La Spectatrice. Ouvrage traduit de l'anglois: Livre Vingt-Troisieme.
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Livello 1
Livre Vingt-Troisieme.
A la
Spectatrice.
A la Spectatrice.
Aux belles &
ingénieuses personnes qui se font imprimer sous le nom de Spectatrice.
C’est un grand malheur que de jeunes Demoiselles, qui ont à peine quitté la menans, croyent
déjà être des femmes, s’imaginent qu’elles peuvent se conduire à leur fantaisie,
choisissent la compagnie qui leur plaît & sont passionnées pour être dans quelque
sécret, tandis que réellement il ne peut rien y avoir de conforme à leur honneur ou à leurs
intérêts, qu’il ne convienne de communiquer à leur parens. Rien ne convient mieux, à mon
avis que cette modeste timidité qui naît avec notre sexe, & de laquelle l’exemple d’autres personnes plus expérimentées nous oblige à nous dépouiller ; une
jeune fille qui s’accoûtume de bonne heure à parler d’amour & d’amans, deviendra
aisément la proye du prémier qui l’attaquera. C’est pourquoi ceux qui ont le soin de leur
éducation, devroient tenir leur esprit employé à d’autres choses, & ne les laisser
jamais entendre des discours, ou lire des livres, qui puissent leur inspirer la vanité de
faire des conquêtes, dont nous ne sommes que trop susceptibles, quand nous sommes jeunes,
vanité qui nous reste quelque fois dans la vieillesse. Je crains que, comme Lavinie eut le
malheur de perdre sa mère étant encore jeune, lorsqu’elle étoit le favorite de son père, on
ne lui ait donné trop de liberté ; & quoique Sylvius ait eû le prémier la témérité de
lui déclarer sa passion, elle avoit sans doute entendu souvent les éloges de sa beauté.
Quoi de plus commun que de faire ce compliment à un pére & à une mère ! Mademoiselle
votre fille devient très-aimale, elle gâgnera sûrement tous les cœurs ; qu’elle a des beaux
yeux ! que sa taille est délicate ! & d’autres expressions semblables qui
empoisonnent l’esprit de la jeune fille, & lui front <sic> croire qu’elle n’a
point d’autre soin à prendre, qu’à embellir sa personne, en-sorte que la meilleure partie
d’elle-même est négligée, & que tous les préceptes déplaisent ensuite à ses oreilles
& ne font pas la moindre impression sur son cœur. Si au-contraire elle n’avoit entendu
que les éloges de ses progrès dans les qualités louables qu’on vouloit lui faire acquérir,
ses pensées se seroient entiérement tournées de ce côté. Elle auroit considéré ces
connoissances comme une chose aussi estimable dans une femme que dans un homme, & ne se
seroit point glorifiée de ces attraits, que la petite vérole ou un accès de maladie peuvent
détruire même dans la fleur de la jeunesse, & qui se faneront dans peu d’années. Ce
sont principalement ces éloges mal digérés, qui mettent tant de différence entre le
jugement des deux sexes ; & j’ôse dire, parce que j’en suis fort sûre, que si on
agissoit avec nous quand nous sommes filles, comme on agit avec les garçons,
nous serions beaucoup plus en égalité avec les hommes, quand nous sommes devenues femmes.
Nous ne devrions pas même les flatter qu’avec ménagement sur leur esprit ; car l’esprit,
sans un jugement proportionné qu’on ne peut pas attendre de la première jeunesse, dégénère
trop souvent en hardiesse & en un impertinent mépris de nos supérieurs, très dangéreux
pour nos manières & nos mœurs. Il y avoit peut-être un mélange de ce défaut dans le
caractère de Lavinie, sans quoi elle n’auroit pas ôsé encourager un amour clandestin, moins
encore, comme elle le reconnoît, se plaire à tromper son père ; elle devoit certainement
avoir renoncé à tout devoir & à toute affection filiale, quand elle se porta à disposer
d’elle-même, non seulement sans sa permission, mais en faveur d’une personne qu’il ne
pouvoit jamais approuver. On doit cependant la plaindre beaucoup, même pour se fautes,
puisqu’elles ont été indubitablement occasionnées par la négligence de ceux qui étoient
autour d’elle, & qui, en donnant un mauvais pli à son humeur, la rendirent incapable de juger pour elle-même. Heureuse si elle avoit vû Célandre, avant qu’elle
eût connu Sylvius, puisqu’il est clair qu’elle aime le prémier, & qu’elle s’imaginoit
seulement d’aimer le second ! Plusieurs jeunes dames se sont trompées comme elle ; il
convient à toutes de se tenir en garde contre ces trompeuses émotions de leur cœur,
qu’elles ne peuvent favoriser sans s’exposer à quelque fâcheuse conséquence. Cependant,
comme cette infortunée Dame se laissa entraîner par ces premières impressions à entrer dans
un engagement solemnel avec son prémier Amant, je ne sçais pas comment elle auroit pû, si
elle y avoit réfléchi, se justifier de l’avoir violé ; il est vrai qu’elle n’auroit jamais
pû le remplir, même durant la vie de son père, sans s’envelopper elle-même & Sylvius
dans toutes les misères de la pauvreté, & comme elle aima ensuite un autre homme, elle
se seroit rendue encore plus malheureuse en sacrifiant sa passion à sa promesse ; cependant
je suis toûjours surprise, qu’elle pût jouir d’un moment de bonheur, en
prodiguant à Célandre ces caresses, qui étoient le droit d’un autre. Mais ont <sic>
peut l’excuser à cause de son extrême jeunesse & des flatteries dont j’ai parlé, &
qui lui furent sans doute prodiguées ; & comme elle paroît à présent très sensible aux
fautes de sa conduite passée, nous serons moins sévères à son égard. Célandre devroit
aussi, à mon avis, n’être pas moins disposé à pardonner. La plus grande faute de Lavinie
vient d’inadvertence, & de ce qu’elle n’a pas dûement examiné son propre cœur ; &
il y en a bien peu qui en soyent capables à son âge. S’il a jamais eû le moindre soupçon
que son inclination s’accordoit avec ses prémiers vœux, qu’elle l’a épousé uniquement par
amour pour la grandeur, & que Sylvius auroit été l’heureux mortel, si son bien avoit
été aussi considérable, ce soupçon auroit dû s’évanouir, après les preuves qu’elle lui a
données d’une affection sincère. L’affliction & la détresse de Lavinie à la vûe de son
procédé extraordinaire, devroient le convaincre que c’étoit sa personne & non sa
fortune, qui l’avoit engagée à rompre son engagement & à désespérer son
rival. De plus il devroit considérer que, si elle étoit véritablement son Epouse, dans le
tems de leur mariage, quoiqu’un autre eût reçû sa foi, ce que je ne suis pas assez casuiste
pour déterminer, elle l’est maintenant sans aucun doute, depuis que la mort de Sylvius l’a
libérée de l’obliagtion qu’elle s’étoit imposée imprudement à son égard, ainsi je ne sçais
pas s’il n’est point autant blâmable que Lavinie, en vivant comme il fait actuellement.
Elle paroît croire qu’il l’aime encore ; & si cela est vrai, comme elle peut s’en
apperçevoir aisément, sa conduite ne vient que d’une excessive délicatesse, qu’on peut
nommer une vertu dans son extrême, ou un point d’honneur porté trop loin, & qui le fait
peut-être plus souffrir que celle qui en est l’objet. C’est, comme dit l’un de nos Poëtes,
un accès de vertu dans l’âme, l’origine de l’Orgueil, & le tombeau de la Nature. Et
notre inimitable Cowley s’en plaint de cette manière. Je pense, sur le tout, qu’il doit recevoir entre ses bras la désolée
pénitente, pardonner & tâcher d’oublier ce qui s’est passé ; elle a fait, avant qu’elle
l’eût jamais vû, la terrible méprise pour laquelle elle souffre tant aujourd’hui. Pour lui
elle ne lui a jamais fait d’injustice ; Sylvius seul a raison de se plaindre, & le Ciel
de réssentir la violation de ses vœux. Célandre n’a point de sujet de l’accuser, ni de
prétexte pour se vanger d’un crime, qu’elle n’a pas commis contre lui. Qu’il cesse donc de
se tourmenter lui-même & une personne qui lui est si chère. Il a déjà assez sacrifié à
sa délicatesse, qui est à la vérité une marque d’un esprit riche en vertus, mais qui
peut-être cependant regardée comme une mauvaise plante, qui pousse dans un terroir trop
abondant, & qui doit-être arrachée, de peur qu’elle n’étouffe de meilleures plantes.
Mais si les avis de la Spectatrice n’ont pas la force de chasser les nuages
de son imagination, qu’il écoute ce que dit Mr. Dryden. A l’égard de
Sylvius la mort l’a mis à l’abri de la juste censure que nous aurions prononcée sur sa
conduite ; mais quoique le sépulchre soit sacré & fermé à tous nos reproches, ceux qui
vivent, & se conduisent comme il a fait, ne doivent pas échapper aux répréhensions de
leur faute. Quand un jeune homme voit une Dame, qu’il penche à aimer, il devroit
certainement, avant que de se livrer à sa passion, réfléchir à toutes les circonstances
dans lesquelles il se trouve, afin de pouvoir se dire à soi-même, que le succès de ses
désirs n’est point une chose impratiquable, ou n’aura pas de conséquences plus fâcheuses
que s’il y renonçoit. Je pense que tout homme qui encourage une inclination, où il n’a point d’espérance
de réüssir, est aussi peu dans son bon sens que ce pauvre garçon ; ou s’il a quelques
espérance <sic> de satisfaire sa passion, le résultat en doit être la ruine
immanquable de la fortune de l’objet aimé. C’étoit évidemment le cas de Sylvius & de
plusieurs autres inconsidérés comme lui ; mais je sçais ce qu’ils allèguent pour leur
excuse ; ils vous disent que l’amour est une passion, que toute la raison humaine ne peut
pas controller ; qu’ils y sont entraînés irrésistiblement par les charmes de l’objet aimé ;
& que, quelqu’inégalité qu’il puisse y avoir entr’eux & la personne qu’ils aiment,
ils ne peuvent s’empêcher d’aimer ce qui est aimable. Ces amoureux ont toûjours à la bouche
quelque morceau de Poësie, qui leur paroît favoriser leur enthousiasme, & ils se font
une telle idole de leur passion qu’ils la mettent au-dessus de toutes les loix divines
& humaines. Ils aiment sur-tout les lignes suivantes & ne manquent
pas de les citer, quand on leur fait quelque remontrance. On peut bien l’appeler,
après un fameux Auteur, la frénésie de l’Esprit. Cependant je prétends soûtenir qu’une
personne sage & prudente peut aisément le subjuguer dans son origine, mais les jeunes
gens sont malheureusement assez infatués pour s’imaginer que c’est une fort jolie chose
d’être amoureux ; que cela leur donne de la réputation & leur fournit
occasion de dire & d’entendre de fort jolies choses. Combien ai-je vû de personnes, des
deux sèxes, qui sans sentir cette passion, ont donné à leurs yeux un air languissant, ont
soupiré par intervalles, & affecté tous les Symptomes de l’amour le plus violent ;
& dont quelques-unes, après une longue dissimulation, ont enfin attrappé la réalité !
comme Cowley le décrit admirablement bien. Mais à l’égard de
ceux dont le cœur est insensiblement attiré par les charmes d’une personne qu’il leur
arrive de voir, & qui sentent en eux-mêmes les indices d’une passion qui croît, même
ceux-là, dis-je, s’il se rencontre quelque obstacle dans la réüssite de leurs désirs,
peuvent surmonter ces premières impressions. Qu’ils renoncent à toute entrevûe avec le
dangereux objet. Qu’ils évitent la conversation de tous ceux qui attirent, ou prétendent
aimer, & tâchent d’occuper leur esprit à l’étude de quelque science, ou d’un art.
L’absence, le tems & l’occupation, les gueriroit infailliblement, quoiqu’ils souffrent
d’abord quelque peine.
Tandis que la passion dure, elle donne sans doute des charmes où il n’y en a point,
& exagère hautement ceux qu’elle trouve ; mais quand elle cesse, nous voyons sans le
brouillard devant nos yeux, & nous nous étonnons très souvent de nous être si fort
trompés. Mais en supposant que l’objet de notre affection possède réellement les plus
grandes perfections, si nous ne pouvons jouïr de ces charmes, sans nuire ou à nous-mêmes,
ou à la personne que nous aimons, n’est-ce pas la plus gande <sic> folie de
poursuivre nos desseins ? Quelle idée Sylvius qui aimoit réellement, ou Lavinie qui
s’imaginoit aimer, pouvoient-ils se former de leur félicité dans cette vie, en encourageant
mutuellement leur inclination ? Qu’elle apparence d’exécuter l’union qu’ils avoient vouée !
Ou s’ils avoient eû l’extravagance de la former, quelles misères devoient en être les
suites ? L’Epoux incapable d’en entretenir son Epouse comme elle avoit été
élevée, auroit été doublement malheureux, en voyant l’idole de ses affections languir sous
des besoins qu’il ne pouvoit pas écarter, & auxquels il l’auroit exposée, &
l’Epouse devenue plus avisée par l’infortune, se seroit certainement répentie de son choix,
& auroit haï l’Auteur de cette altération dans son état. Le mécontentement, le chagrin,
les réproches auroient bientôt pris la place des tendres caresses, & celui qui aimoit
comme celle qui n’aimoit pas, se seroient vûs également malheureux. Je crois que, si nous
régardons ce qui se passe dans le monde, nous ne trouverons pas de plus grands maux dans la
vie privée, que ceux qui viennent de mariages clandestins, ou solemnisés ouvertement,
contre la volonté de ceux qui peuvent disposer de nos personnes. L’Obéïssance à ses parens
est un devoir indispensable : Quelqu’élevé qu’on soit, on ne doit point s’en exempter. La
décence & les bonnes manières l’exigent. L’affection naturelle y oblige. Les loix
humaines l’ordonnent & celles de Dieu, non seulement le commandent, mais
encore lui joignent la promesse d’une longue vie dans la terre, qu’il lui plaira de nous
donner. Cependant lorsqu’un père par avarice, caprice ou partialité, veut forcer son enfant
à se marier contre son inclination, je ne regarde point comme un crime la désobéissance
dans ce cas, parce que nous ne sommes point obligés d’obéïr à nos parens dans des choses
illégitimes, & il n’y a certainement rien de plus opposé aux lois de Dieu, de plus
contraire à l’institution & même aux paroles du mariage, que de vouër un amour éternel
à une personne pour qui on a une aversion fixe. Mais quoique nous ne soyons pas toûjours
obligés de nous marier suivant la volonté de nos parens, nous ne devons pas nous croire en
liberté de choisir pour nous-mêmes. Si nous ne pouvons résoudre notre cœur à répondre à
leurs désirs, nous ne devons pas nous laisser guider entiérement pas <sic> les
nôtres, au point d’introduire dans leur famille une personne qu’ils n’approuvent pas. En un
mot, c’est l’opinion de la Spectatrice que ceux ou celles, qui ne peuvent pas se marier
suivant le goût de leurs parens, ne doivent point se marier du tout, du moins
jusques à ce que le décès de ces parens les laisse en liberté de disposer d’eux-mêmes.
C’est un grand malheur que tant d’endroits, où les jeunes gens peuvent se rencontrer &
se perdre pour toûjours, soient tolérées. La coûtume de publier les bancs dans l’Eglise
paroissiale, quoiqu’elle paroisse à présent hors de mode & vulgaire, à préservé
plusieurs dignes familles de l’affliction, que leur auroit causée la moins considérable
branche. Même des mariages en chambre privée, quoiqu’avec le consentement des parens &
en présence de plusieurs personnes, me paroissent perdre beaucoup de leur solemnité. Si
cette cérémonie est d’une institution divine, & que l’union des mains & du cœur
soit un type de l’union mystique de Christ & de son Eglise, certainement il n’y a point
d’endroit plus convenable pour la célébrer, que celui qui est consacré & mis à part
pour les cérémonies religieuses. J’ai l’honneur de penser entiérement comme un illustre
seigneurs <sic>, qui disoit, qu’il ne pouvoit pas regarder un mariage
comme parfait, à moins qu’il ne fût célébré en face de l’Autel, & qui obligea sa Fille
& l’Epoux dont il fit choix pour elle, à se marier dans l’Eglise de leur paroisse,
quoique l’un & l’autre eussent de la répugnance contre cette démarche, comme étant hors
de mode. La principale raison qu’on allègue, c’est que rien en choque plus la modestie
d’une jeune personne, que de se livrer à un homme, en présence de tant de personnes qui se
rendent à l’Eglise dans ces occasions ; mais je voudrois qu’il y eût plus de sincérité
& moins de Sophisme dans cet argument, & que les Epouses de ce siécle eussent à
d’autres égards autant de timidité que leurs grands-mères, qui n’avoient point honte
d’aller à l’Eglise avec l’homme qu’elles aimoient, & qui étoit authorise par leurs
parens, ou par ceux de qui elles dépendoient. D’autres encore, pour montrer qu’ils sont bon
protestants, diront, qu’un mariage devant l’autel ressemble trop à un sacrement & à ce
qui se pratique dans l’Eglise de Rome ; mais je crains que tous ceux qui parlent de cette
manière, ne soient de ceux qui pour s’éloigner du Papisme, se jettent dans la
Profanation, & plûtôt que d’avoir trop d’attachement pour les ordonnances de l’Eglise,
méprisent & tournent en ridicule tout ce qu’elle ordonne. Je suis fâchée de dire qu’il
y en a beaucoup de ceux-ci, mais comme c’est un sujet entiérement étranger à mon dessein
présent, & que j’avoue qu’il n’est point dans le département, d’une Spectatrice, je ne
m’étendrai pas davantage à cet égard. Tout ce que je me propose dans ces rémarques sur la
lettre de Lavinie, c’est de persuader, les jeunes personnes de mon sexe, qu’il ne leur
convient nullement d’entretenir aucune pensée d’amour & de mariage, jusques à ce que la
première ouverture leur en vienne de ceux qui ont le droit de les gouverner ; & à
l’égard de celles qui sont plus âgées, de s’abstenir de tout compliment, & de tout
discours frivole, qui pourroit mettre dans l’esprit de celles qui sont sous leurs soins,
des idées auxquelles elles n’auroient jamais pensé. La petite vérole n’est pas la moitié
autant ennemie du visage, que la flatterie l’est de l’esprit d’une jeune
personne. Elle emprisonne ses plus nobles penchans, change tout en vanité & au-lieu de
plaire aux autres, fait qu’elle ne trouve qu’elle-même qui mérite de l’attachement. Elle
fuit la conversation de tous ceux qui agissent sincérement avec elle, & se sent ravie
d’aise avec ceux qui louent sa beauté. Elle gobe avec avidité les éloges les plus grossiers
& les plus absurdes, les croit fermément & est persuadée, qu’elle en mérite plus
qu’on n’en peut dire. Dans cette imagination enflée d’une haute opinion d’elle-même, elle
se met au dessus de toute contradiction. Ses discours & ses actions ne sont dirigés que
par sa volonté, qui la porte uniquement à satisfaire ses passions & ses fantaisies,
quelques en puissent être les suites. De toutes les vertus il n’y en a point qu’on doive
plûtôt inculquer, dans l’esprit d’une jeune fille que la modestie, & la douceur. La
vanité & l’orgueil tâchent perpétuellement de se faire jour dans le cœur, & on ne
peut pas prendre trop de soin de répousser leurs efforts. Plus elle a de beauté, moins on doit lui en parler, & plus il faut prendre de peine, pour la convaincre
du peu de cas qu’elle doit en faire. Rien ne me fait plus de peine que de voir une mère
encourager dans ses enfans de qu’elle nomme vivacité, & se divertir plûtôt que
s’offenser de leur hardiesse, tandis qu’ils sont fort jeunes. La pauvre femme ! elle ne
considère pas combien cette disposition croîtra avec l’âge, & à quel excès elle peut
être portée ? Ce feu une fois allumé ne s’éteint pas aisément, les parens ne doivent pas se
flatter d’en venir à bout ; car lorsqu’on passe d’une trop grande douceur à la sévérité, la
personne sur qui on l’exerce, au-lieu d’être humiliée par ce changement, devient plus
opiniâtre, & en vient même souvent à une rébellion ouverte. C’est pourquoi on devroit
nous donner des leçons de vertu dans les premières années de notre vie, si l’on veut que
nous les pratiquions quand nous sommes arrivés à un âge mûr. Mais je prévois que ces
avertissemens ne seront point goûtés de plusieurs de mes lecteurs, non seulement des plus
jeunes, mais encore de ces parens, qui se laissent conduire par une fausse
tendresse ; cependant la persuasion d’avoir rempli le devoir de tout écrivain public, me
consolera de ce qu’on pourroit dire contre moi.
Fin de la vingt-troisiéme Partie.
Livello 2
Metatestualità
Comme ces essais tendent à leur fin & que je voudrois
obliger tous mes correspondans qui ont quelque prétention aux suffrages du public, soit à
cause de leur esprit & de leur sagacité, soit à cause de l’utilité de leurs
méditations, j’entretiendrai principalement mes lecteurs, dans le cours de
ce mois, des ouvrages d’autrui, dans le même ordre qu’ils me sont parvenus.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Madame, « J’ai souscrit, un des prémiers, à votre
entreprise, & je n’ai jamais discontinué ; ce qui suffit pour vous convaincre combien
j’ai goûté votre ouvrage. Permettez-moi cependant de vous dire, que je ne conviens point
avec vous d’une position que vous avez avancée, j’espére que vous me pardonnerez cette
liberté, puisqu’elle ne renferme rien dont vous deviez rougir, & que c’est la
sincérité & la franchise de votre cœur, qui vous ont entraînée dans cet excès, si je
puis l’appeler ainsi. Dans la dernière partie de votre troisiéme volume, vous nous
donnâtes une dissertation sur le mensonge ; je crois qu’elle charma tous vos lecteurs, du
moins j’en ouis faire les éloges à tous ceux qui en parloient & qui
n’étoient pas des gens du commun ; effectivement vous avez si bien peint ce que ce vice à
de fou & de malhonnête, en nous mettant devant les yeux différens exemples de
mensonges destinés à se vanter, à éblouir, à tromper & à séduire, que tous ceux qui
en sont coupables doivent y penser avec détestation. Je ne doute pas que cette
dissertation n’ait eû les bons effets que vous désiriez ;
Pour revenir donc à mon sujet, je pense que votre
amour pour la vérité vous rend trop sévère, quand vous condamnez comme manifestement
criminelles des choses que tous les gens de bon sens regardent comme un simple
amusement ; je veux dire ces petites fictions qui abondent dans nos papiers de nouvelles,
& divertissent extrêmement le lecteur par leurs contradictions & leurs
absurdités. Je ne puis convenir avec vous, que, quand les affaires de politique sont de
telle nature qu’il ne convient pas de les communiquer au public, tous nos oracles doivent
cesser, plûtôt que de nous en imposer, comme vous dites, par des nouvelles fabuleuses ;
& voici les raisons pourquoi je ne puis avoir l’honneur de penser comme vous. En
prémier lieu, parce que je suppose, comme on doit en convenir, qu’aucun homme de bon sens
ne se laissera duper par ce qu’on lui communique de cette manière. Et en
second lieu parce que dans les tems de calamité, on ne doit point rejetter tout ce qui
contribue dans le plus petit dégré à égayer l’esprit, & à exercer la faculté visible.
Que tous ces misérables papiers, qui ont fait jemir <sic> si long-tems la presse,
ne produisent cet effet, c’est ce que personne ne niera. J’en appelle même à la
Spectatrice, toute sévère qu’elle est, si elle ne s’est pas vûe souvent obligée de
sourire à la lecture des graves absurdités dont ils sont remplis. Ceux qui ont le moindre
penchant pour les Pantomines, ne peuvent s’empêcher de rire à la vûe des petits tours
& du jeu d’Harlequin, mais ils ne sont point en eux-mêmes plus visibles que ces
nouvelles dont je parle, & que je défens pour cette même raison. Par exemple le
fameux Mr. Lun a-t-ail jamais sauté avec tant d’agilité à travers un tiroir, un miroir,
ou un buffet de service ; que ces compilateurs de nouvelles font passer de
la mort à la vie, ou de la captivité au triomphe, ceux qu’ils ont intention de tuer, ou
de sauver ? Ne nous a-t-on pas dit un jour, qu’un Officier Général, après avoir eû la
gorge présque coupée d’une oreille à l’autre, avoit été fait prisonnier, & qu’on
avoit mis l’appareil sur ses blessures, mais sans espérance de guérison ; ensuite le jour
suivant le même papier ne nous a-t-il pas informés qu’il étoit à la tête de son Régiment,
occupé à faire le dégat à la distance de plus de cent lieues de l’endroit, où il devroit
avoir été blessé, avec plusieurs autres contradictions de la même nature, dans l’espace
de vingt quatre heures, sans la moindre Apologie pour les méprise précédentes ? Ce qui
montre que les Auteurs de ces papiers n’ont pas même la modestie de vouloir passer pour
sincéres. Ne nous représente-t-on pas les plus grand Princes du monde sous des caractéres
si differens, que celui qui passer aujourd’hui pour un Prince foible & capricieux,
sera exalté demain comme le Salomon de son siécle. A l’égard des flottes,
des embarquemens, des armées & des batailles, on en fait un si plaisant mêlange,
& on attribue alternativement la victoire à chaque parti, ensorte que ni l’un ni
l’autre n’a sujet de s’offencer, & que, si le lecteur se divertit, ou du moins
s’amuse chez lui, ce n’est aux depens de personne. Sur ma parole, Madame, nous passerions
fort tristement notre tems dans les caffés, sans ces fictions, qui plus elles sont
énormes & extravagantes, mieux elles repondent au dessein que nous avons en les
lisant. C’est pourquoi comme elles n’en imposent point à notre jugement, & qu’elles
ne sont dangereuses à aucun égard, mais qu’au-contraire elles remplissent dans notre
esprit un vuide qui pourroit être plus mal occupé, j’ôse dire que ces mensonges portent
avec eux leur excuse. Mais il y a encore une <sic> autre motif qui devroit engager
la Spectatrice à rabbatre de sa sévérité, c’est que ces inventions donnent
du pain à des personnes qui en manqueroient. Plusieurs miserables Auteurs périroient de
faim dans leurs greniers, si des extraits de pré endues <sic> lettres du déhors ne
les faisoient pas vivre ; c’est un demi Ecu bientôt gâgné, & payé promtement par
l’éditeur, qui trouve ensuite son compte dans la vérité de son papier. Il y a aussi
quantité de pauvres gens, qui gâgnent passablement leur vie en détaillant, ou en prêtant
au déhors ces romans de chaque jour, qui amusent également la Campagne & la Ville.
Pour l’amour du Ciel, Madame, cessez de condamner ce qui est si avantageux pour cette
partie du genre humain qui est dans la nécessité, & si amusant pour leur supérieurs.
Nous devrions à mon avis les regarder sur le même pied que ces contes de Géans & de
Fées, que les nourrices font aux petits enfans pour les amuser & les endormir. Je me
flatte que ce que j’ai dit à ce sujet, sera convainquant non seulement pour vous, mais
pour tous ceux qui le liront, que les détails qu’on nous donne dans les
papiers de nouvelles, ne méritent pas d’être confondus avec ces autres mensonges, qui
font tant de mal dans le monde ; mais quelques différens que puissent être nos sentimens
à cet égard, je ne laisse pas d’être avec la plus grande admiration pour vos écrits en
général. » Madame, Votre très-humble & très
obéïssant Serviteur. L. D.Little-Britain
« P.S. Je serai charmé d’apprendre
vos sentimens à ce sujet, & de savoir si vous pardonnez la liberté que j’ai prise. »
Eteroritratto
je puis vous féliciter sur la conversion d’un de mes amis particuliers, qui venoit
rarement en compagnie, sans avoir quelque merveille à débiter ; & qui est dévenu si
ménager de ses hyperboles, après la lecture de votre livre, qu’il donne à peine aux
matières de fait les épithétes qu’elles méritent : tant nous sommes sujets à courir
d’une extrémité à l’autre.
Metatestualità
Maintenant, Madame, puisque je vous ai dit sincérement mon
opinion sur la plus grande partie de votre ouvrage, permettez-moi de prendre la même
liberté à l’égard de ce qui me plaît moins, vous promettant d’avance que
je n’avancerai rien avec partialité, ou que je ne me servirai d’aucun argument qui ne me
paroisse très-raisonnable.
obéïssant Serviteur. L. D.
Little-Britain
ce 30. Dec. 1745.
« P.S. Je serai charmé d’apprendre
vos sentimens à ce sujet, & de savoir si vous pardonnez la liberté que j’ai prise. »
Metatestualità
A l’égard de la dernière partie de cette lettre, notre
correspondant peut s’assûrer que nous ferons ce qu’il nous demande, non seulement en
insérant ce qu’il nous écrit ici, mais encore en déclarant, comme nous
l’avons fait plusieurs fois, que chacun pouvoit dire librement son opinion ; mais nous le
prions de nous excuser, si nous ne faisons aucune réflexion sur sa lettre. Nos lecteurs
les feront sans doute pour nous ; & il jugera mieux de ce que le public en pense, que
si la Spectatrice avoit fait quelque tentative, pour déterminer en sa faveur, ou contre
lui, les suffrages du public.
Metatestualità
La lettre suivantes qui est devant nos yeux sur notre table,
roule sur un sujet qu’on ne peut repéter trop souvent, quoique nous l’ayons touché plus
d’une fois dans le cours de ces spéculations, & qui ne doit point ennuyer tout lecteur
accoûtumé à réfléchir.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Madame, « On s’apperçoit aisément par les écrits dont vous
avez enrichi le public, que vous êtes bien éloignée de penser comme ceux qui croyent la
doctrine de la non existence après la mort, ainsi je ne vous ferai point
d’apologie de ce que je vous envoye quelques pensées détachées, qui me sont venues dans
l’esprit en lisant quelques passages de Lucrece. C’est un malheur commun à ce grand
adversaire d’un état avenir & à tous ceux qui l’ont copié, de tomber dans des
contradictions frappantes pour tous ceux qui les considerent, & que tout leur savoir
comme toute leur philosophie ne pourroient pas concilier. Mais il ne seroit pas honnête
d’avancer une accusation de cette nature sans en produire les preuves. Je citerai donc
deux ou trois passages entre plusieurs, qu’on pourroit extraire de cet ouvrage, qui est
si justement admiré pour son élégance & la pureté du stile, & je suis fâché de le
dire, qui n’a fait que trop de proselites. Pour faire plaisir à ceux qui n’entendent pas
l’original. Je les donnerai suivant l’excellente traduction de Mr. Dryden. Voulant, comme
je le suppose, garantir ses lecteurs contre la crainte de la mort, il dit.
Je ne puis m’empêcher de
l’interrompre ici, en lui demandant, quelque conséquence il en tire ? Supposant, comme il
le dit, que nous soyons seulement nous, tandis que l’âme reste dans le corps ; si elle
est transportée dans une autre, suivant le systême de Pithagore, c’est, à mon avis, une
bien pauvre consolation, que le futur nous doive souffrir sous une autre forme pour les
crimes que le présent nous à commis. Oh ! dit il, nous n’en saurons rien, car il continue
encore avec plus d’audace. Il ajoûte encore quelques lignes plus bas pour confirmer ce qu’il
avoit avancé. Vous voyez, Madame, qu’il
reconnoît constamment une âme ; & alors, je vous prie, que deviendront
la pensée, la mémoire & la réflexion, qui sont incontenstablement des facultés de
l’âme, après cette cessation de la vie, comme il s’exprime ? Les transactions passés ne
se présenteroient-elles pas à l’esprit toûjours, par tout où il habiteroit ? Comment donc
le nouvel être pourroit-il ne pas connoître, & n’avoir aucun sentiment de qui s’est
passé dans une première vie. Pour s’accorder avec lui, il faut absolument supposer, ou
que la matière est capable de penser, on <sic> que l’Esprit peut devenir
insensible, deux suppositions contraires à la Philosophie, ou à la droite raison. Chacun
sçait qu’il pense, qu’il se souvient, qu’il compare, qu’il réfléchit, & qu’il juge ;
& nous sçavons tous très bien que, quand l’âme est partie, cette masse d’argille
qu’elle a laissée, ne peut faire aucune de ces opérations. Ce sont donc manifestement des
propriétés de l’âme ; ce qui suffit pour la première partie de l’argument.
Et à l’égard de l’insensibilité de l’âme, ou de l’esprit, comme vous voudrez l’appeler ;
il n’est pas en notre pouvoir d’oublier ce que nous voudrions, ni d’éviter des pensées,
que nous tâchons d’ensevelir dans l’oubli. L’âme en dépit de tous nos efforts agira
toûjours, & nous présentera même dans le sommeil les idées qui lui plairont ; cette
immortelle étincelle brillera à travers les plus épais brouillards de l’ignorance ;
l’homme le plus grossier & le plus sauvage trouvera toûjours dans lui-même quelque
chose, qu’il n’aura pas le pouvoir de supprimer. Comme donc la matière ne peut en rien
aider à l’esprit, qu’elle lui est au-contraire un obstacle, certainement quand il sera
délivré de cette grossiére compagnie, il agira avec plus de force, ou de liberté ; &
de quelque enveloppe qu’elle soit revêtue ensuite, elle ne peut pas être privée de cette
sensibilité qui est de son essence. Il auroit usé sans doute de plus d’addresse, s’il
avoit omis cette malheureuse supposition que l’âme peut sentir séparée
d’avec le corps, que de prétendre prouver qu’elle sera insensible à ce qui lui arrivera,
soit qu’elle soit transportée dans une nouvelle masse de matière, ou qu’elle soit réunie
à la précédente. Enfin la persuasion d’un état de peines & de recompenses après la
mort, est simple, aisée, conforme à la nature & à la raison ; imprimée dans l’une
& confirmée par l’autre ; pendant que toutes les tentatives pour la renverser sont
confuses, obscures, abstruses, & ne servent, quand on les examine sérieusement, qu’à
montrer la vanité & la folie de ceux qui les font, & ne peuvent produire aucun
effet que sur des esprit foibles & irrésolues. Soit que vous lisiez les œuvres de ces
Anti-Eterniteriens, ou que vous les entendiez raisonner sur ce sujet, vous les trouverez
toûjours plein de contradictions ; même leurs meilleurs raisonnemens & les plus
plausibles ne sont fondés que sur des suppositions, & soûtenus d’une fausse logique.
C’est cependant un grand malheur pour le public, qu’on les souffre, je
crains même qu’on ne les encourage à repandre avec autant de hardiesse leurs pernicieux
ouvrages. Nous avons vû derniérement des Auteurs s’enfler de la réputation & du
succès de quelques livres, ou de brochures qui, de mémoire d’homme, auroient été brûlez
par la main de l’exécuteur, & les écrivains, les imprimeurs, comme ceux qui les
publient, recompensés suivant leur mérite. Rien n’étonne d’avantage les étrangers que de
voir une nation, qui a payé si cher pour sa religion, regarder tranquillement & d’un
œil calme cette même religion avilie, tournée en ridicule, & traitée d’une maniére
qui choqueroit même les plus grands ennemis du Christianisme. Puisque nous nous vantons
d’être l’Eglise la plus pure qu’il y ait au monde, & que nous la sommes réellement,
nous devrions, à mon avis, rougir de honte d’être infiniment moins zêlés pour la défense
de nos principes, que ceux qui sont infatués de mille erreurs, & dont la foi n’est
présque que superstition. Mais pour écarter hors de la question toutes les
différentes manières de servir Dieu, car ce que j’ai dit à ce sujet est une digression de
mon principal dessein ; ce que nous appellons Religion naturelle, & que réellement ne
peut être effacé du cœur qu’avec beaucoup de peine, ce principe inné, qui sans l’aide des
livres ou des préceptes, nous informe qu’il y a un Dieu, nous apprend aussi que nous
avons au-dedans de nous une étincelle de son essence immortelle qui ne peut jamais
mourir, mais qui doit exister éternellement dans un état ou un autre. Les plus barbares
habitans de l’Afrique & de l’Amérique vous diront qu’ils iront après leur mort dans
un autre monde au-delà du soleil ; & qu’ils regardent plûtôt comme leur véritable
séjour que celui qu’ils habitent maintenant. On ne peut attribuer les notions de ces
pauvres créatures à la ruse des Prêtres, ainsi que nos incredules modernes appellent tout
ce qui ne quadre pas avec leur propre opinion ; non, c’est le Créateur lui-même qui leur
inspire cette connoissance en commun avec le reste de l’espéce humaine ;
quoique nous-mêmes, hélas ! trop enflés de notre vain savoir, nous fassions nos efforts
pour obscurcir cette lumière naturelle, & que nous bâtissions de nouveaux systêmes,
afin de nous embarrasser nous-mêmes & tous ceux qui voudront nous prêter l’oreille.
Mais je deviens trop long, & peut-être trop grave, pour un ouvrage dans lequel
j’espére que vous me ferez l’honneur d’insérer cette lettre. Je vais donc finir, en vous
souhaitant & à vos belles associées tout le succès que vous méritez & que vous
désirez. J’ai l’honneur d’être » Madame, Votre très-humble & très
obéïssant Serviteur. Extratellus.Bedford-Row, ce
Livello 4
Qu’à donc la mort, cet épouventail, de quoi effrayer les
hommes, si l’âme peut mourir aussi bien que le corps ? Car comme nous n’avons point
senti de douleur avant que d’être, ainsi quand ce quoi doit mourir sera dessous, nous
serons une masse sans vie & inanimée, délivrée de tout sentiment de peine & de
chagrin ; nous ne sentirons plus, parce que nous ne serons plus. Et en supposant même
qu’après notre mort, l’âme séparée du corps dût sentir ; que nous importe ? Nous sommes
seulement nous, un composé d’âme & de corps.
Livello 4
Même quoique nos atomes, en
continuant leurs révolutions, viennent à former un nouvel homme, à quoi
aboutira tout cet éclat ? Ce nouvel homme sera une autre chose, & après que
l’interruption sera faite dans notre existence, que notre individu sera détruit, nous,
qui serons morts & partis, n’aurons point de part aux plaisirs & aux peines
d’autres mortels, formés peut-être de la même substance qui avoit composé nos corps. Car
quiconque vivra dans l’infortune, devra etre quand l’infortune arrivera ; & puisque
celui qui n’est pas, ne sent point de malheur (car la mort le met à couvert des coups
qui ne frappent que nous autres vivans) que nous reste-t-il à craindre au sujet de la
mort ? Quand une fois nous avons cessé d’exister, c’est justement comme si nous n’avions
jamais véçû.
Livello 4
Même dans le sommeil, le corps enveloppé à
l’aise, se repose tranquillement comme dans le sépulchre ; & n’ayant besoin de rien,
ne demande rien ; si ce sommeil étoit éternel, ce seroit la mort ; la mort donc, &
la crainte de la mort, est moins que rien, si l’on peut s’exprimer ainsi ;
car alors nos atomes sont dispersés & balottés de tous côtés ; & ne reviennent
jamais à leur place, dès qu’une fois la cessation de la vie à laissé un espace vuide ;
c’est pourquoi si un homme lamente son sort, de ce qu’après sa mort ses membres s’en
iront en poudre, de ce qu’il sera dévoré par les flammes, ou qu’il deviendra la proye
des bêtes sauvrages <sic>, sachez que c’est un homme sans jugement, ou sans
sincérité ; le fou s’intéresse pour ce qui sortira de lui ; il se vante qu’il ne peut
plus rester de sentiment après la mort ; cependant il se met dans l’esprit une autre
vie, comme si quelque autre lui-même pouvoit sentir ; & si cette pensée se fixe dans
son esprit, il passe ses jours dans des chagrins inutiles, & ne peut plus distinguer
entre le corps & l’homme ; mais s’imagine qu’il pourra survivre à lui-même. Il
murmura ensuite de ce qu’il est né pour mourir, & ne sçait pas qu’après la mort, il
n’y a point d’autre lui. Il ne restera point de lui vivant, pour donner l’essor à ses
chagrins & se lamenter sur son insensible cadavre.
obéïssant Serviteur. Extratellus.
Bedford-Row, ce
2. Janv. 1745
Metatestualità
Si ce que l’Auteur de cette lettre à avancé fait autant de
plaisir à nos lecteurs qu’il nous en a fait à nous-mêmes, personne ne nous
blâmera de l’avoir inséré dans cet essai ; mais je le dis avec chagrin, des sentimens tels
que les siens, sont trop décrédités parmi le beau monde, pour que j’espére que sa lettre
ait l’effet qu’elle doit produire, & que nous souhaitons l’un & l’autre. Il est
fâcheux que ceux qui ont malheureusement des notions assez chetives de l’âme humaine pour
la mettre de niveau avec celle des animaux, ne gardent pas leur opinion pour eux-mêmes ;
car quoique je pense entiérement comme Extratellus, que ceux qui sont infatués de cette
opinion, ne peuvent avoir ni beaucoup de Réligion, ni un jugement droit, & que ce
n’est point un honneur pour leur Doctrine de faire de semblables prosélytes ; cependant
comme cette licence arrête ceux qui voudroient se convertir à une meilleure opinion, il
seroit à souhaiter que l’on y mît des bornes, parce qu’elle fait plus de mal dans le monde
que toutes les autres mises ensemble. Je conviens aussi avec lui que les argumens, dont on
se sert pour combattre un état à venir, jettent le désordre dans l’esprit de
ceux qui les écoutent ; la raison en est claire ; ils ne peuvent imposer entiérement
silence à cette émanation divine qui est au-dedans d’eux-mêmes, & qui se reveillant en
dépit de tous leurs efforts, occasionnera des débats & une confusion perpétuelle dans
leur cœur. Mais comme j’ai déclaré suffisamment mes sentimens à ce sujet dans plusieurs de
mes essais précédens, je n’y ajoûterai rien à présent & je viendrai á la lettre
suivante, qui prétend à une place suivant l’ordre de sa datte.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Mesdames, « Il est très probable, que ce que je vais vous
offrir, vous paroîtra à la première lecture trop peu considérable pour mériter
l’approbation de vous-même, ou de la plus grande partie de vos lecteurs ; mais comme je
me flatte qu’après une mûre considération, ce sujet vous paroîtra plus
important, je hazarde de vous envoyer cette lettre sans aucune Apologie, parce qu’il
dépend entiérement de vous de l’insérer, ou non. Il y a, à mon avis, quelque chose
d’étrangement contradictoire dans le jugement, le goût & l’humeur de nos beaux
esprits modernes. Un homme passeroit pour très extraordinaire en compagnie, s’il
prétendoit critiquer les écrits des anciens & la morale de leurs Philosophes ; nos
législateurs même ont jugé à propos de fonder plusieurs de nos loix sur les dix tables
des Romains. Tant nous avons une haute idée des siécles passés que, si nous voulons
exalter quelque Moderne, c’est en le comparant avec un modèle de l’antiquité. Un éminent
patriotte est un second Brutus, un grand guerrier un Alexandre ou un Jules César, un bon
poëte un Horace ou un Virgile, un patron bienfaisant un Mécene, un orateur, un autre
Cicéron, & ainsi du reste, comme s’il n’y avoit point de vertu & de bonne qualité
qui ne fût copiée d’après les siécles passés. Cependant en dépit de toute
cette vénération pour les grands hommes de l’antiquité, nous condamnons & nous
affectons de traiter avec mépris une science, qui étoit dans la plus haute estime parmi
eux, je veux dire l’Astrologie. Ne tressaillez point à ce nom, mes bonnes Dames, je vous
en conjure, car avant que j’aye fini j’espére de vous convaincre, que l’étude du Ciel
rélativement aux affaires humaines, est raisonnable & utile. Le premier argument
contre l’Astrologie, & celui qui véritablement mérite le plus notre attention, parce
qu’il est fondé sur un principe de réligion, c’est que nous ne devons pas sonder les
sécrets du Très-Haut, & que c’est ôter du pouvoir du Créateur, que d’attribuer
quelque influence à la Créature. Je reponds à la première partie de cette objection,
qu’il n’est pas probable que l’étude des aspects des Planétes soit un de ces sécrets de
Dieu, que nous ne devons pas sonder ; si cela étoit, les hommes seroient-ils doués de
facultés suffisantes pour comprendre les différens mouvemens & les
phases des corps planétaires ? La seconde partie de l’objection a, suivant moi, encore
moins de poids, & peut être refutée par la seule considération que toute la nature
est gouvernée par les causes secondes ; que le Tout-puissant Auteur de cet Univers à
<sic> ordonné que tous les Etres individus dépendissent les uns des autres, par une
sympathie, une attraction ou une influence secrette, qui sans être sentie par la chose
dirigée ou par celle qui dirige, gouverne tout d’une maniére irrésistible. C’est ce que
nous nommons le cours ordinaire de la nature, & lorsque nous voyons arriver quelque
chose au-delà nous la regardons justement comme miraculeuse ; Il est certain qu’aucun
Astrologue n’auroit pû prévoir ces événemens, & qu’ils étoient parmi ces choses
secrétes que nous ne devons pas entreprendre de développer. Cependant depuis la
dispersion des Juifs tout est allé de la même manière sans interruption ; mais comme Dieu
à donné à l’homme une intelligence suffisante pour juger assez exactement de ce qui
arrivera dans ce monde, par l’influence de ces globes qui roulent autour de sa tête, je
ne vois point de raison pourquoi il devroit enfouir ses talens, sur-tout puisque leur
exercice est d’une utilité si générale, comme je le prouverai bientôt. La seconde
objection, & je suis fâché de le dire, la plus usitée, est tirée de l’incertitude de
cet art, qu’il est sujet à de grandes méprises, & qu’il y a de la
foiblesse & de la superstition à se reposer sur les pronostications de ce genre. Je
ne nierai pas que l’ignorance de quelques prétendus Astrologues n’ait donné occasion à
cette censure, mais n’est-il pas injuste de condamner tout un corps pour quelques-uns de
ses membres ; il n’y a point d’art ou de science qui n’ait été déshonorée par
quelques-uns de ceux qui la professent ; il y a eû & il y a encore de mauvais
Théologiens, de mauvais Philosophes, de mauvais Médecins, de mauvais Poëtes, & de
mauvais Musiciens, cependant la Théologie, la Philosophie, la Médecine, la Poësie &
la Musqiue, n’ont pas perdu leur réputation ; c’est pourquoi je ne conçois pas pour
quelle raison l’Astrologie l’auroit perdue. Que les corps célestes aient de l’influence
sur l’esprit & les dispositions des hommes, suivant qu’ils sont nés sous tel &
tel aspect, & que cette influence peut être connue, en consultant l’heure natale
d’une personne tout-à-fait inconnue à l’Astrologue qu’on employe pour ce
calcul, c’est une vérité certaine. Je ne puis m’empêcher de rappeller ici un exemple
remarquable de cette vérité, que peu de personnes ignorent, mais qui s’applique très-bien
à mon dessein.
C’est ce que nous savons d’un Auteur de réputation ; J’ai encore trouvé dans un
vieux livre Latin que l’Astrologue à la priére de Socrate lui ayant
communiqué son horoscope ; il y trouva des prédictions qui contribuerent beaucoup à armer
ce Philosophe contre les coups du sort qu’il essuya dans la suite, & à le mettre en
état de se conduire même à l’article de la mort d’une manière qui lui a attiré de la part
de Juvenal, cet éloge que je vous donnerai tel qu’il a été traduit par Mr. Creech. S’il devoit en partie cette force d’esprit aux prédictions de son Astrologue ;
c’est ce que je ne veux pas prendre sur moi d’assûrer, parce que le titre du livre ou je
l’ai lû ayant été déchiré, je ne sçais point le nom de l’Auteur, ni à quel point on peut
se confier sur ce qu’il rapporte. Quoiqu’il en soit la première partie de cette histoire,
dont la vérité n’a jamais été révoquée en doute, fait non seulement
beaucoup d’honneur à la science que je defens, à l’égard de sa certitude, mais prouve
encore qu’elle est réellement utile au genre humain. Chacun n’a pas autant de pénétration
que ce Philosophe ; & il y en a encore moins qui veuillent prendre la peine
d’examiner impartialement leur propre cœur, & de découvrir à quel penchant ils ont le
plus d’inclination, l’Astrologie ne seroit-elle pas alors d’un grand secours à ceux qui
la négligent ? N’ont-ils pas besoin d’un tel Mentor pour les reveiller de cette
léthargie, qui les laisse tomber dans des vices, dont ils ne se rendroient jamais
coupables de dessein prémédité ? Ce n’est pas seulement pour reprimer les progrès des
inclinations vicieuses, que je regarde la coûtume de consulter les aspects des planétes à
notre naissance, comme très utile ; elle contribue encore à notre conduite dans le monde,
au choix de nos occupations, & enfin à tout ce qui est essentiel à notre bonheur. Il y a beaucoup de gens qui, malgré tous leurs soins & toute leur
industrie, ne peuvent pas prospérer dans des affaires qu’ils ont malheureusement
entreprises, & qui auroient eû sans doute, plus de succès dans d’autres affaires,
comme le dit fort bien un de nos Poëtes. Comment trouverons-nous sans le secours de
l’Astrologie quelles seront ces heureuses révolutions, & quand elles arriveront ? Ou
comment pourrons-nous découvrir ce point critique dans lequel la fortune doit être
saisie ? C’est pourquoi Mr. Dryden avoit certainement cette science dans l’esprit, quand
il écrivit les lignes que je viens de citer, & de même quand il dit.
Mais pour mettre de côté toutes les autorités possibles & pour nous
servir uniquement de notre raison, & de nos observations, rien de plus commun que de
voir des gens destinés dans des emplois ou des affaires pour lesquelles ils ne sont
nullement qualifiés, & où ils ne peuvent faire qu’une très petite figure. Celui qui a
donné l’âme, l’a sans doute revêtue de qualités suffisantes pour faire le bonheur du
corps qu’elle habite ; mais comme ces facultés sont très différentes, il faut savoir les
appliquer à la vocation qui leur convient. Les Parens se méprennent souvent sur le génie
de leurs enfans, & nous-mêmes ne pouvons pas toûours juger de nos propres talens,
sur-tout dans notre jeunesse. Le brillant & la pompe d’une profession nous induisent
quelques fois à faire choix de celle qui nous convient le moins, & nous
ne nous appercevons pas de notre erreur, qu’il ne soit trop tard pour la réparer. En un
mot je hazarderai d’assûrer positivement comme une opinion que je n’abandonnerai jamais,
que quiconque agit contradictoirement à la planete qui a présidé à sa naissance, ne sera
jamais heureux, quoiqu’il puisse être honnête-homme ; & que c’est plûtôt la
négligence de cet article important qui rend tant de gens malheureux, que leur mauvaise
conduite ou leur inadvertence, dans la professions qu’ils ont malheureusement choisie.
Pourquoi donc les hommes en général ont-ils tant d’aversion pour cette science,
quoiqu’ils ne puissent prouver par aucun argument qu’elle soit préjudicable, &
qu’aucontraire <sic>, ils ne puissent nier qu’elle ne soit d’une utilité
universelle ? Je suis persuadée que quelques-uns l’ont éprouvé ainsi, cependant entraînés
par l’opinion générale, ils ont déguisé ingratement le moyen auquel ils
devoient leurs succes & l’aggrandissement de leurs familles. Il ne faut pas cependant
qu’on insére de ce que j’ai dit, que je suis partisan des communs diseurs de bonne
fortune, aussi bien que des charmes & des talismans. Non, Mesdames, l’un est absurde
& ridicule & si les autres ont quelque efficace, ils en sont redevables à des
influences qui ne devroient pas être encouragées par des gens qui se nomment Chrétiens.
Tout ce que je veux defendre est le simple calcul des nativités, qui peut nous instruire
plus exactement & de meilleure heure, des inclinations qui doivent vraisemblablement
nous guider dans la suite, & par conséquent qui nous met en état de veiller plus
soigneusement sur celles qui sont pernicieuses, que nous en pourrions le faire par aucun
autre moyen, & aussi de juger quelle vocation nous convient ou ne nous convient pas.
A l’égard de ceux qui affectent de rire de l’influence des astres, parce,
disent-ils, qu’on ne peut pas donner de raison pourquoi ils auroient cette efficace sur
l’espéce humaine, ils nieroient également les effets de l’Aimant sur l’Acier, qui sont
aussi inexplicables, s’ils n’en avoient pas chaque jour les effets devant leurs yeux.
Mais il nous suffit de savoir que les choses soyent, sans demander pourquoi elles sont.
Le Grand Auteur de la Nature connoît seul les ressorts secrets qui mettent en mouvement
la machine de ce vaste Univers, qui sont même voilés aux Anges, & dont sa seule
sagesse peut rendre raison. Je finirai donc par un passage du poëme de Mr. Dryden
intitulé la Religion du Saique, Mais je ne dois pas plier ma lettre sans vous assûrer
Mesdames que je suis avec la plus grande consideration, & le cœur les <sic>
plus sincére pour le succès de votre dessein. » Votre très-humble &
très
obéïssant Serviteur. Philas Trologos.Hampstead,
Esempio
car alors la main immédiate de Dieu arrête le mouvement des causes
subordonnées, comme quand la mer rouge s’ouvrit pour faire passage aux Israélites dans
le tems de Moïse, & que les eaux du Jourdain firent la même chose pour laisser
passer ce peuple sous Josué, ou quand le soleil s’arrêta à la priére de ce
grand conquerant tandis qu’il poursuivit ses ennemis, outre plusieurs autres événemens
merveilleux que nous lisons dans les livres sacrés.
Livello 4
Esempio
Socrate, ce grand Philosophe & cet éminent modèle de
continence, de sobriété, de justice, de force d’esprit & de toutes les vertus
morales, eut cependant la curiosité de savoir sous quel aspect il étoit né, & donna
dans ce dessein l’heure & la minute de sa naissance à l’un des plus célébres
Astrologues de son siécle, le priant d’en agir sincérement avec lui, & de ne lui
cacher rien de ce qui pourroit le menacer. L’Astrologue l’assûra de son intégrité,
& lui promit de revenir dans peu de jours, pour lui donner toute la satisfaction
qu’il désiroit. Cependant Socrate ne le vit que long-tems après ; & quand il
l’aborda ce fut avec un air de mécontentement très visible. Il reprocha avec quelque
chaleur au Philosophe qu’il l’avoit trompé, en lui donnant le moment de
sa naissance, puisqu’il étoit impossible qu’il fût jamais né sous cet aspect. Socrate
eut beaucoup de peine à le persuader que ce détail étoit juste, que son père qui
l’avoit examiné avec soin, l’en avoit assûré ; enfin il se laissa convaincre en
réfléchissant de sang froid au caractére de celui qui lui parloit, & combien il
étoit peu vraisemblable qu’il persistât à vouloir lui en imposer. Fort bien, lui
dit-il, après une assez longue pause, l’Astrologie est donc une science trompeuse, je
vais brûler sur le champ tous mes livres, jamais je ne dresserai mon Télescope contre
le Ciel, ou je ne formerai de figure. Après avoir ainsi parlé, il alloit partir,
lorsque Socrate l’arrêta par sa manche, & le pria avec son calme ordinaire, de lui
dire pourquoi il renonçoit subitement à un art, qu’il avoit pratiqué si long-tems &
avec tant de succès. Parce, repliqua-t-il, que je suis très convaincu par l’examen de
votre naissance qu’on ne peut pas se reposer sur cet art. Un homme né dans le même tems que vous, devroit être naturellement enclin à l’yvrognerie, lascif,
injuste & cruel, en un mot addonné à tous les vices. Socrate sourioit en
l’entendant parler ; & dès qu’il eut fini ; si c’est à cause de ma naissance, lui
dit-il, que vous avez conçu une si mauvaise opinion de l’Astrologie, bannissez cette
pensée de votre esprit, & exaltez plûtôt une science qui montre la vérité sans
déguisement, en dépit des apparences. Apprenez, mon ami, que je suis venu dans le monde
avec toutes ces inclinations vicieuses dont vous avez parlé, la Nature vouloit faire de
moi un monstre, mais la Raison m’a fait ce que je suis. Elle m’a enseigné à fermer
toutes les avenues de mon âme aux tentations que le monde & ses plaisirs me
présentent constamment. Elle m’a montré la vraie dignité de mon être, & m’a
convaincu qu’il est au-dessous de l’espéce humaine de poursuivre aucun dessein violent,
ou injuste.
Livello 4
Grand Socrate, courageux au-dessus de l’humanité ! Il périt
injustement & il pardonna en mourant ! Il but tranquillement la coupe empoisonnée,
sans souhaiter que ses infâmes accusateurs eussent le même sort, trop grand pour la
vengeance, qui est constamment une des plus grandes foiblesses de l’esprit humain.
Livello 4
Le Ciel a alloué
à tous, tôt ou tard, quelque heureuse révolution dans leur fortune, si nous les
observons & que nous les conduisions avec habilité ; (car le bonheur des hommes
dépend de leur volonté) notre fortune roule doucement suivant la première impression
qu’elle a reçue ; mais si on ne la saisit pas, elle glisse comme le vent, & ne
laisse après elle que le repentir.
Livello 4
Le Cavalier est souvent renversé de dessus la selle ; mais
c’est la faute de la fortune & non la sienne propre ; si des couronnes & des
palmes décorent le front du victorieux, c’est parce qu’il étoit né sous un meilleur
aspect.
Livello 4
que si nous voulons sonder
les misteres de la Providence, nous ne faisons que nous engager de tous côtés dans un
labyrinthe. Comment le plus petit peut-il comprendre le plus grand, ou le fini atteindre
l’infini ? Car celui qui pourroit trouver le fond de Dieu, seroit plus que ce souverain
Etre.
obéïssant Serviteur. Philas Trologos.
Hampstead,
Ce 12. Fev.
1745 – 6.
Metatestualità
Je ne sçais point ce que la plûpart de mes lecteurs
penseront de cette lettre ; mais je suis persuadée qu’elle sera approuvée de plusieurs
personnes, qui ne voudront pas en convenir. Je ne doute point qu’il n’y en ait beaucoup
qui souhaitent de tout leur cœur que l’Astrologie fût plus à la mode, quoiqu’ils ne
veuillent pas être les premiers à se declarer en sa faveur. Sans parler de tous les
avantages, & des louables desseins, dont mon correspondant à fait mention, il y a un
désir logé dans le cœur d’un chacun de lire dans l’avenir, aussi je crains qu’il n’y ait
que trop de gens qui voudroient se servir de cet art pour pénétrer dans les affaires &
les secrets des autres. Je nallégue <sic> pas ceci comme une objection
contre l’Astrologie, puis qu’on peut abuser des meilleures choses. Pour moi je suis
resolue d’être neutre à cet égard : j’ai beaucoup de respect pour ces magnifiques globes
qui brillent au dessus de ma tête, & dont la vûe me fait tant de plaisir en Eté dans
une promenade solitaire ; je serois bien fâchée de rien dire qui pût en donner une chetive
idée ; cependant je pense comme quantité de gens qui craignent de trop attribuer à
l’influence de ces corps celestes. L’Histoire de Socrate prouve tout au plus que l’aspect
de certaines planetes affecte les dispositions de celui qui naît dans cet instant : mais
puis qu’il peut subjuguer ses penchans naturels, c’est une preuve évidente que, s’ils nous
inclinent, ils n’ont pas le pouvoir de nous contraindre : & que le Tout-puissant
Créateur se plaît quelquefois à montrer qu’on ne peut plaçer de confiance assûrée qu’en
lui seul. Même nos communs almanacs nous convainquent que les astres ne dominent point
absolument sur les Saisons : nous avons eû des sécheresses longues, lorsque
la Lune étoit dans le Verseau ou dans les Poissons : & les Pleïades ne nous ont pas
toûjours amené la pluye : cependant quoique cela arrive quelquefois, je ne prétends pas
décrier l’étude des astres à cet égard, parce qu’elle est plus souvent vraie que trompeuse
dans ses productions, du moins à l’égard du beau ou du mauvais tems. Peut-être en est-il
de mêmes d’autres égards ; mais comme je l’ai déjà dit, je laisse ce point à discuter à
d’autres plus habiles. Je hazarderai seulement de dire, comme mon propre jugement, que si
la cause de Philastrologos est bonne en elle-même, le zèle avec lequel il s’exprime,
mérite de grandes louanges ; & que si elle est mauvaise, il faut convenir qu’il l’a
très bien defendue : ensorte qu’il mérite à tous égards les remercimens de la Spectatrice.
Metatestualità
Je viens maintenant à une lettre que mes lecteurs ne seront
pas surpris de trouver dans un ouvrage de cette nature, puis qu’elle pourra être très
utile aux jeunes Dames qui ne sont pas encore mariées, si elles y donnent une juste
attention.
A la Spectatrice.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Madame, « Cette tendre consideration que vous montrez pour
le bonheur & la réputation de tout le genre humain en général, & particulierement
des personnes de votre sexe, enhardit la plus infortunée de toutes les femmes à vous
donner un détail de ses afflictions avec la fatale faute, qui ne les a attirées sur elle
que trop justement. En déchargeant mon cœur de cette manière, je goûte le premier
intervalle de repos, que j’aie connu depuis long-tems ; mais c’est le moindre motif qui
m’ait engagé à écrire ; le principal dessein que j’ai en vûe, en souhaitant que l’on
publie mon avanture, c’est de fournir à toutes les jeunes filles, de quelque rang ou
qualité qu’elles soyent, un avertissement pour ne pas tomber dans la même faute dont j’ai
été coupable. En lisant cette affligeante Epître vous jugerez combien elle mérite l’attention du public à l’égard du sujet qu’elle contient ; car pour ce qui
regarde le style, je ne me pique point d’esprit ou d’élegance, & dans ma situation
présente on ne doit pas supposer que je puisse ranger mes pensées avec tout l’ordre que
la presse exige : faites-moi donc la grace de les rendre plus méthodiques.
Comme je l’aime avec la plus grande sincérité, jugez combien je souffre de le voir
dans cet état, & infiniment plus encore dans la persuasion que j’en suis la cause ;
mais pourquoi en appelle-je à votre décision ? Avec toute votre capacité de Specatrice
vous ne pouvez pas concevoir la millième partie de ce que je souffre ; ma misère est de
telle nature qu’on ne peut pas en bien juger, sans se trouver dans les mêmes
circonstances. Mais je ne m’arrêterai pas davantage sur ce mélancolique sujet. Ce n’est
pas seulement la pensée que mon histoire pourroit être utile à quelques
personnes de mon sexe, qui a été le seul motif de ma lettre à la Specatrice. J’en avois
un autre plus intéressé, qui est que, si vous ne jugez pas ma faute trop grande pour être
pardonnée dans le Ciel, & plainte sur la terre, de vous prier de dire quelque chose
pour la mitiger. Célandre souscrit à votre ouvrage & le lit constamment. Il trouvera
le fond de mon cœur dans le détail que je vous ai donné ; ce qui joint à quelques
raisonnemens persuasifs de votre agréable plume, pourra, peut-être, me remettre en
possession de quelques uns de ces biens, dont je jouissois autrefois, & préserver
d’un long désespoir celle qui est à présent la plus malheureuse de toutes les Créatures,
& cependant avec le plus grand respect. » Madame, Votre très-humble &
très
obéïssante Servante. Lavinie.Rue de St. Jacques
« P.S. Les maladies de l’esprit aussi bien que celles du corps augmentent
chaque jour, si elles sont négligées. C’est pourquoi je vous conjure de différer le moins
que vous pourrez la publication de cette lettre & de ce que vous jugerez à propos de
dire à ce sujet. »
Livello 4
Racconto generale
Je commencerai, Madame, par vous informer tout uniment
que je suis la fille unique d’un homme, qui fait une figure considérable dans le monde.
J’eus le malheur de perdre ma mère, lorsque j’étois encore fort jeune, mais je n’eus
pas celui d’en voir une autre en sa place ; & quoique mon Père fût naturellement
sévere, il paroissoit prendre tant de plaisir avec moi, qu’il disoit souvent que, si
j’avois un frere qui m’enleveroit une grosse partie de son bien, il feroit ensorte que
ma dot me mît en état d’aspirer à un homme plus riche que lui. Sa tendresse pour moi
étoit si bien connue, que j’avois à peine atteint l’âge de quatorze ans, que plusieurs
Cavaliers demandérent la permission de m’addresser leurs vœux ; mais il
semble qu’il avoit de plus hautes idées pour mon établissement, il les refusa donc,
& le premier qui me fit une Déclaration d’amour fut un jeune homme, avec qui je fis
connoissance dans un bal malheureusement pour l’un & l’autre. La passion qu’il me
témoigna n’étoit que trop sincére, puisqu’il en a donné des preuves fatales dans la
suite. Mon cœur se laissa insensiblement toucher aux choses tendres qu’il me dit, &
comme j’étois trop jeune, ou du moins trop indolente, pour en considérer les
conséquences, j’encourageai ses espérances, autant que ma modestie & mon honneur le
permettoient. Comme il étoit cadet de famille, & que sa fortune étoit peu
considérable, il y auroit eû pour lui de la folie de s’addresser à mon père. Nous fîmes
donc un grand secret de notre liaison, & il n’y eut que la fille qui me servoit,
& qui avoit été dans le secret dès le commencement, qui sçut que je le connoissois.
Il seroit trop long de rappeller tous les prétextes dont je me servois
pour le rencontrer ; quelquefois j’avois les vapeurs, & j’avois besoin de me
promener le matin de bonne heure dans le parc ; une autrefois j’avois la fantaisie
d’aller à la Comédie incognito & de me placer bien envoloppée <sic> dans les
secondes loges. De tems en tems j’affectois une grande œconomie & je fréquentois
les ventes, sous prétexte d’acheter à grand marché. Personne avec moi dans ces courses
que ma servante ; parce, disois-je, qu’un laquais en livrée montreroit qui j’étois,
& frustreroit mes intentions ; sans parler de mille autres prétextes que ni mon
père, ni personne de la famille ne soupçonnoient. Cependant croiriez-vous, Madame,
après toutes les peines que je prenois, que je n’avois pas pour lui une affection
fixe ? La nouveauté de la chose plaisoit à ma vanité & le secret à mon orgueil,
parce que je pouvois duper mon père. Cependant je me trompois moi-même en m’imaginant
que ma passion égaloit celle d’une heroïne de Roman, & les aveux de
cette flamme idéalle que je laissois échapper de tems en tems, pouvoient très bien en
imposer à la personne en faveur de qui je les faisois. Il est étonnant que ce rat, car
je ne puis pas lui donner un autre nom, ne m’ait pas transporté au point de consentira
un mariage secret, comme il m’y pressoit continuellement : je ne sçais, si je dois
imputer à ma bonne, ou à ma mauvaise fortune, qu’il ne put jamais me persuader à faire
cette démarche, puisque j’en vins au point de lui promettre & de me lier par
plusieurs vœux & imprécations, que je n’épouserois jamais un autre homme. O que la
jeunesse est imprudente ? Qu’elle est peu capable de juger pour elle-même, ou
d’elle-même ! Sylvius, c’est ainsi que je le nommerai, s’imaginoit avoir gâgné un grand
point de m’avoir engagée de cette manière ; mais, hélas ! j’y faisois bien peu
d’attention, & quoique dans ce tems je fus résolue de tenir ma promesse, je ne
réfléchis jamais aux difficultés qui pouvoient se rencontrer en mon
chemin. Mais l’épreuve ne se fit pas attendre ; bientôt on fit à mon père une ouverture
qu’il trouva trop avantageuse pour la rejetter ; c’étoit en faveur d’un jeune
Gentilhomme, à qui je donnerai le nom de Célandre. Il descendoit d’une illustre
famille, jousissoit d’une fortune considérable & possédoit toutes les qualités qui
pouvoient lui gâgner l’affection de notre sexe. J’en avois entendu souvent parler à des
Dames de ma connoissance, & jamais sans les éloges qu’il mérite, comme je dois
l’avouer. Je l’avois aussi vû, mais seulement en passant, ou à l’Opéra ; mais je
l’avois assez remarqué pour savoir que c’étoit un homme beau, bien fait & très
agréable. J’en convenois toûjours chaque fois qu’on en parloit, mais dès qu’on avoit
fini, je n’y pensois plus, jusques à ce que mon père me dît qu’il lui avoit permis de
me visiter, & que je devois le recevoir comme un homme, qu’il me destinoit pour mon
Epoux. Il m’est impossible d’exprimer l’agitation de mon cœur, à l’ouie
de cette Déclaration. Apprendre qu’un homme tant admiré de toute la ville m’avoit
choisie pour le seul objet digne de ses affections, flattoit trop ma vanité pour ne pas
me plaire ; cependant la pensée de l’épouser en abandonnant mon cher Sylvius, me
donnoit la plus terrible alarme. Enfin je ne sçais si je m’en rejousissois, ou si j’en
étoits fâchée. Un mêlange de chagrin & de plaisir s’empara en même tems de mon
cœur, & mit mes esprits dans un tel désordre, qu’il ne me fut pas possible de
répondre directement à ce que mon père me disoit. Il attribua cependant mes fréquens
changemens de couleurs, & le peu de liaison de mes réponses, à la timidité, qu’une
première proposition de cette nature pouvoit naturellement occasionner, & comme je
lui avois répondu à peine en begayant, que j’obéïrois toûjours à ses volontés, il fut
très satisfait, & ne me parla plus pour cette heure de cette affaire. Le jour
suivant Célandre dîna avec nous. La grandeur de son équipage & tout
ce qui paroissoit autour de lui suffisoient pour éblouïr un cœur aussi jeune que le
mien, mais sa politesse ne pouvoit que charmer la personne la plus expérimentée.
Après-diné mon père prit une occasion de nous laisser ensemble ; & j’avoue que je
trouvai tant de disproportion entre la manière, dont il me fit ses déclarations &
celle de Sylvius, que je m’étonnai comment cet autre avoit pû me paroître digne de mon
attention. C’est ce que je pensois, dis-je, tandis que j’étois avec Célandre ; mais
quand je fus seule, la tendresse de Sylvius, l’ardeur qu’il me témoignoit &
l’assiduité avec laquelle il me rendoit ses devoirs, tournerent encore de son côté la
balance de mes inclinations, & je m’écriai en moi-même que je ne serois jamais
assez ingratte pour jetter dans le désespoir un amant que j’avois encouragé, &
promis de récompenser. Je continuai quelques jours dans cette incertitude d’esprit, les
aimant l’un & l’autre, mais point autant que je le dévois, &
méritant bien peu par conséquent leur amour.
Célandre fit enfin l’entiere conquête de mon cœur, & il ne me resta pour Sylvius
que de la perte. Mes promesses à la vérité me faisoient quelque peine, mais je me
tranquilisai en considérant, que je n’étois pas maitresse de disposer de ma personne
& qu’un vœu de cette nature ne passeroit jamais pour obligatoire. Mon père vit avec
beaucoup de plaisir que mon inclination étoit conforme à ses désirs, & mon amant
fut transporté de l’aveu que je lui en fis. Il ne restoit qu’à dresser le contract de mariage & qu’à faire tous les préparatifs pour la solemnité de nos
noces ; c’est à quoi on travailla avec la plus grande diligence. Sylvius fut bientôt
informé de ce qui se passoit dans notre famille, & ne doutant plus de son
infortune, puisque jamais il n’avoit été si long-tems sans me voir, il m’écrivit une
lettre remplie de plaintes, & obtint de ma femme de chambre qu’elle me la
rémettroit, & qu’elle tâcheroit d’obtenir une réponse. Je ne pus m’empêcher d’être
un peu touchée à la lecture de cette lettre ; mais Célandre, qui arriva justement comme
je finissois, prévit tout l’effet qu’elle auroit peut-être eû sur moi ; je réfusai
absolument de lui répondre, & pour empêcher qu’il ne m’écrivit encor, j’ordonnai à
ma femme de chambre de lui dire uniment qu’il n’y avoit rien pour lui à espérer ; que
mon père avoit insisté que je donnasse ma main à Célandre, & que j’étois résolue de
ne pas courir le risque de lui désobéïr. Quelques jours ensuite, comme j’étois en
carosse avec Célandre & une jeune Dame, pour aller prendre l’air dans
Hyde-Park, mon malheur voulut que je le visse dans une rue que nous traversions ; il me
vit aussi & me jetta un regard, où la rage & le désespoir étoient peints, &
qui s’accordoit exactement avec la déscription que ma femme de chambre m’avoit faite de
son état, lorsqu’elle lui fit mon message en réponse à la lettre. La vûe inattendue
d’une personne que j’avois traitée si mal, me fit beaucoup de peine dans cette
occasion : mais j’étois trop jeune, trop dissipée & trop satisfaite de mon propre
sort, pour me mettre long-tems en peine de celui d’un autre, quelque obligation que mon
honneur, ma conscience & ma générosité m’imposassent à cet égard. Célandre, à qui
chaque minute paroissoit un siécle, jusques à ce qu’il pût m’appeler sa femme, hâta de
son côté tous les préparatifs pour notre mariage ; & mon père, qui ne souhaitoit
pas avec moins d’ardeur notre union, ayant été également diligent, tout fût prêt
beaucoup plûtôt qu’on ne l’auroit attendu, & notre mariage se fit en
présence de la plus grande partie de nos parens, qui paroissoient tous prendre intérêt
à notre félicité mutuelle. On donna trois jours aux réjouïssances dans la maison de mon
père ; ensuite nous partîmes pour une belle campagne, que Célandre avoit à environ
quarante milles de distance de Londres. Je reçus là les complimens & les
félicitations de toute la Noblesse de la comté, les hommages & présque les
adorations de tous les vassaux tenans & dépendans de mon Epoux, & chaque jour,
même chaque heure me présentoit quelque chose de nouveau, capable de flatter ma vanité
& mon orgueil. Cependant tout cela n’étoit rien en comparaison du ravissement que
l’excessive tendresse de Célandre me faisoit éprouver ; il sembloit même plus empressé
à chercher les moyens de m’amuser, qu’avant notre mariage. Le nom d’Epoux ne lui ôtoit
rien de la complaisance de l’Amant : ni notre familiarité du respect qu’il m’avoit
toûjours témoigné ; ce bonheur, hélas ! étoit trop parfait pour être
durable : cependant il auroit pû durer autant que ma vie, si je n’avois jamais rien
fait qui m’en rendît indigne. Mais il semble que le Ciel, dans le dessein de me punir
sévérement de mon manque de foi, vouloit verser sur moi tant de bénédictions, afin de
me rendre plus sensible à la misére qui devoit suivre. Tandis que ce tems si agréable
dura, je ne pensai jamais à Sylvius, & ma femme de chambre que j’avois gardée
n’avoit pas ôsé m’en parler, parce que je lui avois expressément enjoint le contraire,
jusqu’à un malheureux jour. O que je fusse morte avant l’arrivée de ce jour, afin que
ce fatal sécret eût pû être enséveli avec moi ! Alors j’aurois été préservée des
chagrins que j’endure, & le plus excellent des hommes comme le meilleur des Epoux,
n’auroit pas été privé de sa tranquillité. Il y avoit environ six semaines que nous
étions à la Campagne, autant que je puis m’en souvenir, & j’étois un matin toute
seule à ma toilette, lorsque cette Créature entra dans ma chambre, &
avec un air tout extraordinaire, me prie de lui permettre de me réveler un secret
qu’elle avoit, dit-elle, long-tems étouffé dans son sein, mais qui la mettoit
actuellement si mal à son aire, qu’elle deviendroit folle, si je ne lui permettois pas
de s’en décharger. Je m’imaginois qu’il ne s’agissoit que de quelque folie qui la
regardoit elle-même ; je ne pus m’empêcher de rire en voyant son air sérieux & je
lui ordonnai de dire vitement ce qu’elle avoit sur le cœur. Elle me dit donc, après
m’avoir encore demandé pardon, que cinq ou six jours après notre arrivée à la Campagne,
on l’avoit envoyée chercher d’une hôtellerie voisine, où on lui dit qu’un de ses parens
venoit d’arriver de Londres & souhaitoit de lui parler ; & qu’y étant allée,
elle avoit trouvé que la personne qui l’attendoit, n’étoit autre que l’infortuné
Sylvius. Je n’entendis pas plûtôt son nom, que je tâchai de l’arrêter, en lui disant
que je ne voulois plus entendre parler de lui, & que sachant mon
intention, elle étoit très impudente d’en faire mention devant moi, ce que je ne lui
pardonnerois jamais. Cette pauvre fille trembloit tandis que je lui parlois, & elle
me repondit qu’elle ne m’auroit pas désobéï pour tout le monde dans toute autre
circonstance, mais qu’elle ne pouvoit pas fermer l’œil dans son lit, & qu’elle
avoit l’esprit si agité, qu’il ne lui avoit pas été possible de se contenir davantage.
Fort bien, lui dis-je avec un ton de mépris, quelle est donc cette grande affaire ?
Elle procéda alors à me faire un récit trop mélancolique pour ne pas toucher le cœur le
plus désintéressé ; elle me dit qu’elle n’avoit jamais vû d’homme plus changé, qu’il
ressembloit plûtôt à un spectre qu’à un corps réel, & qu’elle n’auroit pû le
reconnoître qu’au ton de sa voix. Qu’après avoir donné l’essor à la passion dont il
étoit transporté, dans des termes qui marquoient le plus terrible désespoir, il avoit
pris une lettre, & tirant en même tems son épée, la lui auroit présentée à la
poitrine, en lui disant que ce moment seroit le dernier de sa vie, si
elle ne lui juroit pas de remettre entre mes mains cette lettre. En vain lui
repéta-t-elle l’ordre que je lui avois donné de ne me parler jamais de lui ; en vain
allégua-t-elle que tout ce qu’elle pourroit me dire ne lui seroit d’aucune utilité
& ne feroit que me chagriner, puisque j’étois mariée & que je ne pouvois rien
faire pour lui. Tout ce qu’elle dit ne fit que le rendre plus passionné, & il
insista toûjours sur son serment qu’elle fut enfin obligée de lui prêter, avec les plus
solemnelles imprécations contre elle-même, si elle ne le remplissoit pas. Elle me dit
ensuite que la crainte de me déplaire lui avoit fait cacher cette lettre jusqu’à ce
jour ; mais qu’elle songeoit continuellement à lui depuis une semaine, avec de si
grandes frayeurs qu’elle ne doutoit point qu’il ne se fût donné la mort & que son
esprit revenoit la persécuter de cette manière pour la punir d’avoir violé ses vœux. Je
ne pus m’empêcher d’être extrêment touchée de ce qu’elle me dit, & je
la fus encore davantage quand, après avoir pris la lettre de ses mains, je trouvai
qu’elle contenoit ces lignes.
Vous conviendrez qu’une telle lettre ne pouvoit que faire une forte impression
sur une femme dans mon cas, convaincue que je méritois tous les reproches qu’elle
contenoit ; & qui plus est, je sentois une terreur intérieure, dont je ne pouvois
pas me rendre raison, mais que j’ai prise ensuite pour un présage de mon désastre qui
s’approchoit. J’avois lû deux fois cette fatale lettre, & j’allois l’enfermer dans
une cassette, lorsqu’entendant la voix de Célandre, & croyant qu’il alloit entrer,
je tremblai, & la mettant avec précipitation dans la main de cette fille, je lui
ordonnai d’aller en courant la jetter dans le feu de la cuisine, parce que je n’en
avois point dans mon appartement ; elle m’obéït sur le champ & sortit
de la chambre, pendant que je m’assis tâchant de me tranquilliser. Mais comme Célandre
ne venoit point, & que la palpitation de mon cœur augmentoit plûtôt qu’elle ne
diminuoit, je me levai & je descendis après elle, pour lui ordonner de la brûler
directement, ou de me la rendre, je ne sçais point ce que je pensois dans le désordre
de mon esprit ; mais, bon Dieu ! que devins-je, quand mettant le pied dans un Sallon
que je devois traverser, je vis mon Epoux avec cette lettre dans ses mains, ma servante
à ses genoux le conjurant de la lui rendre, & la contenance de l’un & de
l’autre si égarée, que je ne pus plus douter de mon malheur. Je suis tombé sur un
secret, Madame, dit Célandre, aussi-tôt qu’il m’apperçut, que je m’attendois bien peu
de découvrir ; mais vous & Sylvius pouvez aisément me pardonner ma curiosité,
puisque j’en souffrirai plus qu’aucun de vous. Il n’en falloit pas davantage pour m’ôter le peu de présence d’esprit que je possédois ; je ne sçais pas s’il
ajoûta encore quelque chose, mais je tombai sur le champ dans une foiblesse. Célandre,
comme je l’appris ensuite, ne témoigna point d’envie de me sécourir, & sortit de la
chambre avec la lettre dans ses mains. Ma femme de chambre étoit peu en étant de me
donner du secours ; mais ses cris attirerent d’autres Domestiques, qui me firent
revenir à moi-même & me porterent dans ma chambre sur mon lit, & après qu’ils
se furent tous retirés, excepté celle qui avoit été la cause de ce malheureux accident,
j’appris comment il étoit arrivé. Il semble que cette folle Créature eut la curiosité
d’examiner le contenu de cette lettre avant que de la brûler, & que ne voyant
personne dans le Sallon, elle y entra pour la lire. Elle étoit devant un miroir
vis-à-vis de la porte, lorsque Célandre en passant pour monter à ma chambre, la voyant
dans cette situation, avec les larmes qui lui rouloient des yeux, s’arrêta pour la
considerer. Comme il étoit d’un caractére fort gay & enjoué, &
qu’il la connoissoit pour ma favorite, il badinoit très souvent avec elle ; voyant donc
qu’elle étoit si attentive sur ce papier, il s’avança doucement par derrière & lui
arracha des mains la lettre, ne pensant qu’à se divertir de la frayeur qu’il lui
causeroit. Il est sûr qu’il n’avoit point intention de la lire, mais qu’il l’auroit
rendue après avoir un peu ri de son inquiétude, si par malheur mon nom ne l’avoit pas
frappé. Cette vûe le fit changer de dessein & il crut être en droit de voir ce
qu’elle contenoit. C’est ainsi, chère Spectatrice, que tout le sécret de mon crime fut
découvert par celui de tous les hommes, à qui j’avois le plus de raison de le cacher
éternellement. Que dire pour ma défense, ou pour pallier cette affaire, c’est surquoi
je ne pouvois point me résoudre ; quelques fois je pensois à tout nier, & à
soûtenir que je n’avois jamais connu un homme tel que Sylvius. Je trouvois ensuite
qu’il valoit mieux avouer ingénuement la vérité & rejetter toute la
faute sur ma jeunesse & mon imprudence. Cependant Célandre ne se pressa pas de me
mettre à cette épreuve ; il sortit directement, ne revint que fort tard, & ordonna
qu’on lui préparât un lit dans une autre chambre. Ce procédé me donna la plus terrible
alarme : je crus y remarquer une indifférence plus cruelle pour moi que les plus rudes
reproches ; & comme je l’aimois véritablement, j’aimai mieux m’exposer à tout ce
que sa fureur pourroit m’infliger, plûtôt que de rester davantage en suspens. Je courus
donc à sa chambre dans le plus grand désordre, & le conjurai de me faire connoître
pourquoi il abandonnoit mon lit, je fus obligée de repéter plusieurs fois les mêmes
paroles, ou d’autres dans le même dessein, avant que d’obtenir une reponse, quoiqu’il
m’eût regardé durant tout ce tems avec des yeux qui marquoient plus de chagrin que de colère. Enfin, je ne sçavois pas, me dit-il avec un profond soupir,
jusqu’à ce malheureux jour, que j’eusse usurpé le droit d’un autre, ou que Lavinie ne
pourroit pas me rendre heureux sans un crime. Je me jettai alors à son cou, lui disant,
autant que mes larmes purent me le permettre, que personne, excepté lui-même, n’avoit
aucun droit à mon cœur ou à ma personne, & que, si j’avois eû la folie de donner de
bonnes paroles à un autre quand j’étois fille & incapable de juger par moi-même, je
ne méritois pas qu’on m’en fit un crime. Mais pourquoi vous incommoderois-je, Madame,
avec un détail de ce que je lui dis, ou de ses repliques ; il me suffit de vous
informer qu’il a naturellement une délicatesse excessive que tous mes raisonnemens, ni
alors, ni depuis, quoiqu’il se soit écoulé une année entière depuis cette Catastrophe,
n’ont pû surmonter. Il ne me censure pas seulement comme coupable d’injustice,
d’ingratitude, d’inconstance & de parjure à l’égard de Sylvius, mais
encore de dissimulation à son égard ; & ne veut pas se laisser convaincre, que je
l’aie préfére <sic> à son rival, par aucun autre motif que celui de l’intérêt. Il
se lamente souvent, en des termes qui me frappent le cœur de ce que je n’ai pas une âme
douée d’autant de perfections qu’il continue à en trouver dans ma figure. Pour me
rendre encore plus malheureuse, les papiers de nouvelles ont donné un détail, que le
vaisseau, sur lequel le désespéré Sylvius s’étoit embarqué, avoit été jetté sur un
écueil, & que tout l’équipage étoit péri dans les flots ; à cette nouvelle mon
Epoux s’écria, Malheureuse Lavinie ! née pour la perdition de tous ceux qui l’aiment.
Quoique je prisse part à la mort d’un homme à qui je n’avois été que trop chère, je
trouvai quelque consolation dans l’espérance que Célandre seroit délivré par cette mort
des scrupules qui l’avoient éloigné si long-tems de mon lit ; mais hélas ! je trouvai
qu’il s’étoit mis dans l’esprit une opinion inébranlable que j’en étois indigne ; ni
mes priéres, ni mes larmes, ni toutes les caresses qu’une femme peut
mettre en pratique, n’ont pû altérer le moins du monde sa résolution. L’air le plus
morne couvre son front. Il mange peu ; parle encore moins, évite la compagnie, ne prend
point de divertissemens ; on le voit quelque fois tressaillir avec des marques
d’horreur, qui montrent évidemment qu’il est en danger de tomber dans un état plus
déplorable que la mort elle-même.
Metatestualità
Mais mon
destin voulut que je trouvasse plus de sincérité que je ne méritois ; je ne suis que
trop bien convaincue que leurs protestations n’excédoient point ce que leur dictoit
leur cœur, & c’est ce qui fait mon malheur. Pardonnez, Madame, ces interruptions
du fil de mon récit ; le souvenir de ces tems passés me les arrache ; mais j’abrégerai
à présent, autant qu’il me sera possible, pour venir à la triste catastrophe.
Livello 5
Lettera/Lettera al direttore
A la belle parjurée Lavinie. Si je pensois que cette
lettre pût vous faire la moindre peine, toute fausse, cruelle, & ingratte que
vous êtes, je n’aurois pas été assez maître de mon cœur pour vous l’envoyer ; mais je
ne doute pas que vous n’appreniez plûtôt avec plaisir que vous allez être délivrée
pour toûjours d’un homme, dont la vûe vous auroit constamment reproché votre faute.
Il y en a bien peu, très injuste Lavinie ! qui n’eussent fait valoir l’engagement qui
s’est passé entre nous. Vous savez que vous êtes liée à moi, par les vœux les plus
solemnels, en présence de votre femme de chambre, que je pourrois obliger à rendre
témoignage de la vérité ; mais la générosité de mon cœur me met au-dessus de toute
vûe mercenaire, & la sincérité de mon amour m’empêche de rien faire
qui puisse vous exposer, ou vous rende malheureuse. Puisse le Ciel être aussi disposé
à vous pardonner ! puissiez-vous n’avoir jamais sujet de regretter votre manque de
foi. Pour vous délivrer de toute crainte à mon sujet, & afin que je n’aie pas le
chagrin de respirer le même aire, qu’une personne qui m’a si cruellement trompé, je
quitte l’Angleterre pour toûjours. Je ne serai jamais plus mal traité dans le pays le
plus barbare, que dans celui où j’ai vû le jour ; & je me sépare sans répugnance
de mes plus chers amis, parce que je laisse en même tems ma plus cruelle ennemie.
Mais qui sçait mieux que vous, infidéle, si je suis le seul homme qui ait été séduit
par vos appas ? Peut-être avez-vous pratiqué les mêmes artifices sur d’autres, qui
sont envéloppés dans le même désespoir. Même Célandre qui dort à présent entre vos
bras, ne doit pas se confier sur un cœur si inconstant, si incapable d’une vraie
affection. Mais je finis ici mes reproches, & malgré les puissantes
raisons que j’ai de vous haïr, je vous aime encore assez pour souhaiter votre
bonheur, si vous pouvez jamais être heureuse ; quoique vous m’ayez rendu misérable,
vous voyez qu’il n’est pas en votre pouvoir de m’ôter ma générosité, c’est pourquoi
vous devriez vous souvenir, du moins avec quelque compassion, de celui qui vous
adoroit une fois, Sylvius.
obéïssante Servante. Lavinie.
Rue de St. Jacques
ce 5. Fév.
1745.
« P.S. Les maladies de l’esprit aussi bien que celles du corps augmentent
chaque jour, si elles sont négligées. C’est pourquoi je vous conjure de différer le moins
que vous pourrez la publication de cette lettre & de ce que vous jugerez à propos de
dire à ce sujet. » Metatestualità
Il faudroit avoir le cœur bien dûr, pour n’être pas sensible
à l’affliction de cette Dame ; mais nonobstant toute la pitié que nous avons pour elle,
nous ne pouvons pas l’excuser autant qu’elle peut le souhaiter, ou s’y attendre.
Livello 3
Comment aurois-je surmonté tous mes maux réels ? Et je trouverai encore
devant moi ce phantôme ! ce rien bruyant, cette ombre énorme ! Par quel art de magie as-tu
été faite, toi, cause préçaire des maux réels, ennemie de la paix & de charmes du
repos.
Livello 3
Que
reste-t-il après les maux passés, que de saisir cette agréable vicissitude de plaisirs qui
se présentent à leur tour, de remercier les Dieux pour ce qu’ils nous donnent, de nous
posséder nous-mêmes & de vivre, tandis que nous sommes ici bas ?
Esempio
On sçait l’histoire d’un garçon
tailleur, qui, voyant la Reine Elizabeth, lorsqu’elle alloit au parlement
dans sa robe de cérémonie, en devint si violemment amoureux, qu’il en perdit la raison.
Livello 3
Il
n’y a point de loi pour l’amour ; la Loi est pour les choses qui dépendent de notre
choix ; l’Amour n’est pas dans notre choix, mais dépend du destin ; les loix sont
d’institution, mais le pouvoir de l’amour vient de la nature, il est son prémier décret.
Chaque jour nous violons en faveur de l’amour les loix humaines, & nous véngeons la
cause commune ; les loix sont instituées pour défendre les droits des citoyens, l’amour
renverse la barrière, & fait un dégat général ; les filles, les femmes & les
veuves tombent sans distinction, l’inondation de l’amour vient, courre, & entraîne
tout ; l’amour confond toute distinction du juste & de l’injuste ; un amour violent
& une forte ambition ne reconnoissent point de bornes.
Livello 3
Quand j’étois
sain & sauf, je me suis plaint & j’ai effrayé tous les autres avec le recit de mes
peines ; mais à présent je sens le terrible mal : Ah ! il ne faut pas badiner avec le
diable ! Ainsi des imprudens, en voulant épouventer les autres, se sont causés à eux-mêmes
une frayeur réelle ; Je ne parlois de dards, de players, de flamme & d’ardeur, que
pour la rime, ou pour m’amuser ; je ne pensois pas que mes vers dussent mériter la
réputation de Prophétie, la vérité rend mon Style dur, quoique propre, & en gâte
toutes les métaphores. Il est dangereux de feindre sur des sujets qui sont trop sous le
règne de l’imagination. Le badinage peut enfin devenir une vérité, & la coûtume se
changer en nature. Ce maudit art de mendier m’a fait devenir boiteux, en
feignant de l’être ; j’ai écrit mes lignes d’amoureux desirs pour allumer, & souffler
le feu des autres ; je me proposois là un plaisir barbare, mais à présent je dois le
premier faire l’essay du taureau brûlant que j’ai fait rougir.
Livello 3
Racconto generale
Un jeune mâtelot aimoit passionément une fille, qui n’avoit
qu’un oeuil & revint la voir après trois ans de voyage ; mais croyant la trouver
tout-à-fait différente de celle qu’il aimoit avant à son départ ; Que vous
êtes changée, s’écria-t-il, depuis que je suis parti ! Comment avez-vous perdu un œuil !
Non, lui répondit-elle en riant & avec esprit, mais je m’apperçois que vous avez
trouvé vos deux yeux.
Metatestualità
Nous avons
reçu une seconde lettre de Eurisso-Politico : mais quoiqu’elle renferme plusieurs bonnes
choses, comme elle roule sur un sujet qui ne convient nullement à un ouvrage de cette
nature, nous le prions de nous excuser, si nous ne l’insérons pas ici. Nous réjettons pour
la même raison la lettre d’Alcandre, de même qu’une copie de vers d’un Auteurs qui ne se
nomme point, intitulée : Poëme sur la présente Posture des affaires, ou un Tour dans le
Nord. Nous ne doutons point que cette dernière piece ne prenne fort bien dans le public,
si on l’imprime séparément ; nous conseillons donc à l’auteur de la faire paroître ; c’est
pourquoi nous l’avons laissée chez notre Editeur, avec ordre de la délivrer à celui qui
prouvera ses droits à cette piece, en récitant quelques lignes qui y soient contenues. La Lettre signée S. S. S. est reçue ; l’ingénieux Auteur peut s’assûrer de la
voir dans notre essai suivant, elle est venue trop tard pour paroître dans celui-ci,
autrement nous aurions montré immédiatement, combien nous sommes sensibles à l’honneur
qu’il fait à notre entreprise, en publiant par notre canal, des sentimens si dignes de
l’attention du public. En même tems nous le prions de recevoir nos sincères remercimens,
non seulement pour ce qui sera autant utile à nos lecteurs qu’à nous-mêmes, mais encore
pour la bonne opinion qu’il témoigne si obligeamment de la Spectatrice, dans sa lettre à
l’Editeur.