Sugestão de citação: Anonyme (Claude de Crébillon) (Ed.): "N°. 18.", em: La Bigarure, Vol.9\018 (1751), S. 137-144, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4979 [consultado em: ].
Nível 1►
N°. 18.
Nível 2► Carta/Carta ao editor► PEndant que les Prédicateurs, les Missionnaires, & autres gens de Dieu, nous annoncent ici de toutes parts, que nous ayons à nous convertir, & à profiter des graces, faveurs, & indulgences du Jubilé de l’Année Sainte, de son côté le Diable, qui redouble plus que jamais les efforts, dans ce saint tems, pour seduire le genre humain, employe les siens qui, pour l’ordinaire, réussissent beaucoup mieux que les autres dans l’objet qu’ils se proposent. Deux ou trois Avantures, arrivées ici depuis quinze jours, ou trois semaines, vont me servir, Monsieur, à vous prouver cette derniere verité.
Narração geral► La premiere est, celle d’un Limonadier, tenant ici Caffé dans la rue de Seine, fauxbourg S. Germain, dont la femme, assez jolie, avoit donné dans la vue d’un homme qui frequentoit sa maison. Cette femme, sans être absolument Coquette, en avoit assez les apparences, ce qui n’est pas rare chez nos Parisiennes, surtout dans le genre de Commerce que fait le mari de celle-ci. Ces apparences avoient enhardi cet homme à lui faire sa Cour. Il étoit assidu chez elle, lui rendoit des soins, avoit mille complaisances pour elle ; enfin il faisoit auprès d’elle le rôle de soupirant dans toutes les régles. Après avoir pendant quelque tems joué ce rôle, qui vraisem-[138]blablement ne déplaisoit pas à la Limonadiere, comme la suite le va faire voir ; après lui avoir mille & millefois conté son douloureux martire, il se hasarda de lui faire des propositions. Toute femme qui prête l’oreille aux cajoleries des hommes doit naturellement s’attendre que c’est le point où elles aboutiront. Il est à presumer que la Limonadiere le sçavoit bien aussi ; mais elle fit semblant de l’ignorer, & d’être fort surprise de la hardiesse du soupirant. Elle le gronda, le tança, le rebuta, & feignit d’être dans une très grande colere contre lui ; enfin elle joua au mieux le rôle de Virtuose. Ce manége ne fit qu’irriter encore davantage la passion du galant. A leur brouillerie succeda, à l’ordinaire, un racommodement que la femme fit beaucoup valoir, & au quel elle ne consentit qu’à condition qu’il seroit plus sage à l’avenir. Le galant le promit ; mais autre chose est de promettre, autre chose de tenir. Les visites devinrent plus fréquentes, les soins plus assidus, les complaisances encore plus marquées que par le passé ; mais comme toutes ces choses ne sont bonnes que pour un tems, & qu’il faut quelque chose de plus solide à l’Amour, le galant en revint enfin aux propositions.
Pour qu’elles ne fussent pas rejettées, comme elles l’avoient été la premiere fois, il eut recours à un expedient qui réussit presque toujours à ceux qui l’employent. Ce fut de dorer, comme l’on dit, la pillule, afin de la faire mieux avaler. L’usage du monde & la fréquentation de nos Coquettes lui avoient appris que
La clef du Coffre-fort & des cœurs est la même :
Que si ce n’est celle des cœurs,
C’est du-moins celle des faveurs ;
Qu’Amour doit à ce stratagême
La plus grand’ <sic> part de ses exploits ;
[139] Quand il a tous lancez les traits de son carquois,
Qu’il met tout son espoir en ce charme suprême.
Ce fut aussi dans ce charme que le galant mit toute son esperance. La conjoncture lui parut des plus favorables pour réussir dans son projet. Comme il étoit, soir & matin, dans la maison, il avoit remarqué (& même la Limonadiere lui en avoit fait connoitre quelque chose) que les affaires de son mari n’étoient pas en trop bon état. Il saisit cette occasion, offre sa bourse à sa chere Maitresse à qu’il promet cent Louis d’or si elle veut avoir pitié des tourments que l’amour qu’il ressent pour elle lui fait souffrir.
Belles, rebutez les galants,
Et plus encore leurs presents ;
L’invention en est damnable ;
Des Machines d’Amour c’est la plus redoutable.
De tout tems le monde a vu Don
Etre Pere de l’Abandon.
Metatextualidade► Quoique je ne croye pas, Monsieur, que notre prétendue Virtuose fût bien persuadée de ces veritez, elle agit néanmoins comme si elle l’eut été. ◀Metatextualidade Elle refusa dabord les offres du galant ; mais il revint tant de fois à la charge, qu’enfin sa prétendue Vertu commença à s’ebranler. La situation des affaires de son mari, & le desastre qui en arriveroit immanquablement, & qui retomberoit par contre-coup sur elle, lui parurent meriter quelque réflexion Elle en fit dont le resultat fut, qu’elle lui communiqua les offres qu’on lui faisoit, sans lui cacher les conditions qu’on exigeoit pour cela d’elle. Quand un homme voit qu’il va se noyer, il s’acroche ordinairement à tout ce qui peut lui tomber sous la main. Cent Louis d’or, pour un pauvre debiteur talonné, harcelé & persécuté par des Créanciers qui sont à la veil-[140]le de le loger entre quatre murailles, en sont pas à dedaigner. C’étoit pour celui-ci une ressource qui le mettoit au large. Et que devoit-il lui en couter ? . . Une Bagatelle, une Chimere, un mal en idée, dont les gens d’esprit ne font que rire, & dont il n’y a que les sots qui s’attristent ; une legere disgrace enfin qui arrive, presque tous les jours, aux plus honêtes gens qui même, bien souvent en payent les frais sans le sçavoir. Toutes ces choses, murement examinées, & pesées au poids de la Raison, du Bon-Sens, & surtout de la nécessité, la conclusion fut que sa femme devoit accepter l’offre, sans s’embarasser des conditions, dont il s’inquiétoit fort peu.
Outre les avantages qu’y voyoit le Limonadier, celle-ci y trouvoit encore le plaisir d’une nouvelle conquête, article qui flatte toujours la vanité des femmes. Toutefois, voulant donner à son Mari une grande idée de sa Vertu, elle lui refusa d’abord d’aquiescer à ce qu’on lui proposoit. Il fallut que celui-ci l’en priat, & même avec instances. O Sexe cauteleux & madré, que vous en sçavez long ; & que les hommes sont bien la dupe de vos grimaces ! Conclusion : La Limonaderie se fit, auprès de son Mari, un mérite de ce qu’elle desiroit, peut-être, avec encore plus d’ardeur, qu’il ne convoitoit les Louis d’or de son galant. Le rendez-vous fut donné, l’argent compté ; & les conditions du marché furent executées à la satisfaction de ceux qui l’avoient fait ; Mais leur joye n’a pas été de longue durée. En effet, par le denouement qu’a eu cette galante Avanture, il s’est trouvé que chacun d’eux en a été pour son compte ; la femme pour son honneur ; le mari pour le magnifique pannache que celle-ci lui a planté ; & le galant pour une retraite de quelques mois qu’il fait [141] actuellement à S. Lazare. Voici comme le tout a été découvert.
Le galant n’eut pas plus tôt compté à sa chere Maitresse les cent Louis qu’il lui avoit promis, qu’elle alla promtement les porter à son Mari qui, pour lui donner tout le tems d’en aquitter l’obligation, courut chez tous ses Créanciers, & leur paya, si non le tout, du-moins une bonne partie de ce qu’il leur devoit. Par ce moyen, il croyoit avoir racommodé ses affaires, & retabli son credit ; mais le pauvre C. . . étoit bien loin de son compte. En effet tous ses Créanciers, étant venus chez lui, deux jours après, lui raporterent ses Louis qui tous s’étoient trouvez faux. Cette catastrophe imprévue, l’ayant fait soupçonner d’être faux Monoyeur, il couroit risque d’être pendu, si, pour se tirer d’affaire, il n’eut déclaré celui qui les avoit donnez à sa femme. Celui-ci, ayant donc été arrêté, & interrogé en conséquence sur cet article, a raconté, tout au long, sa galante Avanture aux Juges qui en ont beaucoup ri. Toutefois, comme notre Magistrature, quoique fort galante, n’ose pas, surtout en ce saint temps de Jubilé, autoriser ces sortes de tours, qui sont bien dus à celles à qui on les joue. le <sic> galant a été condamné, comme je l’ai dit, à quelques mois de retraite dans la maison de S. Lazare où, selon la coutume de nos galants François, qui aimeroient mieux se pendre que de se taire sur leurs intrigues amoureuses, il raconte celle-ci à tous ceux qui la veulent entendre. ◀Narração geral
Metatextualidade► Voila, Monsieur, la premiere Avanture que je vous ai promise, & le profit que nous tirons ici du Jubilé, pour notre conversion & notre amendement : En voici une seconde, mais d’une espece différente, qui vous fera encore voir la même chose. ◀Metatextualidade
Narração geral► [142] Dans un Village, à trois lieues de cette Capitale, demeuroit un particulier assez riche, & qui menoit une vie assez aisée pour passer pour tel dans la Campagne. Cet homme avoit pour parents la meilleure partie des habitants de ce Village ; & dans cette nombreuse parenté il y en avoit (ce qui est assez ordinaire) quantité qui étoient assez pauvres. Il y a environ trois semaines que ces derniers s’assemblerent, un soir, au nombre d’environ une quinzaine, dans la maison d’une Veuve qui étoit voisine de leur riche parent. Là s’étant concertez ensemble, & ayant pris toutes leurs mesures pour voler le bon homme, ils grimperent, & entrerent chez lui, par des fenêtres qui donnoient sur la cour de la Veuve. A la tête de cette espece de Brigade de Voleurs étoit un grand drôle, ci-devant Gendarme, le quel avoit imaginé, & conduisoit tout ce projet. Quand ils se furent introduits dans la maison, le gaillard, comme le plus hardi, & le plus déterminé, eut la commission de garder le patron, & d’empêcher qu’il ne criat, & n’apellat à son secours pendant qu’on pilleroit la maison. Le Bon homme en effet, qui étoit couché, au premier bruit qu’il entendit dans sa maison, se reveilla & voulut se mettre à crier ; mais le Gendarme, le prenant aussitôt à la gorge, l’empêcha bien de se faire entendre. Son intention n’étoit, dit-on, que de l’empêcher de crier, & nullement de lui faire aucun mal ; Mais le Bon-homme, ayant redoublé ses efforts lorsqu’il vit que l’on pilloit sa maison, & surtout que l’on emportoit quelques sacs d’argent qui composoient son trésor, le Gendarme, ayant de même redoublé les siens pour étoufer sa voix, lui serra si fort la gorge, qu’il l’étrangla.
Cette expédition faite, on eut tout le tems & [143] tous les moyens d’achever le pillage sans craindre aucune interruption de la part du parent qui n’étoit plus en état de s’y opposer ; On partagea le butin & l’argent ; après quoi chacun se retira chez soi presque aussi tranquillement que s’il ne se fut rien passé.
Le lendemain, le Bon-homme n’ayant point paru de toute la journée, ce qui ne lui étoit pas ordinaire, on enfonça les portes de sa maison ; & sur ce qu’on le trouva mort de mort violente, on commença à faire les informations, pour tâcher de découvrir les Assassins. Ceux mêmes qui étoient coupables de ce crime, croyant apparemment se mieux cacher par ce moyen, eurent la hardiesse de prendre part aux recherches ; & comme on n’en avoit point de nouvelles, ils solliciterent, & obtinrent la publication d’un Monitoire, qui n’eut pas plus d’effet. On en auroit, selon toutes les apparences, ignoré toujours les auteurs, si la Vengeance Divine, qui ne perd jamais de vue les Criminels, ne fut venue, en quelque façon, au secours de la Justice humaine. Voici comme la chose est arrivée.
Le Gendarme, dont j’ai parlé ci-dessus, & qui étoit le principal auteur du projet & du crime, avoit une espece de Valet avec le quel il s’amusoit quelquefois à détrousser les passants sur le grand chemin, & qui partageoit avec lui les captures qu’ils faisoient ensemble : Or il arriva qu’ils eurent, à ce sujet, une dispute dans la quelle ce Valet laissa échaper quelques reproches concernant la mort & le pillage de la maison de son riche parent. Ces reproches, qui furent assez vifs, ayant été entendus de quelques Voisins, ceux-ci dénoncerent le Gendarme comme coupable lui même du crime dont il feignoit de rechercher les auteurs. Sur cette délation, la Maréchaussée [144] eut ordre de l’arrêter. Le Criminel, en ayant été averti, crut s’échaper, & prit effectivement la fuite. Mais ceux qui le poursuivoient l’ayant bientôt atteint, il vient d’être conduit, & enfermé dans nos prisons où l’on compte voir bientôt arriver aussi la plûpart de ses autres parents & complices qui, probablement, iront tous de compagnie finir leurs jours à la Greve. ◀Narração geral
Metatextualidade► Je vous ai marqué, Monsieur, dans une de mes précédentes Lettres, que la Verve de nos Poëtes sembloit être inepuisable sur le compte de notre feu Maréchal de Saxe. En voici la preuve. ◀Metatextualidade
sonnet
Pour servir d’Epitaphe au Maréchal Comte de Saxe.
Nível 3► Couronné’ de Lauriers & de tristes Cyprès,
Monument precieux, je renferme la cendre
D’un Turenne. . A ces mots, France, je crois t’entendre
Renouveller tes pleurs & tes tristes regrets.
Le Batave à son nom trembloit dans ses marais ;
Sous le joug de Louis il asservit la Flandre ;
Aussi grand, & toujours plus prudent qu’Alexandre,
Tu reconnois, passant, Maurice à tous ces traits.
France, qui l’eût pensé ! . . Mais, oui, ce Mars qui t’aime
Fut jaloux toutefois de sa valeur suprême ;
Lui qui donna Maurice a tes Lis pour support.
Il pressa Lachesis de terminer son sort,
Pour prouver qu’au Héros, qu’on prenoit pour lui même,
Il manquoit d’être exemt des rigueurs de la Mort. ◀Nível 3
Metatextualidade► J’ai encore une autre piéce de Vers sur le même sujet, que je comptois joindre à celle ci ; mais ma Lettre ne me laisse de place qu’autant qu’il m’en faut pour vous assurer que j’ai l’honneur d’être &c. ◀Metatextualidade
Paris ce 12 Mai 1751.
◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 2
Jeudi ce 20 Mai 1751.
◀Nível 1