirs,
Il promet le repos, il promet les delices ;
Mais si l’on s’abandonne à tous ses faux appas,
Si l’on veut éprouver l’effet de ses promesses,
Si l’on se fie à ses caresses,
Quels maux ne nous cause-t’il pas ?
Sans se faire sentir il se glisse dans l’ame ;
Il y porte partout les ardeurs de sa flame ;
Et quand il est le Maitre, il y donne des Loix
A qui tout est soumis, jusqu’au sceptre des Rois.
Son empire est si Tirannique,
Que lorsqu’on lui resiste, on lui resiste envain ;
Et dans sa violence il est plus inhumain
Que tous les Monstres de l’Affrique.
Il fournit mille traits à la rigueur du sort ;
Il en fournit à la colere ;
Il abuse du nom qu’il porte pour nous plaire,
Et l’on doit craindre moins & l’Enfer & la Mort *1.
Metatextualität
Trois Avantures Tragiques arrivées tout
récemment, les deux premieres en Angleterre, & la troisieme à Avignon, vont prouver,
Monsieur, la verité de ce que vous venez de lire ; Voici la premiere.
Allgemeine Erzählung
Dans la Comté de Suffolk, un Anglois faisoit l’amour à une
jeune fille qu’il recherchoit en mariage. Cette fille étoit fort sage ; & il comptoit
être des plus heureux avec elle. En attendant que la cérémonie les unit, il lui rendoit,
selon la coutume, de fréquentes visites. Un de ces jours, comme il alloit la voir, à
l’ordinaire, le hasard voulut qu’il la trouva en la compagnie d’un jeune homme qui étoit
de ses parents. Comme il ne le connoissoit point en cette qualité, le galant ne l’eut pas
plutôt aperçu, que son amour lui mit aussitôt dans l’imagination, que ce jeune homme
étoit son rival ; ce qui le mit dans une rage qu’il seroit difficile de bien exprimer.
S’il
étoit question d’un Amant Espagnol, Italien, ou même François, la chose auroit pu arriver
ainsi. Mais celui-ci étoit Anglois ; & un Anglois ne se venge pas comme
les autres hommes. Outré de l’infidélité qu’il s’imagina que lui faisoit sa future
Epouse, il la quitte brusquement, revient sur ses pas, & croyant causer à son Amante
un regret mortel, qui dureroit autant que sa vie, il alla sur le champ se pendre dans une
espece de Chantier qui étoit contigu à sa maison. Ne voilà-t-il pas, Monsieur, une
vengeance bien entendue, & un beau sujet, pour porter le désespoir à cet excès de
folie ? Mais nos étourdis de François, qui mettent tous les jours l’épée à la main, &
qui s’égorgent même quelque fois pour de semblables causes, sont-ils beaucoup plus
raisonnables ? . . . Pas plus que cette jeune Angloise à qui on vient de voir faire une
sotise à peu près du même goût, & pour un semblable sujet. Cette fille, qui étoit
âgée de 16 ou 17 ans, étoit en apprentissage, chez une Coëffeuse, à Londres, demeurant au
coin de la rue de Nassaw. Cette fille ayant été invitée à la noce d’un de ses Cousins,
qu’elle amoit tendrement, elle crut qu’elle auroit assez de force & de pouvoir sur
son esprit & sur son cœur, pour voir avec indifference la satisfaction des deux
mariez. L’Amour ne veut, ordinairement, rien perdre de ses droits ; & il ne les voit
pas passer à d’autres sans soufrir les plus cruels tourments. Ce fut ce qu’éprouva alors
la jeune Coëffeuse. On s’en aperçut ; & si on ne la vit pas pleurer & soupirer,
parce qu’elle le faisoit en secret, du moins l’entendit-on se plaindre, & dire
qu’elle n’avoit plus rien à esperer dans le monde, puisqu’elle avoit perdu tout ce qui
pouvoit y faire sa félicité. Sa Maitresse surprise, & étonnée de lui voir un air
chagrin, qui ne lui étoit pas ordinaire, & qui augmentoit de jour en jour, jusqu’à
lui ôter l’appetit, lui demanda plusieurs fois la cause d’un changement si subit. La
jeune Amante, lui cachant le veritable sujet de son chagrin, lui en allégua
quelques autres que sa Maitresse reconnut bien n’être que de vains prétextes. Comme elle
craignoit les suites de sa mélancholie, maladie qui est beaucoup plus dangereuse dans ce
climat, que dans les autres, elle prit le parti d’en parler au Pere, & à l’Oncle, de
la jeune fille. Interressez l’un & l’autre à la santé & à la conservation de
cette aimable enfant, qui étoit leur unique heritiere, ils mirent tout en usage pour lui
tranquiliser, & égayer l’esprit. Ils se flattoient d’y avoir réussi, lorsque, ces
jours passez, le desespoir l’ayant arrachée de la maison à l’insçu de la Maitresse, elle
courut vers Tottenham-Court-Road, où après avoir ôté son Chapeau & son Mantelet,
qu’elle mit sur le bord de l’Etang, & après avoir avalé autant d’eau sale &
bourbeuse, qu’elle en pouvoit supporter, elle se précipita dans l’Etang, & s’y noya.
Quelques personnes, qui l’aperçurent de loin, accoururent pour la secourir ; mais il
n’étoit plus tems, & elles la trouverent morte lors qu’elles arriverent. Voilà une
espece d’Heroïsme qui est inconnu chez nos Françoises, & qui, je crois, n’y fera pas
grand progrès. Ont-elles tort ? . . Je m’en rapporte sur cela à toutes les personnes
sensées. Un Avocat de cette Ville étoit, depuis deux ans,
éperdument amoureux d’une Demoiselle qu’il recherchoit en mariage. Il l’auroit, sans
doute, obtenu, avec le tems ; car, de son côté, cette aimable fille l’aimoit fort
tendrement. Ce qui s’opposoit à leur bonheur actuel, c’est que par ce mariage elle se
seroit vue obligée de vivre avec sa Belle-mere dont le caractere lui
paroissoit difficile à suporter, & étoit effectivement incompatible avec le sien.
Cette Antipathie lui paroissant insurmontable, elle se déclara enfin sur ce point à son
Amant, & le pria, en conséquence, de ne plus penser à elle, mais de se pourvoir
ailleurs. Ce ne fut pas sans beaucoup de repugnance, ni sans avoir long-tems combattu le
penchant de son cœur, qu’elle en vint à lui faire cette fâcheuse déclaration ; mais
enfin, comme le repos & le bonheur de sa vie en dependoient, elle crut devoir la lui
faire, pour ne le point amuser inutilement. Cette déclaration fut pour ce malheureux
Amant le coup le plus sensible qu’il put recevoir. Peu s’en falut qu’il n’en devint fou.
Que dis-je ! Il auroit été trop heureux si son amour au desespoir ne lui eut fait perdre
que l’esprit. La violence de sa passion alla bien plus loin, puisqu’elle vint jusqu’à
étouffer en lui tous les sentiments de l’humanité & même de la Nature. Enragé de voir
que le caractere difficile & la mauvaise humeur de sa Mere s’opposent à son bonheur,
& qu’il ne peut se flatter de posseder ce qu’il aime tant qu’elle vivra, ce Monstre
forme l’exécrable projet d’oter la vie à celle qui la lui a donnée, & l’execute par
le secours d’un poison qu’il lui fait prendre. A-peine eut-il commis cet abominable
Parricide, qu’il courut chez sa Maitresse lui offrir sa main. La Demoiselle, qui ne
sçavoit rien de son crime, & qui croyoit, avec tout le public, qu’il n’y avoit eu,
dans la mort de sa Mere, rien que de très naturel, le reçut comme elle avoit fait
auparavant. Comme la Mort avoit levé le seul obstacle qui s’opposoit à son bonheur, elle
y consentit. Mais est-il ici bas quelque Mortel assez aveugle pour oser se flatter de
quelque felicité lorsqu’il a eu la scélératesse de commettre des crimes de
cette atrocité ? . . Non, Monsieur, ils sont trop criants ; & Dieu est trop juste
pour les laisser impunis. Celui-ci crioit vengeance au pied de son Trône ; aussi la
justice Divine n’a-t-elle pas été long-tems sans en faire un exemple. Le Suplice de ce
Criminel dénaturé commença par des remords affreux qui ne cesserent de lui dechirer le
cœur ; & qui, pour mettre le comble à son malheur, le porterent à commettre un second
crime qui n’étoit guére moins horrible que celui qu’il avoit déja commis. Les horreurs
que le premier lui fait éprouver lui bouleversent la raison jusqu’au point de l’imputer à
celle qui n’en avoit été, tout au plus, que l’occasion bien innocente. Cette beauté qu’il
avoit idolatrée jusqu’à étoufer dans son cœur, pour l’amour d’elle, tous les sentiments
humains, & ceux même de la Nature, ne paroit plus à ses yeux que comme un Monstre
affreux, digne de mille morts ; & dans les fureurs que cette idée lui inspire, il
forme l’horrible projet de venger sur elle, par un nouveau meurtre, celui qu’il a déja
fait de sa propre Mere. Plein de cette exécrable pensée, il vient voir cette infortunée
Demoiselle qui le reçoit comme un homme qui devoit être incessamment son Epoux ; Mais
quel Epoux, Juste Ciel ! un Monstre qui, au lieu de rentrer en lui même, au lieu d’ouvrir
les yeux sur le nouveau crime qu’il va commettre, ne repond à l’accueil gratieux qu’elle
lui fait, que par des coups de poignard qu’il lui porte dans le sein, jusqu’au nombre de
dix sept, & qui la laissent sans vie. C’etoit le terme fatal où la Justice Divine
attendoit ce malheureux. En effet à peine a-t-il eu achevé ce second assassinat, qu’il a
éte saisi dans le moment. Alors, comme si elle lui eut levé elle même le bandeau que sa
fureur lui avoit mis sur les yeux, sans qu’on ait eu besoin de lui faire subir
d’interrogatoire, dès qu’il a été pris, il a avoué, de lui même, non seulement
l’assassinat qu’il venoit de commettre, mais encore son Parricide, qui étoit resté
jusqu’alors caché aux yeux des hommes, & qu’on n’auroit jamais sçu sans lui. Le
Suplice le plus cruel & le plus rigoureux vient de purger la terre de ce Monstre
exécrable ; Mais quelle qu’en ait été la rigueur, elle ne peut rien ajouter à l’horreur
qu’inspirent les crimes atroces qui le lui ont attiré.
Metatextualität
Peut-etre allez-vous vous figurer, Monsieur, que, dans la
fureur où il étoit, il se vengea de son infidelle, en immolant son rival.
Metatextualität
Mais voici un événement bien plus terrible encore,
& qui vous fera voir à quels excès affreux l’Amour peut porter ceux qui ont le
malheur de se laisser surprendre à ses dangereuses amorces. C’est l’Avanture d’Avignon,
que je vous ai promise.
Paris ce 10 Juin 1751.
Qui se vendent à la Haye, chez Pierre Gosse Junior Libraire de S. A. R.
Les Filles Femmes, & les Femmes Filles, ou le Monde changé, Conte qui n’en est pas un, par Mr. Simien. Les quinze Minutes, ou le tems bien employé, Conte d’un quart heure, 12. au Parnasse par les Libraires associés, 1751. Etrennes (les) de Sr. Jean, troisième Edition, Revue corrigée & augmentée par les Autheurs de plusieurs morceaux d’esprit qui n’ont point encore paru, 12. à Troyes 1751. Avantures de Londres, 12. 2 vol. Amst. 1751. Cenie Comedie en Cinq Actes, 12. Paris 1751. Observations sur les Romains, par Mr. l’Abbé de Mably, 12. 2 vol. Geneve 1751. Concubitus Sine Lucina ou le plaisir sans Peine, Reponse à la Lettre intitulée Lucina Sine Concubitu, 8. Londres 1750. Oeuvres de Monsieur l’Abbé de Chaulieu, nouvelle Edition, augmentée d’un grand nombre de Piéces, qui qui <sic> n’étoient point dans les precedentes & corrigée dans une infinité d’endroits sur des Copies authentiques par Mr. de Sr. Marc, 12. 2 vol. Paris 1750. Marckart (Jo : W :) Exercitationes Academicæ, quibus Selectiora quædam cum Publici tum Privati Juris Argumenta Illustrantur & cum Hodiernis Moribus conferuntur, 4. Hardervici 1751. Barbeyrac (Caroli) Constitutio seu Formulæ, 12. Lugduni 1751. Astronomie Nautique, ou Elemens d’Astronomie, par Mr. de Maupertuis, 8. Paris 1751. Principes du Droit Politique, par feu J. J. Burlamaqui, 4. Amst. 1751. - - - - Idem, 8. Amst. 1751. Preuves de la Religion de Jesus Christ, contre les Spinosistes & les Deistes, 12. 4 vol. Paris 1751. Mecanique (la) des Langues & l’Art de les Enseigner, par Mr. Pluche, 12. Paris 1751. Leçons de Thalie, ou les Tableaux de divers Ridicules, que la Comedie presente, Portraits, Caracteres, Critique des Mœurs, Maximes de conduite Propres à la Societé, 12. 2 vol. Paris 1751.Jeudi ce 17 Juin 1751.
1* Comme il gelo à le piante, a’ i fior l’arsura, La grandine à le Spiche, a’ i semi il verme, Le reti a’ i cervi, ed à gli augelli il visco, Cosi nemico à l’huom fu sempre Amore, &c. . . . . . . . . Non hà Tigre l’Ircania, & non hà Libia Leon si fero, e si pestifero angue, Che la sua ferità vinca, ò pareggi. Crucio più che l’Inferno, e che la Morte, Nemico de pietà, ministro d’ira, E finalmente Amor priva d’amor, Guarini, Pastor Fido, Atto 1. Scen. 5.