La Bagatelle: LXXII. Bagatelle
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Nivel 1
LXXII. Bagatelle
Du Jeudi 12. Janvier 1719.
Nivel 2
Metatextualidad
En lisant la Phédre de Pradon, j’y
ai trouvé un passage qui dépeint excellemment bien, à mon
avis, le caractère de ces Coquettes qu’on aime par
indifférence, & que l’orgueil porte aux derniers excès.
C’est Phédre qui parle à Aricie.
Nivel 3
Cita/Lema
Hélas! Je me croyois plus
superbe & plus fiére, De la race des Dieux, Fille de
la Lumiére,
Avec dédain j’ai vu des Rois humiliés
En la Cour de Minos soupirer à mes piés. Mais Dieux ! nous méprisons les conquêtes faciles, Nous voulons ébranler les cœurs les plus tranquiles ; Et c’est le piége adroit, où l’Amour nous surprend, Quand il arme nos yeux contre un indifférent. Par orgueil on veut vaincre, on s’attache, on s’oublie: En voulant l’attendrir on se trouve attendrie ; Notre feinte commence à nous abandonner, Et l’on prend de l’amour, lorsqu’on croit en donner.
Avec dédain j’ai vu des Rois humiliés
En la Cour de Minos soupirer à mes piés. Mais Dieux ! nous méprisons les conquêtes faciles, Nous voulons ébranler les cœurs les plus tranquiles ; Et c’est le piége adroit, où l’Amour nous surprend, Quand il arme nos yeux contre un indifférent. Par orgueil on veut vaincre, on s’attache, on s’oublie: En voulant l’attendrir on se trouve attendrie ; Notre feinte commence à nous abandonner, Et l’on prend de l’amour, lorsqu’on croit en donner.
Metatextualidad
Il me paroit que la situation
malheureuse d’un cœur jaloux, est assez bien caractérisée
dans la Parodie suivante de ce Vers d’Ovide.
Cita/Lema
Res est solliciti plena timorois
amor.
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs.
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs.
Cita/Lema
Je sai qu’Iris m’accorde une
tendresse extrême : Soyez-en les témoins, momens, heureux
momens,
Momens remplis d’appas, choisis par l’Amour même. Momens envain cherchés par mille autres Amans !
Et cependant, fondé sur la moindre chimére,
Je crains que mon Iris, inconstante & légére,
Au mépris de mes feux n’aspire à d’autres cœurs.
Si tu connus jamais une vive tendresse,
Juge de mon amour, Iris, par ma foiblesse :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Tout ce que dit Iris m’est un sujet de crainte :
Blâme-t-elle d’Arcas le cœur fier & brutal.
Je dis, rusée Iris, nous comprenons ta feinte,
Tu veux cacher tes feux , mais tu les caches mal. Prise-t-elle d ‘Arcas la taille avantageuse .
Son adresse, son air ; je l ‘en crois amoureuse,
Et ma raison se livre aux plus noires vapeurs.
Pardonne, aimable Iris, à ma flamme trop vive ;
L’excès de mon amour rend ma faute excessive :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Pousse-t-elle un soupir ; un soupçon peu solide, D’un effet de plaisir fait un effet d’effroi.
Tu me donnes la mort, dis-je, soupir perfide
Qu’on pousse devant moi pour un autre que moi. Et quand je vois Iris enjouée & badine, Sa belle humeur me met dans une humeur chagrine ; Tous ses plaisirs pour moi sont d’amères douleurs.
Non, tu ne m’aimes point, dis-je en soupqons fertile.
Iris, si tu m’aimois, tu serois moins tranquile :
Un amour violent n ‘est jamais sans frayeurs. J’en reçus l’autre jour un baifer doux & tendre,
Baiser tel que Vénus en donne à ses Amans :
De quel Maître en Amour, dis-je, peut-elle apprendre.
Des baifers, que l’Art seul peut rendre si charmans ? Quand Iris, refusant un bien qu’elle souhaite,
Par sa molle défense aspire à sa conquête,
Je crois qu’Arcas sans peine en obtient des faveurs
De mes jaloux transports, malheureuse victime,
J ‘aime trop mon Iris, & c’est-là tout mon crime :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Mais quelle fut ma peur, Dieux ! encore j’en tremble,
Quand je vis un Berger, un Berger dans ses bras,
Quels ravissans plaisirs goûtérent-ils ensemble !
Il embrassoit Iris, elle embrassoit Lycas. Mais ridicule effet d’une aveugle colére,
Je ne reconnus point Lycas, Lycas son frére. Qui recevoit d’Iris d’Innocentes faveurs.
Si tu connus jamais une vive tendresse,
Iris, de mon amour juge par ma foiblesse :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs.
Momens remplis d’appas, choisis par l’Amour même. Momens envain cherchés par mille autres Amans !
Et cependant, fondé sur la moindre chimére,
Je crains que mon Iris, inconstante & légére,
Au mépris de mes feux n’aspire à d’autres cœurs.
Si tu connus jamais une vive tendresse,
Juge de mon amour, Iris, par ma foiblesse :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Tout ce que dit Iris m’est un sujet de crainte :
Blâme-t-elle d’Arcas le cœur fier & brutal.
Je dis, rusée Iris, nous comprenons ta feinte,
Tu veux cacher tes feux , mais tu les caches mal. Prise-t-elle d ‘Arcas la taille avantageuse .
Son adresse, son air ; je l ‘en crois amoureuse,
Et ma raison se livre aux plus noires vapeurs.
Pardonne, aimable Iris, à ma flamme trop vive ;
L’excès de mon amour rend ma faute excessive :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Pousse-t-elle un soupir ; un soupçon peu solide, D’un effet de plaisir fait un effet d’effroi.
Tu me donnes la mort, dis-je, soupir perfide
Qu’on pousse devant moi pour un autre que moi. Et quand je vois Iris enjouée & badine, Sa belle humeur me met dans une humeur chagrine ; Tous ses plaisirs pour moi sont d’amères douleurs.
Non, tu ne m’aimes point, dis-je en soupqons fertile.
Iris, si tu m’aimois, tu serois moins tranquile :
Un amour violent n ‘est jamais sans frayeurs. J’en reçus l’autre jour un baifer doux & tendre,
Baiser tel que Vénus en donne à ses Amans :
De quel Maître en Amour, dis-je, peut-elle apprendre.
Des baifers, que l’Art seul peut rendre si charmans ? Quand Iris, refusant un bien qu’elle souhaite,
Par sa molle défense aspire à sa conquête,
Je crois qu’Arcas sans peine en obtient des faveurs
De mes jaloux transports, malheureuse victime,
J ‘aime trop mon Iris, & c’est-là tout mon crime :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs. Mais quelle fut ma peur, Dieux ! encore j’en tremble,
Quand je vis un Berger, un Berger dans ses bras,
Quels ravissans plaisirs goûtérent-ils ensemble !
Il embrassoit Iris, elle embrassoit Lycas. Mais ridicule effet d’une aveugle colére,
Je ne reconnus point Lycas, Lycas son frére. Qui recevoit d’Iris d’Innocentes faveurs.
Si tu connus jamais une vive tendresse,
Iris, de mon amour juge par ma foiblesse :
Un amour violent n’est jamais sans frayeurs.