La Bigarure: N°. 9.
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Nível 1
N°. 9.
Nível 2
Carta/Carta ao editor
COmme je vous ai promis de la varieté dans mes Lettres, &
que la derniere, quoiqu’elle soit assez interressante, pourroit bien avoir paru un peu
serieuse à plusieurs des personnes qui composent votre aimable société, je commence
celle-ci, Monsieur, par une matiere qui sera peut-être plus de leur goût, & qui fait
le sujet de la piéce suivante. Le Dépit amoureux.
Voila les femmes, &
jusqu’où va aujourd’hui la folie de nos François. Mais que ne doit-on point attendre des
uns & des autres après la puerile extravagance des Pantins dont on a vu, il y a
quelques années, tout ce Royaume infecté ? J’ai l’honneur d’être &c. Paris ce 4. Juin
1751.
Nível 3
Allons,
c’en est fait, mes Amis ; Je renonce à l’Amour, & je brise ma chaine.
J’aimois une belle inhumaine
Dont les charmes m’avoient surpris ;
Je veux rendre haine pour haine,
Et me venger de ses mépris.
Chantez, célébrez ma Victoire ;
Je vais, dans des ruisseaux de Vin,
Eteindre tous mes feux, en perdre la mémoire ;
Je vais, sur ce tonneau tout plein,
Dresser un trophée à ma gloire,
Et chercher, à force de boire,
Ma raison dans ce jus Divin.
Vos Bachiques concerts, cette Table, & ce Verre
Ont produit dans mon cœur un changement si promt.
Bacchus en est garant, ce Vin vous en repond. . . .
Quels transports . . . . je quitte la Terre,
Je fends les Airs d’un vol audacieux ;
Sous mes pas roule le Tonerre,
Une folâtre joye éclate dans mes yeux.
Recommençons cent fois une si douce guerre ;
Mes Amis, arrachez de mon front dedaigneux
Ce rameau de mirte amoureux,
Et ne couronnez plus ma tête que de lierre.
Bacchus est le Dieu que je sers ;
De ses dons mon ame est ravie !
Melpomene, ou Cleron (a)1, Dangeville (b)2ou Thalie,
Les Amis, la Table & les Vers
Vont remplir tout mon tems & partager ma vie. Cruel Amour, je ne vis plus pour toi ; Tu fais des malheureux, & je ne veux plus l’être.
J’étois Esclave, je suis Maitre,
Je veux enfin vivre pour moi.
Envain, pour finir mes allarmes,
Climene m’offriroit un bonheur plein d’appas,
Sa tendresse & ses charmes
Ne me toucheroient pas . . . . Mais quel objet se presente à ma vue ? . . . C’est elle que je vois en ce même moment . . . .
Quel trouble ! . . quel saisissement ! . . .
Climene !. O Dieux, que mon ame est emue ! . .
Ses graces . . mes transports . . . sa douceur ingénue . .
Ah ! courons expier mon crime à ses genoux,
C’en est fait, je reprends ma chaine.
Amis, & toi Bacchus, n’en soyez point jaloux.
Vous avez beau m’offrir les plaisirs les plus doux,
Elle a beau redoubler ma peine ;
J’aime encor mieux vivre sans vous,
Que de vivre un moment sans adorer Climene.
J’aimois une belle inhumaine
Dont les charmes m’avoient surpris ;
Je veux rendre haine pour haine,
Et me venger de ses mépris.
Chantez, célébrez ma Victoire ;
Je vais, dans des ruisseaux de Vin,
Eteindre tous mes feux, en perdre la mémoire ;
Je vais, sur ce tonneau tout plein,
Dresser un trophée à ma gloire,
Et chercher, à force de boire,
Ma raison dans ce jus Divin.
Vos Bachiques concerts, cette Table, & ce Verre
Ont produit dans mon cœur un changement si promt.
Bacchus en est garant, ce Vin vous en repond. . . .
Quels transports . . . . je quitte la Terre,
Je fends les Airs d’un vol audacieux ;
Sous mes pas roule le Tonerre,
Une folâtre joye éclate dans mes yeux.
Recommençons cent fois une si douce guerre ;
Mes Amis, arrachez de mon front dedaigneux
Ce rameau de mirte amoureux,
Et ne couronnez plus ma tête que de lierre.
Bacchus est le Dieu que je sers ;
De ses dons mon ame est ravie !
Melpomene, ou Cleron (a)1, Dangeville (b)2ou Thalie,
Les Amis, la Table & les Vers
Vont remplir tout mon tems & partager ma vie. Cruel Amour, je ne vis plus pour toi ; Tu fais des malheureux, & je ne veux plus l’être.
J’étois Esclave, je suis Maitre,
Je veux enfin vivre pour moi.
Envain, pour finir mes allarmes,
Climene m’offriroit un bonheur plein d’appas,
Sa tendresse & ses charmes
Ne me toucheroient pas . . . . Mais quel objet se presente à ma vue ? . . . C’est elle que je vois en ce même moment . . . .
Quel trouble ! . . quel saisissement ! . . .
Climene !. O Dieux, que mon ame est emue ! . .
Ses graces . . mes transports . . . sa douceur ingénue . .
Ah ! courons expier mon crime à ses genoux,
C’en est fait, je reprends ma chaine.
Amis, & toi Bacchus, n’en soyez point jaloux.
Vous avez beau m’offrir les plaisirs les plus doux,
Elle a beau redoubler ma peine ;
J’aime encor mieux vivre sans vous,
Que de vivre un moment sans adorer Climene.
Metatextualidade
Voila pour vos Messieurs ; voici maintenant, pour vos Dames,
une nouvelle folie, qui poura les amuser. C’est celle qui regne ici, depuis quelques mois
parmi nos femmes. Vous sçavez, Monsieur, que leurs fantaisies, & leurs caprices
éternels, nous en offrent journellement assez bon nombre, qui nous divertissent assez
souvent, mais qui quelquefois aussi nous incommodent. Celle dont j’ai à vous parler
produit ici ce double effet sur nous ; voici ce qui l’a occasionnée.
Narração geral
Quelques particuliers, zèlez pour leur interêt personnel,
qu’ils ont grand soin de colorer du spécieux prétexte du bien public, viennent de
s’aviser d’inventer de nouvelles Fontaines de grés, qu’ils s’efforcent de substituer à
celles de cuivre, dont on se sert ici depuis un tems presque immemorial. Pour y réussir,
ils ont répandu, & l’on n’entend presque plus parler aujourd’hui, dans toute cette
Capitale, que des pernicieux effets du cuivre, & du poison mortel qui en transpire
presque continuellement. De tous côtez on entend les inventeurs & les partisans de
ces nouvelles Fontaines crier à pleine tête, que le Magistrat, tout le Public, & la
Cour même, sont interressez à adopter cette nouvelle Mode, qui est aussi salutaire, que
l’autre est mortifere. Le Roi même, si l’on en veut croire ces Charlatans, doit, & ne
peut se dispenser de publier un Edit qui deffende absolument l’usage de ces pernicieuses
Fontaines de cuivre aux quelles ils attribuent les morts subites, & presque toutes
les maladies qui terminent ici nos jours. Ces clameurs ridicules sont encore augmentées
& fortifiées par celles d’une autre espece de Charlatans qui, par la même raison
d’interêt, se sont aussi avisez de substituer à toutes nos ustenciles de Cuisine, qui
étoient ci-devant de cuivre, de nouveaux ustenciles de fer. Marmites, Poëlons, Chaudieres, Chauderons, Casseroles, Cafetieres, &c. &c. tous ces meubles,
empoisonnez, & empoisonnants, sont, en consequence, déja disparus de la plûpart de
nos Cuisines. Pour peu que cette folie dure encore, nos Chauderonniers seront dans peu
reduits à aller chercher fortune en Suede, en Allemagne, & surtout en Hollande, où,
par un contraste qui n’est pas moins risible, les femmes sont idolâtres des ustenciles de
cuivre dont elles ont ordinairement un si grand nombre, qu’elles en pouroient fournir dix
ou douze Cuisines ; & le tout uniquement pour en faire parade : Car chez elles c’est
un crime énorme que d’oser y toucher ; tant elles craignent qu’on ne les salisse. Les
Maitres d’Hotels, les Valets, les Servantes & surtout les Cuisiniers &
Cuisinieres, ont beau crier ici qu’on ne peut rien faire de bon, ni de propre, dans des
ustenciles de ce vil metal qui donne un vilain goût à leurs viandes & à leurs
ragoûts ; la folie de la Mode fait trouver ce dégoût délicieux, & leurs Maitres
s’obstinent à n’en point vouloir d’autres ; en un mot, rien aujourd’hui n’est goûté, ni
trouvé bon, dans les meilleurs Tables, s’il n’est cuit, & apreté dans le fer. Les
Dames mêmes, toutes friandes & delicates qu’elles sont, devorent les ragoûts faits
dans les nouveaux ustenciles. Il y a plus ; c’est qu’elles se sentent aujourd’hui des
maux de cœur, & des nausées, à la seule vue d’une Casserole, d’un Chauderon, ou d’une
cafetiere de Cuivre ; enfin, elles ont peine à concevoir comment on a pu s’aveugler,
pendant tant de siécles, sur le pernicieux usage de ce Metal.
Metatextualidade
Et pour que vous ne croyiez pas, Monsieur, que j’outre ici
les choses pour me divertir un peu aux dépens du beau sexe, je vais vous marquer ici, à
ce sujet, un fait dont j’ai moi-même été témoin, il y a quelques jours.
Narração geral
Une Dame du premier rang, que je ne nomme point ici, pour
lui sauver un ridicule qu’elle mérite cependant à cet égard, avoit dit, ordonné, &
commandé plusieurs fois à son Maitre d’Hôtel de se défaire de toute sa baterie de cuivre,
& de lui en substituer une de fer. Celui-ci n’ayant pas jugé à propos de suivre en
cela sa fantaisie, la Dame, après avoir souvent pesté, & même juré contre lui, pour
contenter son caprice, elle se vit obligée d’aller elle-même à la nouvelle Manufacture.
Comme elle ne sçavoit où elle étoit, & ne connoissoit pas le moindre ustencile de
Cuisine, elle y entraina son Maitre d’Hôtel malgré lui. Lorsqu’ils y furent arrivez, son
premier soin fut de prevenir le Directeur de Manufacture. Pour cet effet elle le tira à
l’écart, & lui dit confidemment, que son intention étoit d’acheter une baterie
complette de Cuisine, de la nouvelle Mode, mais qu’elle n’y pouvoit faire consentir son
Maitre-d’Hôtel, qui, selon toutes les apparences, avoit été gagné par le Chauderonier de
sa maison, pour traverser cette emplette ; que le seul moyen qu’elle y voyoit, étoit
qu’il eût à l’interresser dans cette affaire. Donnez lui seulement, dit-elle, trois ou
quatre Louis d’or, pendant que je vais m’amuser à parcourir votre Magasin ; & je vous
les rembourserai ; Car autrement nous ne pourions jamais le faire consentir à l’achat que
j’ai envie de faire. La proposition de la Dame fut exécutée adroitement par le Directeur.
Alors le Maitre d’Hôtel, que cette gratification avoit rendu plus traitable, alla
rejoindre sa Maitresse avec la quelle il se mit à examiner les ustenciles à la nouvelle
mode. Il commença alors à changer de langage, & convint avec la Dame, que ces
nouvelles bateries de Cuisine valoient mieux que celles de cuivre : Oh, oui ! assurément,
elles valent mieux. . . Diable !. . . cela est clair. Il faudra seulement
que les garçons de Cuisine ayent bien soin de les tenir propres de peur que la rouille ne
s’y mette. . . Ma foi, Madame, je suis maintenant de votre avis ! . . . Je ne croyois pas
vraiment que cela fut si beau. Le Stratagême ayant réussi de la maniere que vous venez de
le voir, la Dame paya les nouveaux ustenciles tout ce que le Directeur lui en demanda,
s’estimant encore trop heureuse d’en avoir pour de l’argent, & d’être délivrée des
terreurs paniques que lui avoit causé le Vert-de-gris que toutes nos Dames croyent voir
aujourd’hui pulluler, à chaque instant, sur le cuivre.