Cita bibliográfica: Anonyme (Claude de Crébillon) (Ed.): "N°. 3.", en: La Bigarure, Vol.10\003 (1751), pp. 17-24, editado en: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Los "Spectators" en el contexto internacional. Edición digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.5095 [consultado el: ].
Nivel 1►
N°. 3.
Nivel 2► Carta/Carta al director► Nivel 3► Conduits de grade en grade & d’emplois en emplois
Qu’ils sachent & prescrire & recevoir des Loix.
Mais surtout qu’à son frein la Discipline austere
Accoutume l’ardeur d un bouillant caractere.
Dis leur que les Romains, soumis en commandant,
Au grand art d’obéir ont dû leur ascendant ;
Que la force n’est rien si l’ordre n’y preside ;
Que des travaux guerriers le seul accord décide ;
Et que sans le concours de ces divers moteurs
Le plus sage projet accable ses auteurs.
D’un indocile Orgueil montre leur la bassesse.
Qu’ils sachent que l’honneur, qu’aucun poste n’abaisse,
Sans affecter emploi, dignité, ni pouvoir,
Est jaloux seulement de remplir son devoir.
Ainsi parloit Louis. La Justice inquiette
Ecoutoit ce discours, immobile & muette.
Louis lut dans ses yeux. O lumiere des Rois,
Lui dit-il, vous l’arbitre & l’ame de mes Loix,
Justice, qui d’un peuple, objet de vos allarmes,
Portez au pied du Trône & l’homage & les larmes,
Vous craignez, je le vois, que mes nouveaux bienfaits
Pour ce peuple si cher ne soient un nouveau faix.
Vous croyez voir l’Intrigue avide & mercenaire ;
Vous croyez voir l’abus, par qui tout dégénere,
Sapper les fondements de mon nouveau projet :
Vos craintes & mes soins ont eu le même objet ;
Mais les plus grands desseins ont les plus grands obstacles ;
Les Obstacles vaincus enfantent des Miracles.
On craint peu les écueils qu’on découvre de loin ;
Tirons du superflu des secours au besoin. ( )1
[18] L’Art ne rend-il jamais un poison salutaire ?
Rendons de la Vertu le Vice tributaire :
Que l’homage du Luxe & de l’Oisiveté
Soit d’un noble travail l’apanage affecté ;
Ainsi l’Economie, en ressources fertile,
Sçait au progrès du bien rendre le mal utile.
La faveur, ce fleau de l’Emulation,
Peut usurper les fruits de cette adoption ;
C’est à vous de veiller, Justice incorruptible :
Soyez de ce jardin le Dragon inflexible ;
Que l’Artifice envain cherche à vous assoupir :
Point d’égard, point d’accueil qui vous coute un soupir ;
Bravez tout ; Des Vertus conservez l’heritage.
Du Noble infortuné c’est ici le partage ;
Que les plus malheureux soient les premiers admis,
Que du Pere aux enfans le mérite transmis
De leur adoption soit la regle & le titre :
De leurs droits consacrez je vous nomme l’Arbitre.
Un Pere, des Ayeux devouez à l’Etat,
Et blanchis dans les camps, ou morts dans un combat,
L’Orphelin delaissé sur la tombe d’un Pere,
Le Pupile ajoutant aux malheurs d’une Mere ;
Voilà sur quels Tableaux vos regards attachez
Peuvent braver l’intrigue & ses detours cachez.
Gloire, Justice, O vous mes fidelles compagnes,
Hatez-vous, parcourez mes Citez, mes Campagnes ;
Assemblez les Beaux-Arts sous mes Loix florissants ;
Confiez leur le soin de mes guerriers naissants.
Si dans tous mes Conseils admises l’une & l’autre
Votre voix fut la mienne, & mon regne le votre,
Ne vous refusez pas à mon nouveau dessein.
L’enfance est le dépôt remis dans votre sein ;
Mais de foibles ruisseaux, serpentant sous les herbes,
Se changent, dans leur cours, en des fleuves superbes
[19] Du tribut de leur onde enrichissent leurs bords,
Et de leur humble source étalent les tresors.
Et toi, de ces enfans auguste & tendre Mere,
Respire : Ils sont heureux ; leur Roi devient leur Pere.
O faveur ! O discours que l’Amour a dicté !
Qu’un Roi sensible est grand par son humanité !
La Noblesse, oubliant ses malheurs, ses allarmes,
Tombe aux pieds du Héros, les baigne de ses larmes,
Des larmes que la joye & l’Amour font couler,
De ces larmes, grand Roi, ,qu’on a vu ruisseler,
Quand des bords du Tombeau la menaçante Parque
A tes peuples tremblants a rendu leur Monarque.
Mais bientôt, de ses pleurs interrompant le cours,
Le cœur de la Noblesse éclate en ce discours.
Mon respect condamnoit mon amour au silence ;
Mais au respect, grand Roi, l’amour fait violence.
Quel bienfait ! tout mon sang peut-il le mériter ?
O mes enfans ! Vous seuls pouvez m’en aquiter !
Quel jour brillant doit suivre une si belle Aurore !
Du nom de ses enfans votre Roi vous honore ;
Qu’il doit par ce grand titre elever vos esprits !
Heureuses l’infortune & la Mort à ce prix !
Allez, que de ses soins généreuse rivale
Votre reconnoissance au bienfait soit égale :
Pensez que vos Ayeux, de vos honneurs jaloux,
S’ils n’étoient surpassez, en rougiroienr <sic> pour vous.
Vous êtes de l’Etat la famille cherie,
Je vous donnai mon sang ; rendez le à la Patrie.
Des guerriers dont Louis se déclare l’appui,
S’ils ne sont des Héros, sont indignes de lui.
A ces mots dans leurs mains elle remet son glaive.
Un nuage à l’instant l’environne & l’enleve.
La Gloire, avec des yeux par l’espoir animez,
Reçoit entre ses bras ses nourissons charmez.
La Justice la suit ; & leur zèle unanime
Va remplir de Louis le dessein magnanime.
[20] Le Héros cependant goûte ce calme heureux
Que repand la Vertu dans un cœur généreux,
Quand laissant reposer sa sagesse profonde
Il vient de travailler pour le bonheur du monde. ◀Nivel 3
Metatextualidad► Que pensez-vous, Monsieur, de ce petit Poëme ? En général, on en est assez content ici. Je me range au nombre des partisans de M. Marmontel, & dis avec toute la bande, nascentem ornate Poëtàm. C’est, sans doute, une consolation pour les amateurs de la Poésie ; (Et quel est l’homme, pour peu qu’il ait de goût, qui n’est pas sensible aux charmes de cet Art Divin ?) c’est, dis-je, une consolation pour eux, de voir éclore un genie qui, avec le tems, poura, sinon remplacer, du-moins suivre, à quelque distance, les grands Maitres dans cet Art, que nous avons perdus, & ceux que nous sommes à la veille de perdre encore. Je trouve de grandes beautez dans ce petit Poéme ; ne fut-ce que dans les Vers dans les quels il detaille, avec tant de précision & de justesse, toutes les parties de l’étude & de la Science Militaire. Un peu plus de simplicité & de naturel dans le reste ; un peu moins d’esprit, je veux dire, un peu moins recherché, & mieux caché ; moins d’enflure dans le stile ; un peu moins d’affectation dans les expressions, pouront faire, dans la suite, du Sieur Marmontel, un second Voltaire ; au lieu que nous ne voyons encore en lui qu’un Poéte ordinaire qui nous donne d’assez belles esperances. ◀Metatextualidad
Nivel 3► Projicit Ampullas & sesquipedalia Verba
Qui curat cor spectantis tetigisse querela.
Non satis est pulchra esse Poëmata ; dulcia sunto ( )2 . ◀Nivel 3
Metatextualidad► Voulez-vous voir, Monsieur, un nouveau morceau de Poésie dans le quel on ne trouve aucun des defauts dont je viens de vous parler ? Lisez, attentivement, & examinez un peu les grandes beautez de celui-ci, dont le modeste Auteur n’a pas jugé à propos de se faire connoitre. Il y a [21] long-tems qu’il ne m’est tombé entre les mains des Vers aussi beaux que ceux-là m’ont paru l’être. ◀Metatextualidad
Paraphrase
Du Pseaume De profundis, &c. ( )3
Nivel 3► Ecrasé sous le poids de mes infirmitez,
Trainant partout l’horreur de mes iniquitez <sic>,
J’ose encor jusqu’à toi pousser ma voix plaintive ;
Grand Dieu ! prête à mes cris une oreille attentive ;
Exauce ma priere, & donne moi la main :
Sans toi, sans ton secours, je combatrois envain.
Juge de mes forfaits, si d’un regard severe
Tu ne vois plus en moi qu’un objet de colere,
Victime dévouée à ton juste couroux,
Qui poura donc me mettre à l’abri de tes coups !
Mais, non, si ta justice aujourd’hui m’épouvante,
Ta bonté me rassure, & mon ame tremblante,
A l’aspect de son Juge espere encore en lui,
Et croit pouvoir toujours y trouver un apui.
Du matin jusqu’au soir, exaltant sa clemence,
Israël met en Dieu sa plus ferme esperance ;
Sur sa misericorde il compte chaque jour ;
S’il connoit sa justice, il connoit son amour ;
Et bientôt Israël, aux pieds d’un Dieu qui tonne,
Adore, en soupirant, un Pere qui pardonne. ◀Nivel 3
Metatextualidad► Voila, Monsieur, ce qu’on peut apeller du beau, du tendre, du pathétique, & même du majestueux. Voulez-vous du naturel, de l’enjoué, & du badin ? Lisez cette nouvelle Epitre Anacréontique de notre charmant Abbé de Bernis à qui il semble que nos Muses folâtres l’ayent elles mêmes dictée. ◀Metatextualidad
Epitre
Sur l’Hiver.
Nivel 3► De l’Urne Celeste
Le signe funeste
Domine sur nous ;
Et sous lui commence
[22] L’humide influence
De l’Ourse en couroux.
L’onde, suspendue
Sur les monts voisins,
Est dans nos bassins
Envain attendue.
Ces Bois, ces Ruisseaux
N’ont rien qui m’amuse.
La froide Arethuse
Fuit dans ces Roseaux.
C’est envain qu’Alphee
Méle avec ses eaux
Son onde échaufée.
Telle est des Saisons
La marche eternelle.
Des fleurs, des moissons,
Des fruits, des glaçons
Le Tribut fidellé,
Qui se renouvelle
Avec nos désirs,
En changeant nos plaines,
Fait tantôt nos peines,
Tantôt nos plaisirs.
Cédons nos Campagnes
Aux Tirans des Airs :
Flore & ses compagnes
Ont fuï les deserts.
Si quelqu’une y reste,
Son sein outragé
Gémit ombragé
D’un voile funeste ;
Et la Nimphe en pleurs
Doit être modeste
Jusqu’au tems des fleurs.
Quand d’un vol agile
L’Amour & les yeux
Passant dans la Ville,
J’y passe avec eux.
Sur sa double scene
Suivant Melpomene
Et ses jeux nouveaux,
[23] J’y vais voir la guerre
Des Auteurs rivaux
Qu’on juge au Parterre.
Là, sans affecter
Les dedains critiques,
Je laisse avorter
Les brigues publiques.
Du beau seul épris,
Envie ou mépris
Jamais ne m’enflame ;
J’aprouve, ou je blâme,
Je bâille, ou je ris.
Dans tes folles veilles
J’irai de mes airs
Frapper tes oreilles.
Après nos Concerts
L’yvresse au delire
Poura succeder ;
Sous un double empire
Je sçais accorder
Le Thirse & la Lyre.
Je crois voir Themire,
Le Verre à la main,
Chanter son refrain,
Folâtrer & rire.
Quel sort plus heureux !
Buveur, amoureux,
Sans soins, sans attente,
Je n’ai qu’à saisir
Un riant loisir.
Pour l’heure presente
Toujours un plaisir ;
Pour l’heure suivante
Toujours un desir.
Coulez mes journées,
Par un nœud si beau
Toujours enchainées,
Toujours couronnées
D’un plaisir nouveau !
Qu’à son gré la Parque
Hâte mes instants,
Les compte, & les marque
Aux Fastes du Tems ;
Je l’attends sans crainte.
Par sa rude atteinte
Je serai vaincu ;
Mais j’aurai vécu.
Sans datte, ni titre,
Dormant à demi,
Ici ton Ami
[24] Finit son Epitre.
En rimant pour toi
Ce dernier chapitre,
La table, où je boi
Me sert de pupitre.
De tes vins divers
Je serai l’Arbitre,
Sois-le de mes Vers.
Je te les adresse,
Quoique sans justesse,
Sans ordre, & sans choix.
En de folles rimes
On lit quelque fois
De sages Maximes. ◀Nivel 3
Metatextualidad► En voilà-t-il assez pour une fois ? Plaignez vous, après cela, Monsieur, que je ne vous rends pas un compte exact de ce qui paroit ici de nouveau, & de beau. Si j’y manque quelquefois, soyez persuadé que ce n’est que lorsqu’il ne vient point à ma connoissance, n’ayant rien plus à cœur, que de vous montrer par les effets l’affection sincere avec la quelle. ◀Metatextualidad
J’ai l’honneur d’être &c.
Paris ce 22 Mai 1751.
◀Carta/Carta al director ◀Nivel 2
Livres de Musique.
Qui se vendent à la Haye, chez Pierre Gosse Junior Libraire de S. A. R.
NOuveau Livre d’Airs donné au Public Mois par Mois sous le Titre des Mille & une Bagatelle, composé par Mr. Dupuits, 8. 27 parties, Paris.
Principes pour toucher de la Viole, avec six Sonnates pour cet Instrument, qui conviennent au Violon, Flutes, Clavecin &c. composés par B. Dupuits, fol. Paris.
Amusemens en Duo, pour les Violes, Musettes, Flutes, Haubois, Violons, par dessus de Viole, composés par le même, 4. 6 parties Paris.
Sonates pour un Clavecin, & une Viole, la quelle partie s’execute également sur les Musettes, Violons, Flutes, du même Autheur, fol. Paris.
Sonates ou Suite à deux Violes, par le méme.
Pieces de Caracteres pour la Viole, par le même, fol. Paris.
Menuets Nouveaux Italiens & François du même Autheur, fol. Paris.
- - - Nouveaux, Exécutés aux Comedies Françoise & Italienne par le même, fol. Paris.
Mercure Lirique, ou le Chansonnier Moderne pour ce Mois de Mai 1751.
Jeudi ce 27 Mai 1751.
◀Nivel 1