Citation: Anonyme (Joseph Marie Durey de Morsan) (Ed.): "N°. 21.", in: La Bigarure, Vol.4\021 (1750), pp. 7-8, edited in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): The "Spectators" in the international context. Digital Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4655 [last accessed: ].
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N°. 21.
Level 2► Letter/Letter to the editor► Vous me demandez, Monsieur, l’éclaircissement et le détail d’un événement dont vous me marquez que vous venez d’entendre parler, mais d’une manière fort confuse. C’est, dites-vous, une emeute arrivée à Vincennes, à l’occasion de l’enlevement qu’on y a, dit-on, voulu faire de quelques Enfans. Comme ce Vilage n’est qu’à une petite lieuë d’ici, vous avez présumé que j’en devois être instruit, si tant est que la chose ait valu la peine que l’on s’en informat.
Assurement, Monsieur, elle le méritoit ; & je puis vous protester que depuis tres long-tems, nous n’avons point eu d’événement ici qui ait fait plus de bruit, ni qui ait eu de plus fâcheuses suites. Aussi aurois-je été le premier à vous en informer si la chose m’avoit été possible plus tôt. Mais, comme dans la premiere chaleur des émotions populaires, il est impossible de démeler la vérité, & que celle-ci a duré pendant plusieurs jours, j’ai cru devoir attendre qu’elle fut finie, & que les esprits fussent calmez & tranquilles, pour pouvoir en aprendre plus surement tout le détail, & vous en instruire ensuite. C’est ce que je suis en état de faire aujourdhui ; de manière que non seulement vous ne perdrez rien pour avoir attendu, mais que vous seriez même fâché que je l’eusse fait plus-tôt, par la raison que ce que j’aurois pu vous en écrire n’auroit pas eu le même degré de certitude. L’examen & la discussion des grands événemens demandent du tems ; & vous sҫa-[8]vez, Monsieur, que ce n’est que par ce moyen qu’on vient à bout de discerner la Vérité du Mensonge. Un Arrêt que notre Parlement vient de rendre à ce sujet, & qui a enfin terminé tous ces troubles, vous prouvera que l’affaire a été des plus sérieuses. En voici l’Histoire & le détail.
On vous a trompé, Monsieur, quand on vous a dit que c’étoit à Vincennes que ces tumultueuses Scènes se sont passées. Ce n’est point dans ce Vilage, mais dans notre Capitale même, où peu s’en est fallu qu’elles n’ayent ramené la fâmeuse & sanglante journée des Baricades*1 . On ignore qui en ont été les premiers & véritables auteurs ; mais il n’y a point à douter que ces révoltes (car nous en avons eu dans presque tous les quartiers de Paris, & cela pendant plus de huit jours) n’ayent été fomentées par des personnes mal-intentionnées pour le bien public, & par cette sorte de gens qui ne trouvent leur compte qu’où les autres trouvent leur ruine. L’entreprise auroit paru difficile à tout autre. La bonté, la soumission, la douceur, & la docilité, qui sont comme naturelles à nos Parisiens, leur font regarder avec une espéce d’horreur tout ce qui a le moindre air de sédition. Mais quelque bons que soient les hommes, il n’y en a point dont on ne puisse faire tout ce qu’on veut lorsqu’on les sҫait prendre par leur foible ; & malheureusement il n’y en a point sur la Terre qui n’ait le sien, plus ou moins grand. Il ne faloit donc que prendre nos bons Parisiens par le leur ; & c’est ce que firent ces brouillons, en leur faisant craindre l’enlevement de leurs Enfans. ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 2
(La suite dans le No. suivant.) ◀Level 1
1* Voyez Mezerai, Histoire de France, & tous nos autres Historiens, Regne de Henri III, Anno 1588.
