Le Spectateur français avant la révolution: XXXI. Discours.

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XXXI. Discours. Exhortations à un Peuple qui paroissoit se lasser de son Gouvernement.

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Metatextuality

Je commence à sentir combien l’engagement que j’ai pris est difficile à remplir. Chaque pas me découvre de nouveaux obstacles. J’éprouve déjà combien il est triste de percer dans l’avenir, lorsque l’on ne peut pas dire ce que l’on entrevoit. Cette gaîté douce qui se communiquoit à mes écrits, s’altère tous les jours ; mon imagination obscurcie n’enfante plus que des idées sombres Dans <sic> quel temps suis-je venu, et quels objets s’offrent à mes regards ! Observateurs de l’humanité, ô vous qui m’avez précédé, vous n’aviez qu’à décrire la folie des hommes, leurs jeux frivoles, leurs passions les secrets mouvemens de leur cœur. Vous pouviez vous amuser de leurs débats, de leurs vaines querelles : et moi je suis forcé de les plaindre.
La nation la plus légère, la plus enjouée, est devenue sombre et pensive. On ne la voit plus dans sa course inconstante faire naître les plaisirs sous ses pas : elle ne cherche plus qu’à donner le change à sa douleur. Peuple aimable et né pour le bonheur, livre-toi à l’espoir d’un avenir plus heureux ! Jette tes regards sur les nations qui t’environnent ; vois le fier Espagnol baisser sa tête superbe sous le joug de l’autorité qui commande : toutes ses richesses ne valent pas celles que la nature répand autour de toi. Examine ces contrées si belles et si riantes, habitées autrefois par les souverains de l’univers ; comme elles sont changées ! Le sol n’est plus déchiré par la main de l’homme libre ; il est arrosé pas <sic> les pleurs de l’esclavage et de l’indigence. Que ces temples superbes enrichis par les arts, que ces jardins magnifiques qui embellissent la capitale du monde, ne te fassent point illusion ; elle renferme dans son sein presqu’autant de malheureux que d’habitans. Compare ton sort à celui de ces peuples nombreux qui obéissent en tremblant aux ordres d’un orgueilleux sultan. Leur pays désolé par la guerre, la famine et la peste offrent à chaque pas l’image de la mort. Ces esclaves du Nord, qui marchent comme de vils troupeaux à la voix des maîtres qu’ils nourissent, ne sout-ils <sic> pas plus à plaindre que toi ? Les uns opprimés par mille tyrans, les autres dédévorés <sic> par un seul, passent leurs tristes jours dans la misère et l’effroi. Entends-tu les cris séditieux qui s’élèvent de dessus cette isle où l’étendart de la liberté flotte encore ? Le sang y coule en pleine paix ; les citoyens s’y égorgent ; la divinité qu’ils adorent, plus cruelle que la tyrannie, leur demande sans cesse de nouvelles victimes. Sur quelques lieux de la terre que s’arrête ta vue, tu n’appercevras que peine et privation. Cesse donc de t’envisager sous un aspect si triste et si humiliant ; oublie un instant tes maux, pour t’occuper des biens qui te restent. La nature bienfaisante ne peut-elle adoucir ton sort ? Hélas ! par quelle fatalité, lorsque la terre est chargée d’une moisson abondante, le cultivateur ressent-il encore les horreurs de la faim ! Pourquoi, quand les côteaux, enrichis de grappes pendantes, présentent l’espoir d’une heureuse récolte, le vigneron misérable peut à peine étancher sa soif et réparer ses sources avec la liqueur dont son travail est la source ? Les prairies ne suffisent pas à nourrir les nombreux troupeaux qui y paissent, et le pasteur indigent n’a pas de quoi se vêtir. Enfans de la nature, en abandonnant les campagnes pour vous entasser dans des villes, que de maux, que d’injustices vous avez créés ! Vous avez quitté les seuls biens pour des chimères ; vous avez fait dépendre votre bonheur, votre repos, des conventions humaines. Insensés ! ignorez-vous que l’ouvrage de l’homme est aussi fragile que lui ? Au lieu de courir après le hazard, que ne vous êtes-vous attachés à la terre ? elle vous auroit nouris. Combien d’hommes gémissent aujourd’hui, et appréhendent la plus affreuse misère ! Combien de père tremblent pour leurs enfans, qui n’auroient jamais connu la peine et le souci, s’ils n’eussent dédaigné l’héritage de leurs ancêtres, s’ils ne se fussent pas livrés aux espérances qui séduisent l’ambitieux, et l’entraînent au milieu des dangers ! Descendans des Francs, rappelez-vous ce qu’ont coûté à vos aïeux les révolutions et les guerres intestines ; je le vois, vous voudriez revenir à vos anciens privilèges ; craignez, si vous ne marchez pas d’accord vers ce but glorieux, de ne rencontrer qu’une nouvelle servitude dans la route périlleuse de la liberté.

Lettre.

Conjecture sur un troisième Sexe.

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Letter/Letter to the editor

Monsieur, Voulez-vous bien me dire si vous ne vous êtes proposé que d’observer deux sexes ? Ma question vous étonne sans doute ; vous ne vous étiez peut-être pas encore avisé d’en soupçonner un troisième ; c’est pourtant sur celui-là que je veux arrêter mes regards. Je vous vois d’ici lever les épaules, et rire de pitié ; mais ces êtres foibles et légers, que les plus petits événemens attirent ou élèvent au comble de la joie, parlons franchement, Monsieur, sont-ce là des hommes ? Il seroit trop ridicule de le penser. Nous ne ferons pas non plus cet honneur à ces jolies marionnettes si parées et si ajustées, qui n’attachent d’importance qu’aux choses les plus frivoles ; qui, remplies de graces et de minauderies, cherchent à nous subjuguer avec les petits moyens que nous mettons quelquefois en usage pour vous séduire. Et ces créatures rampantes, que l’ambition eu l’intérêt conduit au déshonneur, qui, sans caractère et sans courage, cèdent à la première impulsion qu’elles reçoivent, flottent sans cesse entre l’espoir et la crainte, soyez de bonne foi, monsieur le Spectateur, les prenez-vous pour des hommes ? Pour moi, je vous avoue que je me garde bien de mettre au nombre des femmes ces machines brillantes, dont un goût d’imitation et une vanité sans esprit dirigent tous les mouvemens. Et ces êtres glacés, qui n’ont jamais éprouvé, ni fait goûter le charme du sentiment, qui prennent leur stupide indifférence pour de la vertu, imaginez-vous, Monsieur, que je les envisage comme mes semblables ? Non, en vérité ; vous voyez que j’aurai un bon nombre de personnages à peindre. Combien de gens qui se croient les coryphées de leur sexe, seront surpris de se reconnoître dans les portrait que je ferai de sexe neutre, je veux dire de celui qui n’a, ni les vertus du vôtre, ni les charmes, ni les aimables qualités du mien ! Ce qui me flatte le plus dans mon projet, c’est qu’il est neuf et original. Je ne sais pas pourquoi, nous qui avons le coup-d’œil si perçant, nous ne nous sommes pas encore avisés de faire un ouvrage dans le genre du Spectateur : certainement nos observations (je le dis sans vanité) vaudroient bien les vôtres, messieurs les Spectateurs Anglais et Français ? Pouvez-vous, par exemple, vous flatter de nous connoître ? Cependant vous ne cessez de parler de nous. Hélas ! souvent nous ne méritons pas plus vos éloges que vos reproches. Croyez-moi, Monsieur, les femmes ne peuvent être jugées que par elles-mêmes : elles n’y gagneront pas ; mais elles sauront du moins à quoi s’en tenir. Pour les hommes, ils n’ont jamais été plus observés et mieux connus que par nous : la manière dont nous les traitons le prouve assez bien. Ne soyez donc pas surpris, Monsieur, si vous voyez tout-à-coup paroître sur la scène du monde une Spectatrice, dont les yeux ne seront point obscurcis par les préjugés ; qui, sans avoir égard aux distinctions, aux dignités, à l’opulence, et à tous ces signes extérieurs qui caractérisent les hommes et les femmes, mettra chaque individu à sa place.