Sugestão de citação: Jacques-Vincent Delacroix (Ed.): "LI. Discours.", em: Le Spectateur français avant la révolution, Vol.1\051 (1795), S. 392-409, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4162 [consultado em: ].


Nível 1►

LI. Discours.

Confession d’un Alchimiste.

Nível 2► Metatextualidade► J’ai promis a mes lecteurs de leur rendre compte de mon entretien avec un certain alchimiste. Je vais, pour remplir ma promesse, chercher à me rappeler les demandes que je fis à ce grand homme et les réponses dont il m’honora. ◀Metatextualidade

Nível 3► Narração geral► Je me trouvai, comme je l’ai dit, chez la malade dont il prenoit soin, lorsqu’il arriva. Ma présence parut d’abord l’étonner ; il s’avança d’un pas timide et d’un air contraint ; mais je le rassurai, en lui disant que j’étois le parent de la dame à laquelle il rendoit visite, et que je prenois tant d’intérêt à sa santé, qu’elle avoit bien voulu me faire part de son bonheur. Ce petit compliment le fit rougir. Je le priai de s’asseoir, et alors j’attachai sur sa figure pâle, maigre et sillonnée de quelques rides, l’œil pénétrant du Spectateur. Ses mains se por-[393]tèrent sur ses genoux, sa tête s’allongea, ses yeux vifs et allumés dardèrent la figure de la malade. Apres qu’il l’eut comtemplé <sic> à son aise, il lui dit : je crois que madame à eu cette nuit un sommeil moins agité, que son sang a été plus calme, que ses douleurs n’ont pas été très-vives. Je pense, lui répondit-elle, que vous désirez, comme moi, que ces heureux changemens arrivent ; mais la nature ne le veut pas, et elle est la plus forte. Madame, madame, répliqua-t-il en se redressant et en pinçant les lèvres, on lui commande quelquefois, il ne s’agit que de l’opposer à elle-même. Je n’ignore pas, reprit-elle d’un air riant, que vous en savez presqu’autant qu’elle. . . . . . Qu’allez-vous dire de moi, continua la malade, en s’interrompant du ton le plus aimable ; me pardonnerez-vous mon indiscrétion ? Mais aussi, de quoi vous avisez-vous de confier votre secret à une femme ? Je n’ai pas pu le garder. Monsieur, ajouta-t-elle, en se tournant vers moi, sait tout ce que vous avez bien voulu m’apprendre. A l’instant, l’esculape me regarda d’un œil embarrassé ; mais je dissipai son inquiétude en lui disant : monsieur, vous avez été plus heu-[394]reux que moi ; celui qui vous parle a passé bien des jours, a erré bien long-temps dans les forêts, a gravi bien les montagnes, pour rencontrer ce qui s’est offert à vous. Une partie de ma fortune s’est fondue dans le creuset, et toutes mes espérances se sont changées en fumée. Les lampes que j’ai suspendues, et dont la flamme brilloit nuit et jour, n’ont répandu que des ténèbres sur mon esprit, n’ont éclairé que ma tristesse. A ces mots, j’ai vu, comme je le prévoyois, la figure de l’imposteur se dilater : il m’a considéré comme une victime de l’erreur et de la cupidité, dont la fourberie pouvoit encore s’engraisser. Monsieur a-t-il répliqué, puisque madame vous a confié ce secret, le plus important de tous, vous devez savoir que le mal n’est pas sans remède, qu’il ne nous sera pas impossible de posséder les plus précieux dons que la nature et la fortune puissent accorder à l’homme. Oserai-je, ajouta-t-il, vous demander quel âge vous avez ? Je touche, lui repliquai-je à mon sixième lustre. Ah ! s’écria-t-il, l’heureux moment pour fixer le temps, pour arrêter sa main meurtrière, pour conserver la fraîcher de la jeunesse et la force de [395] la virilité ! Qu’il est doux de goûter les douceurs d’un printemps éternel, de ne point redouter la tristesse de l’automne et le glaces de l’hiver ! Malheureusement pour moi, les années se sont accumulées sur ma tête, les frimats ont blanchi mes cheveux, et vous savez que la plus haute science ne peut que conserver l’homme au point où il est arrivé. Celui-là, ajouta-t-il, est un fourbe qui ose promettre au vieillard les graces du belle âge et ses doux plaisirs. L’empreinte du temps est ineffaçable ; nous pouvons seulement empêcher qu’elle ne devienne plus profonde.

Que faut-il faire, répartis-je, pour parvenir à cette heureuse découverte ? Un pas, un seul pas, et nous y touchons. Vous avez dû, continua-t-il, me trouver, lorsque je suis entré, un air de tristesse. Hélas ! qui pourroit ne pas être abattu, consterné ? Je voulois, poursuivit-il, ne rien devoir à madame ; je voulois qu’elle tint tout de moi. J’avois cette nuit rassemblé tout ce qui me restoit d’or et d’argent, de cuivre et de plomb ; un feu ardent avoit fondu, mélangé ces métaux : j’avois précipité au fond d’un large creuset toutes les parties pesantes et [396] grossières ; déjà, par le moyen d’une poudre précieuse, je voyois s’élever, se consolider une vapeur brillante, qui se fixoit en s’arrondissant, qui étinceloit de mille couleurs ; l’avare du ciel, le feu des rubis, le doux éclat de l’émeraude n’ont rien de comparable à ce que je voyois. Mes yeux enchantés restoient attachés sur ce prodige de richesses et de beautés : saisi d’admiration, de respect et de crainte, je n’osois respirer. Tout-à-coup (terrible effet du sort) une de mes croisées, pressée par le vent s’ouvre, laisse un libre passage à l’air ; à l’instant ce globe étincelant s’évapore, se dissipe et me replonge dans l’infortune.

Voilà, monsieur, le sujet de ma tristesse. Mais, lui demandai-je, ce malheur est-il irréparable ? Tout, reprit-il, tout se répare avec de l’argent ; il n’y a que celui qui n’en a point qui soit à plaindre. Croyez-vous que si j’avois eu quelques unes de ces pièces, auxquelles la misère des hommes attache tant de prix, que je n’aurois pas à l’instant jetté de nouvelles matières dans le creuset, que je n’aurois pas laissé tomber quelques grains de plus de cette poudre qui élève, fixe les particules précieuses qui s’échappent [397] des métaux, lorsque le feu les a dissoutes ? Doutez-vous que ces atômes si purs, après avoir été pendant quelque moment pressés, rapprochés, incorporés par l’air extérieur, ne fussent devenus palpables, et ne m’eussent fourni ce germe de vie qui fait procréer la matière ?

La malade et moi nous admirions la facilité avec laquelle cet homme enchaînoit ses idées extravagantes. Je vous avoue, lui répliquai-je, que j’ai peine à entrevoir des rapports entre les principes de notre existence et ses corpuscules brillans dont vous parlez.

Monsieur, répartit notre éloquent discoureur, vous vous êtes contenté, comme tous les hommes, d’examiner le jeu de la nature, sans en étudier les ressorts. Qu’y a-t-il de commun entre le limon que vous foulez à vos pieds et la farine qui vous nourrit ? Avez-vous remarqué que rien ne se reproduit que par la destruction ; que le grain, avant de former l’épi qui en renferme tant d’autres, est broyé par la fermentation ; qu’il est nécessaire que toutes ses parties se divisent avant que le germe [398] de production qui se trouve en lui, se dilate, s’accroisse, s’élève et s’enrichisse ?

Ces insensés qui nous regardent comme des fous, parce qu’ils sont stupides, ne se doutent pas que la nature, qui est l’alchimiste par excellence, fait sur eux de continuelles opérations de son art divin. Ils ne savent pas que de ces alimens broyés, divisés dans leur estomac, il s’en échappe des particules de vie qui donnent au poëte l’enthousiasme, au guerrier le courage, et à l’amant les plus vifs désirs. Ils n’ont jamais fait attention que de leur masse imbécille. . . . Mais j’oublie que je parle devant une dame, et que je ne dois pas révéler, en sa présence, le mystère de la génération.

Je ne me lassois point d’entendre ce mélange de vérités et de mensonges. Je faisois sans cesse de nouvelles questions à l’illuminé qui nous parloit. Dites-moi, je vous prie, pourquoi cet élixir si rare et préférable au nectar, dont s’enivroient les immortels, rend l’homme invulnérable sous la faulx du temps ?

Il est certain, me répliqua-t-il, que le nectar, dont vous parlez n’étoit autre chose [399] que l’élixir que nous cherchons. Homère en avoit puisé l’idée dans cette source de vérités éternelles qui s’altère et se corrompt dans son cours.

N’est-il pas vrai, poursuivit-il, que les végétaux, les minéraux ont tous des qualités aussi variées que leurs formes ; que leur effet est toujours en raison de leur essence ; que le cuivre pulvérisé pourroit être funeste à l’homme, parce que ses parties sont liées à d’autres parties grasses, impures et mal-saines ; que l’or potable et salubre par la raison contraire ?

Vous voyez donc que si l’on parvient à attirer des métaux ce qu’ils renferment de plus pur, si l’on en peut exprimer ce germe précieux qui les fait végéter dans le sein de la terre, il ne sera pas difficile à l’homme d’ajouter de nouvelles forces au principe de vie, qui ébranle la masse dont il est environnée, et de se garantir de cette extinction qui amène la défaillance et produit le repos, l’inertie, que l’on nomme la mort.

L’alchimiste, satisfait de l’impression que son discours avoit fait sur nous, s’arrêta, et fit un mouvement qui nous menaça de son départ. Je lui promis de l’aller voir et [400] de concourir avec lui à la découverte d’une vérité si intéressante.

Mais, quel fut son étonnement lorsque le lendemain, après m’être porté jusqu’à son bouge, l’avoir prié de s’asseoir et de m’écouter un instant, je lui dis que je venois me justifier ; qu’il ne m’étoit pas possible de lui laisser plus long-temps l’idée qu’il avoit dû concevoir de mon esprit ! Le plus vif désir, ai-je continué avec le flegme qui donne tant de gravité aux expressions et de forces aux pensées, le plus vif désir qu’éprouvent les hommes élevés au-dessus du vulgaire, c’est celui d’être estimés de leurs semblables : il est certain que vous avez dû me voir à vos pieds, d’après les choses que j’ai eu l’air de croire, et celle que j’ai eu la fausseté de vous dire. Ces lampes, dont je vous ai parlé, c’est mon imagination qui les a allumées ; ces creusets où je vous ai dit qu’une partie de ma fortune s’étoit fondue, n’ont jamais ressenti la chaleur d’une étincelle ; l’argent que je devoir vous donner pour poursuivre vos opérations alchimiques, je ne l’aurai de ma vie : vous voyez qu’il ne m’auroit pas été très-difficile d’ajouter que j’avois vu comme vous ce [401] globe brillant qui a charmé vos regards, imitez ma franchise, et ne nous abusons ni l’un ni l’autre. Je suis le Spectateur, et vous devinez combien un personnage aussi rare que vous l’êtes a dû me paroîte précieux. Mon œil attentif vous a décomposé et a vu que le besoin avoit allié le mensonge à l’esprit et aux connoissances. Ne puis-je espérer que les foibles secours que je vous apporte de la part de notre jeune malade, qui n’est point ma parente, mais mon amie, vous rendront à votre pureté naturelle ? A ces mots, il a tourné ses regards sur moi ; nous sommes restés tous les deux dans le silence en nous observant, (je ne l’aurois pas rempu pour tout au monde). Monsieur, m’a-t-il répliqué, combien vous n’humiliez, et combien j’aurois honte de vous en imposer plus long-temps. Retrato alheio► Je suis, à la vérité, le fils d’un homme qui s’est ruiné, en s’occupant de cette belle chimère si difficile à réaliser. Pendant dix ans de sa vie, il a cherché la pierre philosophale, et il n’a trouvé que l’indigence. Le désespoir et la misère l’ont emporté de ce monde ci dans l’autre. Il m’a laissé sans appui, sans fortune ; je me suis enrôlé à l’âge de vingt [402] ans dans une légion de nos traitans, en qualité de commis aux aides ; mais ces messieurs se sont apperçus que je ne les aidois pas beaucoup. Je faisois la cour aux femmes des débitans, les maris me faisoient la leur, et nous nous trompions de notre mieux. Les fermiers, qui ne se soucient pas d’avoir à leur service des commis si galans, m’envoyèrent une permission de me retirer. J’étois jeune, entreprenant : ces qualités-là me dédommagèrent quelques années de mon emploi ; mais à force de devenir intéressant, je cessai d’intéresser. Il fallut me résoudre à reprendre la plume, ou à me charger d’un fusil. Comme l’un est moins lourd que l’autre, je sollicitai une place dans les vivres, pour ne pas mourir de faim. J’admirois l’appétit des chefs sous lesquels je servois. En vérité, Monsieur, ces gens-là, lorsqu’ils sont à l’armée, mangent plus que des éléphans. Ils font disparoitre des voitures de farine avec une dextérité étonnante. Je tirai de mon humble position le meilleur parti possible. Je gémissois de rester si fort au-dessous des grands modèles que j’avois devant les yeux. Mais ils étoient armés d’une faulx, et moissonnoit dans un champ fer-[403]tile : moi je les suivois de loin, et ne faisois que glaner des épis délaissés. Après trois ou quatre campagnes, qui coûtèrent la vie à quelque milliers d’hommes, on s’apperçut de part et d’autre qu’il valoit autant laisser mourir les gens dans leur lit, que de les envoyer s’égorger en rase campagne. On mit bas les armes, et moi je fus obligé de poser la plume. Je suis revenu paisiblement dans cette capitale, où j’ai consumé le plus lentement que j’ai pu l’argent que j’avois amassé. Que faire pour en gagner d’autre ? Comment se garantir de l’extrême besoin, et de la sévérité de la justice ? Comment marcher entre la faim et le glaive de la loi, sans être dévoré par l’un, ou frappé par l’autre ? Comment étendre sur le patrimoine des sots une main active, sans être apperçu des surveillans qui le garde ? Un jour que je m’agitois douloureusement à travers ces sombres pensées, me regards se portèrent sur un vieux coffre qui servoit de pâture aux vers. C’étoit un des plus précieux meubles de la succession de mon père. Sa légèreté ne m’avoit pas inspiré le desir de l’ouvrir, mais ma misère me fit naître celui de le vendre. A l’instant je fais disparoître la [404] poussière qui l’environnoit ; j’appelle un frippier ambulant, et je lui montre le meuble dont je voulois me défaire. Il s’en approche, l’examine d’un œil de dédain, et l’ouvre en détachant la serrure. J’apperçois au fond deux manuscrits, dont je cherche aussitôt le titre. L’un étoit le livre que vous avez vu chez votre amie ; l’autre contenoit quelques recettes de charlatan à l’usage des dupes. Il me vint alors une idée, ce fut de me faire restituer par l’alchimie ce qu’elle avoit coûté à mon père, et de me servir de mon livre de médecine pour m’introduire chez de riches malades, dont l’esprit affoibli par la douleur ou la crainte de la mort, adopteroit mes chimères, et qui les réaliseroient en me confiant une partie de leur argent. Comme il n’y a point de talent qui n’ait besoin d’être un peu prôné, j’ai pris à mes gages deux femmes qui s’insinuent assez adroitement dans les maisons où de graves maladies ont répandu la tristesse. Elles ont eu, si on les en croit, tous les maux imaginables, et il n’y a que moi qui les ait pu guérir. C’est par ce petit artifice que j’ai pénétré chez votre amie. Vous voyez, continua-t-il, à quoi m’a réduit le besoin. ◀Retrato alheio Ah ! [405] Monsieur, lui dis-je en l’interrompant, que ce besoin est horrible, puisqu’il peut porter l’homme à assassiner de sang-froid son semblable ! Monsieur, poursuivis-je d’une voix plus tranquille, je ne suis pas riche ; mais toutes les fois que pour exister vous vous sentirez forcé de recourir à des moyens aussi cruels que ceux que vous employez, venez me trouver, et je ferai tous mes efforts pour vous épargner un crime, et préserver l’humanité de votre indigence.

Je me levai sans lui donner le temps de me répondre, et laissai dix louis sur sa table pour prix de sa franchise. ◀Narração geral ◀Nível 3

Lettre

D’un Homme devenu pauvre par vanité :

Nível 3► Carta/Carta ao editor► Monsieur le Spectateur,

J’ai été long-temps heureux, et je ne le suis plus ; j’ai été long-temps riche, et je me trouve dans la misère. Je n’ai pourtant rien [406] perdu ; au contraire, j’ai à présent plus d’argent que je n’en ai eu de ma vie. Voulez-vous que je vous dise quelle est l’époque de mon indigence ?

C’est depuis que je trouve qu’un quatrième étage est bien haut, quoique j’y monte sans être fatigué.

C’est depuis que j’ai la bêtise de me morfondre dans une allée pendant qu’il pleut, de crainte de gâter ma frisure.

C’est depuis que j’ai remarqué qu’une chandelle ne jettoit pas autant de lumière que deux, et que de la bougie étoit plus honnête.

C’est depuis que je ne crois plus pouvoir me passer d’un appartement, quoiqu’une chambre me suffise.

C’est depuis que je rougis d’aller prendre mes repas chez un traiteur qui me nourrit assez bien, mais à la porte duquel jamais un carrose ne s’arrête.

C’est depuis que je me cache à l’entrée des promenades, pour accepter les services d’un humble mercenaire, afin de paroître sortir de voiture.

C’est depuis qu’au spectacle j’ai regardé ceux qui garnissent les loges, et que j’ai [407] songé qu’ils étoient assis, et que j’étois debout.

C’est depuis que j’ai eu la sottise d’accepter le dîné de quelques gens du monde, chez lesquels on meurt de soif, si l’on n’a pas un laquais derrière soi.

C’est depuis qu’un médecin m’a paru nécessaire dans des maladies que le temps et la nature guérissent.

C’est depuis que j’ai honte d’avouer que je n’ai pas lu tel livre ou telle pièce dont personne n’est content.

C’est depuis que j’ai eu la petite vanité de préférer en public la compagnie d’un sot richement vêtu, à celle d’un homme d’esprit mis simplement.

C’est depuis que je n’ose faire deux lieues à pieds, quoique je puisse marcher quatre heures sans être las.

C’est depuis que le Luxembourg, les nouveaux Boulevards, les Tuileries, le Cours-la-Reine, le Bois de Boulogne, ne me paroissent pas valoir dans l’été une charmille ou une allée de noyers qu’on rencontre à la campagne.

C’est depuis qu’une jeune grisette qui a la fraîcheur de la rose, la modestie de l’hon-[408]nêteté, le silence de la sagesse, me semble moins piquante qu’une créature enluminée, qui a l’œil hard, le verbe haut, le ton tranchant et l’éclat d’un bel ajustement.

C’est depuis que je préfère à l’agrément d’une lecture solitaire l’ennui du jeu, parce qu’il me rend nécessaire dans le monde.

C’est depuis que je suis piqué de vouloir donner à dîner à mes gens qui croient mourir de faim à ma table, en mangeant le quart de mon revenu.

C’est depuis que j’ai pensé qu’il étoit honnorable de s’attrister avec les grands, et que cela valoit bien mieux que de s’amuser avec ses égaux.

Enfin, Monsieur, c’est depuis que j’ai cru voir que les dentelles humilioient l’humble broderie, et attachoient l’œil des dames.

Ah ! Monsieur, quelles tristes découvertes j’ai faites là : elles m’ont coûté mon repos et la liberté ! Je me traîne aujourd’hui péniblement sur les pas de l’opulence. J’ai beau me couvrir de sa belle livrée, il y a toujours quelques signes qui indiquent que je ne lui appartiens pas. Que dites-vous, monsieur le Spectateur, de ma bonne foi ? Hélas ! j’ai assez de cou-[409]rage pour vous découvrir mon mal ; que ne puis-je avoir la force de le guérir ! ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1