Citazione bibliografica: Anonyme (Joseph Marie Durey de Morsan) (Ed.): "N°. 23.", in: La Bigarure, Vol.4\023 (1750), pp. 17-24, edito in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4657 [consultato il: ].
Livello 1►
N°.23.
Livello 2► Lettera/Lettera al direttore► De toutes les passions qui agitent le cœur humain, il n’y en a point qui ait pour lui de plus fâcheuses suites, que celle de l’Amour. Si ce penchant naturel, dont les hommes ont fait autrefois une Divinité, leur procure quelques plaisirs, en revanche, ils sont presque toujours suivis du repentir ; & quoique on en puisse dire, il n’est rien de plus rare dans le monde, qu’un Amant parfaitement heureux. Ceux qui se sont le plus flattez de l’être y sont les premiers trompez. A peine jouissent ils, à peine se sont-ils assurez la légitime possession de l’objet de leurs désirs, qu’ils ne trouvent plus, presque tous, que les épines des roses qu’ils s’étoient promises ; heureux encore quand ils ne rencontrent pas pire !
Mais si les plus innocentes inclinations sont sujettes à cette triste révolution, que peut-on se promettre d’une passion illégitime & criminelle ? . . . Rien sans doute que de très fâcheux, & quelquefois de très funeste. Le trouble, les remords, le repentir, quelquefois même le désespoir, sont les fruits ordinaires de ce penchant fatal auquel il est si difficile, & si rare, de ne pas succomber ; car Omnia vincit Amor. Je m’en raporte, pour la vérité, de ces deux réflexions, à l’Expérience Journaliere qui est le plus grand & le plus infaillible Maitre que l’on doive, & que l’on puisse ecouter sur cette matiere, comme sur beaucoup d’autres. C’est cette Expérince, sans doute, qui a dicté à un de nos Poëtes modernes les beaux Vers qu’il a mis dans la [18] bouche d’un de nos Héros sacrez que l’Amour avoit entrainé, comme bien d’autres, dans le plus grand des malheurs,
Livello 3► Amour, Tiran que je déteste,
Tu détruis la Vertu, tu traines sur tes pas
L’Erreur, le Crime & le Trepas !
Trop heureux qui ne connoit pas
Ton pouvoir aimable & funeste !*1
Heureux sans doute, & mille fois heureux, ceux qui l’ignorent, & ne l’ont jamais ressenti ! Mais où sont-ils ces Mortels fortunez qui n’ont jamais connu, & qui peuvent se flatter qu’ils ne le connoitront jamais ?
Ce ne sera certainement pas le Curé de Gentilli, dont le Procès, qui a fait ici beaucoup de bruit, & qui occupoit encore, il y a quelques jours, nos Magistrats, mérite d’avoir place dans les Annales Galantes du Clergé dont il est membre. Vous sҫavez, Monsieur, que ce Vilage n’est qu’à un quart de lieue de Paris. Il vous souvient, sans doute, encore que nous y avons souvent été ensemble voir danser, les jours de Dimanche & de Fêtes, nos petites Bourgeoises avec nos Petits-maitres des Ruës S. Denis, & S. Honoré. Ainsi vous connoissez le lieu de la scène, & peut-être aussi le Héros sur qui roule la piéce. En voici le sujet, & pour ainsi dire, l’analyse.
Livello 3► Eteroritratto► Il y a quelques années que le Curé de Gentilli, homme d’esprit, & Docteur de Sorbonne, fut accusé d’avoir voulu séduire quelques unes de ses Pénitentes, & d’avoir entretenu, dans sa maison Presbiteriale, des filles ou femmes de mauvaise vie sous le nom de Nieces, Cousines, &c. L’accusation fut portée par devant M. de Vintimille, qui étoit pour-lors notre Archevêque ; Mais soit que les amis du Curé l’emportassent sur ses acculateurs, soit que les preuves ne se trouvassent pas assez fortes, soit enfin que cette accusation fut sans fonde-[19]ment, le Pasteur fut renvoyé absous. Les mêmes plaintes renouvellées sous M. de Bellefont, successeur de M. de Vintimille, n’eurent pas plus d’effet. Enfin l’acsation <sic> ayant été portée depuis peu, à notre Archevêque, pour la troisième fois, cette affaire a été mûrement examinée au Tribunal de l’Officialité ; on a procédé dans les régles contre le Curé, on a trouvé des preuves très fortes, & très convaincantes contre lui ; & il a été déclaré par ses Juges Ecclesiastiques, coupable des galanteries criminelles dont il avoit été tant de fois accusé.
Peut-etre le Pasteur s’en seroit-il purgé, sans les dépositions d’une Servante qu’il avoit eu chez lui pendant un an, laquelle a déclaré Livello 4► « qu’il avoit dans sa maison deux Demoiselles fort jolies & très aimables, qu’il traitoit de Cousines, lesquelles logeoient à côté de la chambre du dit Ecclesiastique ; qu’elle s’étoit apperçue très souvent, & presque tous les jours, que l’on passoit, pendant la nuit, d’une des chambres dans l’autre ; qu’elle n’avoit pu s’empêcher de croire que le Curé passoit une partie de la nuit à causer avec ses Cousines ; que comme les personnes de son Sexe sont naturellement curieuses, elle avoit voulu s’assurer de ce qui en étoit, & qu’étant pour cet effet montée doucement dans la chambre des Demoiselles, elle avoit surpris, un jour, Monsieur son très digne Pasteur, & très honoré Maitre, entre ses deux Cousines, faisant une fonction qui n’étoit rien moins qu’Ecclesiastique ; qu’en ayant été scandalisée, & l’ayant témoigné le lendemain à une des prétendues Cousines, celle-ci lui avoit répondu, qu’elle avoit tort de s’en formaliser ; qu’outre les droits de la parenté, qui permettent, disoit-elle, certaines libertez qui pouroient scandaliser, si elles se prenoient avec des étrangers, le Cousin étoit un de ces hommes avec lesquels le Sexe n’a rien à craindre, étant du nombre de ceux dont parle Hipocrate, dans son Traité De Frigidis & Maleficiatis ». ◀Livello 4 La Servante éblouië par ce raisonnement, & persuadée par l’autorité d’Hipocrate, prit ce qu’elle avoit vu, si-non pour une vision, du moins pour une [20] chose innocente & permise entre parents : & en conséquence elle garda le silence. Peut-être quelques écus, que lui donnerent le Curé & les Cousines, lui fermerent-ils la bouche ; car
Les Maitres prudents
Ne sҫauroient trop payer de pareils confidents.
Mais il n’est rien de si caché que le tems ne révele. Une ancienne Maitresse du Pasteur, piquée de jalousie, & de l’affront qu’il lui avoit fait de la quitter pour d’autres, résolut de se venger, & de son volage Amant, & de ses Rivales. Pour cet effet elle produisit les Lettres que celui-ci lui avoit ecrites, & qui, bien qu’envoyées en apparence par une Amie à une Amie, contenoient des choses qu’une femme n’a jamais écrites à une autre femme. Pour surcroit d’imprudence, ou de malheur, la Servante, qui étoit sortie de chez le curé, ayant été citée en Justice, pour rendre temoignage à la vérite, a joint ses dépositions à celles de cette Maitresse irritée. Des dépositions de l’une & de l’autre il est enfin resulté, que les accusations portées contre le Pasteur étoient très bien fondées ; & en conséquence, il a été condamné à perdre son Bénéfice, & à être renfermé, ponr <sic> le reste de ses jours, dans un Monastere, pour y vivre au pain & à l’eau.
S’il n’avoit été question que du premier article de la Sentence, peut-être le Curé s’y seroit-il soumis. Mais les deux autres lui paroissoient un peu trop rigides pour être acceptez sans replique. Aussi esperoit-il, à force d’Amis, les faire révoquer, ou du moins modifier. Toutes ses Sollicitations, & tous les secours de ses Protecteurs ayant été inutiles, il en a apellé comme d’abus esperant que le Parlement ne le traiteroit pas, du moins, avec tant de rigueur. Il s’est trompé. Ce vénérable Tribunal, ayant mûrement examiné l'affaire, vérifié tous les faits, vient de déclarer nuls les moyens d’abus, & que le Curé avoit été très bien jugé par l’Official, dont il a confirmé la Sentence.
Peut-être croira-t-on, Monsieur, dans le païs où vous êtes, que les habitants de ce Vilage, scandalisez de la conduite de leur Pasteur, n’auront pas été fâchez [21] de la rude Pénitence qu’on vient de lui imposer. Il me semble voir vos bons Brabanҫons, à l’exemple de nos Provinciaux, triompher du malheur de ce pauvre Curé, & dire qu’on a très bien fait de le traiter ainsi, pour lui apprendre, & à tous ses confreres, à badiner de la sorte avec leurs pretenduës parentes. Mais nos Païsans, des environs de Paris, raisonnent tout autrement. Livello 4► « Pourquoi nous ôter notre Curé, disent ceux de Gentilli ? Pourquoi le punir si rigoureusement pour une petite foiblesse humaine ? Il avoit des Cousines qu’il amoit ! . . . Eh bien, depuis quand est-il defendu d’aimer ses parents & parentes ? . . . Mais elles éroient <sic> ses Maitresses & ses Concubines . . . Eh bien, voyez le grand mal ! Nos Seigneurs les Archevêques, Evêques, Abbez, Prélats & autres n’en ont-ils pas aussi, sans qu’on y trouve à redire, ni qu’on les punisse pour cela ? Notre Pasteur a cru que la chose ne lui étoit pas moins permise qu’à ces Messieurs. Y a-t-il seulement là de quoi foüetter un chat ? Pourquoi nous l’oter ; pourquoi le condamner à une prison & à une Pénitence perpetuelle ? C’est un si brave homme, & un si bon Curé ! Il nous prêche comme un Ange, nous fait boire chez lui tanquam Sponsus, quand nous allons le voir ; & il nous tient compagnie, le tout sans intérêt ; car il ne vient jamais chez nous, de peur, dit-il, de nous incommoder, ou de nous être à charge. Il nous laissoit en repos, aussi-bien que nos femmes autour desquelles on ne le voyoit jamais rôder, comme font tant d’autres, & comme fera, sans doute, son successeur à qui probablement on ne permettra pas d’avoir des Maitresses, puisqu’on punit si rigousement celui-ci pour en avoir eu. En ce cas, gare à nos femmes ! Morgué ! n’en déplaise à Monseigneur notre Archevêque, il auroit beaucoup mieux fait d’imiter ses deux Prédécesseurs. Nous serions tous tranquiles, comme nous l’avons été jusqu’à ce jour, au lieu que si sa Sentence s’exécute, nous aurons continuellement martel en tête ; & bien heureux encore si nous en sommes quittes pour la peur avec le nouveau Curé qu’il nous en [22] verra ». ◀Livello 4 Voilà, Monsieur, comme raisonnent nos Païsons de Gentilli. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ? … C’est ce que je vous laisse décider.
Pour vous prouver que ce que je viens de vous dire n’est point un discours en l’air, ni fait à plaisir, j’ajouterai ici, que ces charitables & politiques Paroissiens ; <sic> que le Seigneur même du Vilage (chose assez extraordinaire) que tout le monde enfin prend ici le parti de ce galant Curé ; & s’il paroit presque impossible de faire révoquer sa Sentence, du moins les uns & les autres sont-ils disposez à le soutenir de tous leurs moyens. Pour tâcher d’y réussir, Mr. le Baron de Bauvais, qui a déja dépensé dix mille livres pour sa defense, vient de l’engager encore à appeler de ces deux Sentences à l’Archevêque de Lyon, Primat des Gaules, & ses Paroissiens se cotisent pour fournir aux fraix de ce nouveau Procès. ◀Eteroritratto ◀Livello 3 Ne m’avouerez-vous pas, Monsieur, que ce dernier événement est tout-à-fait singulier, & vraiment extraordinaire ? Je ne sҫai si vous ferez part de cette Histoire, qui est ici publique, à vos Dames. Je laisse la chose à votre discrétion ; mais je ne vous conseille pas de la communiquer à vos Prêtres Brabanҫons qui, à ce que j’ai ouï dire, n’entendent pas raillerie sur cet article. Il ne leur en faudroit pas davantage pour vous faire passer pour Huguenot dans l’esprit du peuple ; car on devient Hérétique chez ces Messieurs aussi-tôt qu’on releve quelqu’une de leurs actions qui ne sont rien moins qu’édifiantes. Je ne doute pas même qu’ils ne me missent dans la même classe, tout Catholicissime <sic> que je suis, s’ils sҫavoient que je vous divertis de tems en tems par le recit des sotises de leurs Confreres, comme vous m’amusez quelquefois par le recit des leurs.
Livello 3► Ils nous diront : c’est une étrange affaire
Que nous ayons tant de part en ceci ! ◀Livello 3
Pour moi, voici ma réponse, qui sera aussi, je crois, la votre :
Livello 3► Que voulez-vous ? je n’y sҫaurois que farie ;
Ce n’est pas moi qui le souhaitte ainsi.
Si vous teniez toujours votre Bréviaire,
[23] Vous n’auriez rien à démesler <sic> ici ;
Mais ce n’est pas votre plus grand souci,
Et mieux aimez tenir gente Comere. ◀Livello 3
Au-reste, Monsieur, cette Histoire, aussi-bien que plusieurs autres dans ce goût, que je vous ai envoyées, & que je pourai encore vous envoyer sur le compte de ces Messieurs, ne doit rien diminuer de l’estime que tout bon Chretien doit avoir pour le Clergé qui est & sera toujours un Corps très respectable. Si quelques-uns de ses membres ne lui font pas honneur, il y auroit autant d’injustice à imputer leurs fautes à tout le Corps, qu’il y en auroit à décrier, & mépriser tout le Beau Sexe, par la raison, qu’il y a des femmes méchantes & libertines. Tel fut & tel fera toujours le défaut de toutes les Sociétez humaines. Le Fondateur de notre Sainte Religion, qui devoit bien se connoitre en hommes, n’en avoit que douze à sa suite, qu’il avoit choisis lui-même pour l’établissement de ce grand œuvre. Cependant parmi ces douze hommes, qui paroissoient la bonté même, il s’en trouva un assez scélérat pour vendre, livrer, & faire périr son Maitre. Ne seroit-ce pas une conséquence aussi fausse, qu’elle seroit injuste & imple, d’en conclure que les onze autres ne valoient pas mieux ? Doit-on être surpris, après cela, que dans un Corps composé, pour l’Europe seule, de plus d’un million d’hommes, il s’en trouve, de tems en tems, quelques uns qui soient sujets aux foiblesses, & même aux vices, de l’Humanité ? On doit, tout au contraire, être étonné de ce que le nombre des Prévaricateurs n’y est pas infiniment plus grand ; ce qui démontre incontestablement le bon ordre qu’on y tient ; & que, malgré tout ce qu’on en peut dire, la Piété, le Sҫavoir, & la Vertu regnent plus dans ce respectable Corps, que dans aucun autre.
La recherche que notre Parlement fait faire des Auteurs des Séditions arrivées ici le mois dernier, & dont je vous ai donné le détail dans ma dernière Lettre, intrigue plus d’une personne. On trouve plus de coupables qu’on ne se l’étoit d’abord imaginé. La Police même de cette Vile, je veux dire ceux qui sont chargez [24] d’exécuter les Ordres de son Chef, ne sont pas exemts de soupҫon. Notre Parlement a chargé des informations, usitées en pareilles rencontres, M. le Conseiller Severt, un de ses membres, qui paroit ne rien ménager pour éclaircir cette affaire. De sept ou huit Exempts qui avoient été chargez d’éxcécuter les Ordres du Lieutenant de Police pour enlever, il y a quelques mois, les Mendiants, & les Vagabonds, on en a arrêté & emprisonné deux dans la Conciergerie du Palais, & les autres auroient, dit-on, eu le même sort s’ils m’avoient pas pris la fuite. On procede dans toute la rigueur contre les premiers ; On admet aux preuves tous ceux qui veulent déposer contre eux. Il s’est déja présenté plusieurs personnes qui ont redemandé leurs enfans qu’on ne sҫait ce qui sont devenus. D’autres ont aussuré, avec serment, qu’ils avoient été obligez de racheter les leurs, à force d’argent, des mains de ces miserables. Le plus grand mal de tout cela, ce sont, d’un côté, les Morts qui ont été tuez dans ces emeutes, les portes enfoncées, les maisons pillées &, de l’autre, l’essai que la populace a fait de sa force en se mutinant, essai qui est toujours dangéreux, & qu’on auroit dû prévenir ou étouffer dès sa naissance. On ne voit pas encore à quoi aboutiront les procédures que l’on fait sur ce sujet ; mais il y a apparence qu’elles iront loin, & qu’elles seront des plus sérieuses.
Livello 3►
VERS.
Sur M. la Comtesse de N * * *.
Belise ne veut point d’Amant,
Mais voudroit un Ami fidelle
Qui pour elle eût des soins & de l’empressement,
Et qui même la trouvat belle.
Amants qui soupirez pour elle,
Sur ma parole tenez bon ;
Belise de l’Amour ne haït que le nom. ◀Livello 3
J’ai l’honneur d’être, &c,
Paris ce 12 Juin 1750.
◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 2
Livres Nouveaux
Et autres
Qui se vendent dans la Boutique de Pierre Gosse Junior, Libraire de S. A. R. sur le Plein, la seconde Maison près du Heerestraat, à la Haye.
L’Ingenieur de Campagne ou Traité de la Fortification passagere, par le Chevalier de Clayrac, 4. fig. Paris, 1749.
Rumpbii (Georg. Everb:) Herbarium Amboinense plurimas complectens Arbores, Frutices, Herbas, Plantas terrestres, & aquaticas, que in Amboina & adjacentibus reperiunter insulis, cura & studio Jo. Burmanni fol. tome 5 & 6. Hagæ Comit. 1750. cum multis figuris.
- - - id. fol. 6 vol. fig. ibid.
Analyse de la Quadrature du Cercle, par Mr. de Fauré, 4. la Haye, 1749. ◀Livello 1
1* Sanson Opéra, ou Tragedie-Lyrique, par M. de Voltaire Acte V. Scène 3.
