Le Nouveau Spectateur (Bastide): Discours VI.
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Discours VI.
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Allgemeine Erzählung
Vadé avoit une petite commission
au Bureau du Vingtième. Il y avoit dans ce même Bureau un
Surnuméraire qui ne sortoit point avec les autres à l'heure
du dîné. Vadé y fit attention, & surpris de cette
singularité, il s'informa de l'état de cet homme : on lui
dit que sa pauvreté étoit si grande, qu'un morceau de pain
qu'il mangeoit au Bureau, faisoit toute sa nourriture. Vadé
n'étoit point riche, mais il étoit généreux &
compatissant. On m'a assuré qu'il donna à l'Hôte de ce
malheureux de quoi le nourrir pendant un mois ; & de
mois en mois, il paya ainsi sa pension, jusqu’à ce qu'il lui
eût obtenu un emploi qui le fît vivre. Ce trait
qui fait autant d'honneur à Vadé que ses plus charmans
Ouvrages, a été omis dans sa Vie. Voilà le sort de
l'Histoire ; elle est souvent plus infidelle que
l'Epigramme. Il faudrait qu'elle fût toujours écrite par des
Philosophes, & les Philosophes sont rares dans un pays
où l’on ne naît point libre, & où le bien commun demande
qu'on ne le soit pas. C'est presque toujours l'intérêt ou
l'amitié qui se charge de transmettre la mémoire des hommes
à la postérité. L'intérêt cherche à flatter le goût de la
nation pour laquelle il écrit, & sait de la frivolité ou
des prodiges l’essentiel de son Livre, si cette nation est
frivole ou enthousiaste ; l'amitié cherche à se satisfaire
elle-même y & se gardera bien de tout dire, parce qu'en
disant tout, elle sent qu'elle deshonoreroit l'idole qu'elle
adore. J'en fournirai une preuve. Un homme a
vécu qui avoit une très-grande réputation ; quelques-uns de
ses Ouvrages paieront à la postérité, & il mérite
personnellement d'être connu d'elle. Mais cet homme avoit un
grand défaut, (il n'aimoit que lui), & il faudroit que
ceux qui, pour le faire revivre parmi nous & dans
l'autre sphére, se sont attachés à nous apprendre tout ce
qu'il a sait & tout ce qu'il a dit d'agréable, se
fussent imposé la loi d'éviter d'en faire un Dieu, ou nous
eussent peint du moins quelquefois l'homme dans le Dieu. Car
il n'y a point d'Etre parfait ; nous n'en admettrons jamais,
& nous tomberons même dans une sorte d'indifférence pour
l'objet de notre enthousiasme, si nous venons à nous
appercevoir qu'on ait voulu nous livrer en enclaves à
l'empire de l'admiration. L'amitié a voulu
écrire une histoire qui n'appartenoit qu'à la philosophie;
elle a craint de tout dire , de on a déjà tout oublié ; la
philosophie eût tout dit & nous nous occuperions encore
de cet homme comme s'il existoit. Voici un fait qu'on a
omis, & qui peint tout son caractere. II donnoit un jour
à dîner au célèbre Abbé du Bos. C’étoit dans la primeur des
asperges. Il lui dit, Abbé ? je vous donne des asperges,
mais comme elles sont cheres & que nos goûts différent
pour l'assaisonnement, je n'en ai fait prendre qu'une
demi-botte, & ma Cuisiniere les partagera. L'Abbé y
consentit volontiers. On appella la Cuisiniere, & elle
eut ordre d'en mettre une moitié à l’huile, & l'autre
moitié au beurre. Le dîné étoit à peine commencé, que l'Abbé
se trouva mal & perdit connoissance dans
son fauteuil ; l'homme dont je parle en allant appeller des
Domestiques, s'avança vers la porte de la cuisine &
cria, Catherine, Catherine, toutes à l'huile, toutes à
l'huile. Je sçais que ce trait dépare furieusement un Dieu,
mais j’ai déjà dit & nous sçavons tous, qu'il n'y a
point d'Etres parfaits, & nous exigeons la vérité. Il
faut écrire l’histoire d'un homme, non pour lui, mais pour
les hommes qui doivent tout sçavoir de leurs semblables,
pour pouvoir juger du prix de nos propres vertus. Voici une
petite aventure, dans laquelle on admirera toute cette
fidélité qu'on recommande si vainement aux Historiens.
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Brief/Leserbrief
Monsieur, Cinq ou six de mes
meilleurs amis s'ennuyant l'autre jour, & ayant
inutilement rêvé pendant une heure à des projets de
plaisir, s'aviserent enfin d’aller dîner chez le Suisse
de * * *. Ils ne possédoient pas une pistole à eux
tous ; & c'étoit une grande raison de renoncer à
tout plaisir. Mais l'ennui ! . . . Ah ! l'ennui
peut-être dispense des réflexions & excuse les
folies. Ils commanderent un excellent dîné, demanderent
du meilleur vin, mangerent beaucoup, rirent davantage,
& ne songerent pas un moment à l'embarras où ils se
trouveroient lorsqu’il faudroit compter. Ce moment
arriva, mais ne fit pas disparoître la gaieté. Un d'eux
imagina un expédient des plus singuliers, il en fit part
à ses camarades qui l’embrasserent dans
leur transport, & deux bouteilles furent encore bues
à la santé de l'inventeur. Le Domestique du Suisse
apporta la carte ; celui qui avoit parlé la prit ; &
après avoir jette un coup d'œil sur l'addition, quoi
cela ne se monte qu'à trente-six livres ? s'écria-t'il ;
eh, parbleu c’est pour rien. Tiens voilà un écu pour
toi ; mais il faut que tu nous rendes un service ; nous
voulons jouer à Colin-Maillard, on va te bander les
yeux, & celui que tu attraperas payera le dîné. Ce
projet fut exécuté. On s'assura bien que le garçon n'y
voyoit point, & pendant qu’il cherchoit dans tous
les coins, mes amis se sauverent par une porte de
derrière. Il y avoit une demi-heure qu'il se promenoit
inutilement dans la chambre, lorsque son Maître, surpris
de ne le pas voir descendre, monta pour
sçavoir ce qu'il étoit devenu. Le garçon se trouvoit
pour-lors près de la porte ; & entendant du
mouvement, il étendit les bras & ayant saisi le
Suisse, ah, vous payerez le dîné, s'écria-t’il. La bile
helvétique s'échauffa à l'aspect d'une banqueroute aussi
frauduleuse ; & il fait aujourd'hui de
très-sérieuses perquisitions pour pouvoir recouvrer son
argent. J'ai cru devoir, Monsieur, vous faire part de
cette petite aventure, parce que je sçais que votre
intention est de faire entrer dans votre. Livre tout ce
qui arrive journellement dans cette immense ville, Je ne
fais d'ailleurs aucun tort à mes, amis, dont l’intention
est de payer cet homme avant la fin du jour, & je
viens moi-même de leur prêter deux louis pour cela. J’ai
l’honneur d’être, &c. Ce trait est
plaisant, & l’ami qui me l'écrit, seroit sans doute
un fidéle Historien. Je reviens à mon premier sujet,
& je dis qu'il est fâcheux que nous n'aïons pas des
caractères plus fidélement déssinés, dans un pays où il
y a d'aussi bons pinceaux. On pourrait du moins remédier
à l'obstacle qui s'y oppose, en peignant les hommes, non
par le récit de leurs actions, mais par une imitation de
leurs discours & de leur langage. Le Dialogue seroit
d'un merveilleux usage pour cela. J'ai peint Fontenelle,
par exemple, de cette maniere, & quelques personnes
l'ont retrouvé, autant du moins qu'il est possible
d'imiter, & m'en ont sçu gré. C’est dans un Dialogue
entre Stratonice & lui, que j'insérai dans le
deuxième Mercure d'Avril 1757. Je ferai mieux sentir
l'utilité de mon idée, & peut-être produira-t'elle quelques bonnes peintures dans le même
genre, en faisant reparaître ce même Dialogue, oublié
depuis deux ans, que mes Lecteurs n'ont peut-être pas
lû, & auquel d'ailleurs je ne voulus pas mettre mon
nom dans le tems. Je profiterai même de cette
circonstance pour communiquer au Public un projet que je
n'ai pas conçu moi-même, mais que je crois devoir
adopter. C’est de faire entrer insensiblement dans cet
Ouvrage plusieurs morceaux insérés dans les Mercures,
& d'autres qui se trouvent fondus, dans des volumes
que j'ai faits dans ma premiere jeunesse & que je
n'estime point. Deux motifs m’y engagent. Le premier, de
me restituer à moi-même des caracteres que j’ai déjà
saisis, & que je ne pourrois plus peindre
aujourd’hui sans ce moyen. Le second, de donner à des
choses peut-être ingénieusement imaginées, mais mal
exécutées, la sorte de perfection dont elles
peuvent' être dignes & dont je puis être capable. Si
cette raison ne paroît pas suffisante aux esprits
difficiles & toujours mécontens, je dirai encore que
n’étant pas connu pour être l'Auteur de ces Ouvrages,
& sçachant très-certainement que des trois quarts il
n'en reste pas dix exemplaires chez les Libraires, il
m'est permis de les corriger, de les faire revivre,
& de m’en faire honneur si je puis parvenir à me les
rendre moins méprisables à moi-même. Par ce moyen, on
aura toutes mes productions dans une, & l’on ne sera
ni dans l’impossibilité de les acquérir toutes,
puisqu'une bonne partie n’existe plus, ni dans la
nécessité de dépenser beaucoup d’argent pour se les
procurer, parce qu’elles sont nom-breuses. Ce ne sera
d’ailleurs que dans la cours de plusieurs volumes que
j’exécuterai tout mon projet.
Dialogue.
Metatextualität
Stratonice, Fontenelle.
Metatextualität
Stratonice, Fontenelle.
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Dialog
Stratonice IL y a
long-tems que je vous attends. Assurement vous ne devez
pas avoir de regret à la vie. Fontenelle
Personne n'en doit plus avoir que
moi. Je jouissois dans l'autre monde des illusions. Stratonice.
Vous trouverez ici les
vérités. Fontenelle
Ce qu’elles
ont de plus agréable, on le trouve dans les illusions.
J'ai vu de près la vérité. Croyez-moi, elle est triste,
jalouse de nos plaisirs, inconstante dans ses faveurs.
Stratonice
Vous en
faites un beau portrait! Mais je dois peu m'en étonner :
Quiconque n’aime pas à la dire, n'aime pas à la
trouver ; car à mon égard, vous avez prouvé que vous ne
la respectiez pas infiniment. Fontenelle
J'ai aimé à la dire comme un autre : cela nous
fait une sorte de supériorité sur les hommes. Quand nous
en avons trouvé quelqu’une, on nous en suppose mille,
& notre amour propre jouit de l’erreur publique, qui
est toujours un hommage très-flateur. Stratonice.
Je gagerois bien que cet hommage
étoit tout ce que vous ambitionniez en la cherchant
& en la disant. Fontenelle.
Il
y a même plus ; quelquefois je la disois
avant que de l’avoir cherchée. Je pressentois, je
devinois. Stratonice.
Eh! Ne vous
arrivoit-il jamais de vous tromper? Fontenelle.
Je me trompois souvent ; mais on
ne le soupçonnoit pas. On étoit si accoutumé à me croire
sur ma parole, on y avoit un penchant si décidé, que le
Sçavant le mieux instruit eût été mal reçu à venir me
donner le démenti. Stratonice.
Ainsi donc vous abusiez les hommes. Fontenelle.
Le mal n’étoit pas grand.
Excepté quelques vérités qu'il faut que nous sçachions,
& qu'on est dispensé de nous dire, parce que nous
les sçavons, toutes les autres sont bien peu de chose. La connoissance en est bien inutile,
& le profit bien incertain. Supposez-les toutes
rassemblées dans la tête d'un homme, il semble d'abord
que cela doive le conduire à être heureux. Apparence
tout-à-fait fausse : il ne faut qu'un sentiment, qu'une
petite fantaisie qui vienne se jetter à la traverse de
toutes ces belles vérités, pour faire un malheureux d'un
Sçavant. Les prévoyances, les craintes, les regrets
l'assiegent. C'est un vent furieux qui renverse un
édifice sur celui qui l'a élevé. Stratonice.
Je ne m'étonne plus, que vous
ayez débité avec tant d'assurance des contes faits à
plaisir. Fontenelle.
C’étoit mon
droit & mon profit. Comment aurois-je pu me
dédommager, autrement, de la peine que j'avois prise de
m'instruire, quoique foiblement ? Il n'y a
que le plaisir de pouvoir persuader des fables, qui
puisse nous dédommager de l'ennui d'avoir appris des
vérités. Stratonice,
Il falloit du
moins vous en tenir à des fables, mais des
libelles. . . . Fontenelle.
Des
libelles ! C’est la première fois qu'on m'en a accusé.
Non, je n'ai jamais entrepris de m'élever par des moyens
si faciles ; ceux qui vous ont donné cette oppinion de
moi, n'ont jamais sçu combien j'aimois la véritable
gloire, & combien je pouvois réussir par des moyens
qui me fussent particuliers. Stratonice.
Quoi ! N'est-ce pas un libelle
que ce beau Dialogue où vous me mettez en conversation
avec Didon, & où vous me faites dire
avec tant d'indécence, en lui parlant de la vanité des
femmes. «Je ne sçais comment vous êtes faite ; mais la
plûpart des femmes aiment mieux, ce me semble, qu'on
médise un peu de leur vertu que de leur esprit ou de
leur beauté. Pour moi j'étois de cette humeur-là. Un
Peintre qui étoit à la Cour du Roi de Syrie, mon mari,
fut mal content de moi ; & pour se venger, il me
peignit dans les bras d'un Soldat. II exposa son tableau
& prit aussitôt la fuite. Mes sujets zélés pour ma
gloire, vouloient brûler ce tableau publiquement ; mais
comme j’y étoit peinte admirablement bien, & avec
beaucoup de beauté, quoique les attitudes qu'on m'y
donnoit, ne fussent pas avantageuses à ma vertu, je
défendis qu'on le brulât, & fis revenir le Peintre à
qui je pardonnai» Fontenelle.
J'entrevoyois que vous étiez
fâchée contre moi ; mais en vérité je n'aurois pas
deviné que c'étoit pour si peu de chose. Stratonice.
Comment ! pour si peu de chose ;
quel caractere m’avez-vous prêté ? Pour qui les hommes
ont-ils dû me prendre ? J'aime à voir votre sécurité.
Vous comptez sur les ressources de votre esprit. Je
sçais que vous en avez beaucoup; mais le prestige ne
s'étend point au-delà de la vie. Les morts n'ont plus
d'organes pour recevoir la séduction. Fontenelle.
Si j’avois autant d’esprit que
vous le dites, je séduirois chez les morts comme chez
les vivans, & vous-même ne conserveriez pas
long-tems votre courroux. Mais il n'est pas
question de vous séduire, il suffira que vous me
permettiez de raisonner ; je ne suis pas assez maladroit
pour employer l'art mal-à-propos, & d'ailleurs vous
me paroissez si piquée, qu'il est juste que je vous
donne des raisons. Vous croyez donc que les hommes, sur
le portrait que je leur ai fait de vous, ont dû vous
mépriser ? Rassurez-vous ; vous avez emporté
l'admiration des trois quarts. Stratonice.
Voici qui annonce de la
métaphysique. Fontenelle
Prenez
garde, Stratonice ; vous vous livrez à la défiance,
c'est renoncer à voir la vérité. Daignez vous faire
violence. Vous croyez que les hommes vous ont méprisée
depuis votre conversation avec Didon ? En verité vous
leur faites trop d'honneur. Je veux supposer
la philosophie la plus vicieuse dans l'aveu que j'ai mis
dans votre bouche. Plus vous y trouvez d'indécence à
condamner, plus les hommes y ont trouvé d'esprit à
applaudir. Il faut des vices tout-à-fait bêtes pour
s'attirer leur mépris. Premierement, ils sont
très-vicieux eux-mêmes, & par conséquent ne peuvent
pas mépriser aussi aisément que vous vous l'imaginez. En
second lieu, ils ont l'esprit foible, l'ame petite ;
tout ce qui leur impose, les éblouit, les rappetisse,
les subjugue. C’est tout l'effet de la force sur la
foiblesse. Or il faut que vous sçachiez que rien n'est
plus capable de leur imposer, qu'une philosophie qui
brave leurs bienséances, & qui est également appuyée
de l'art de bien dire, & de l'audace de dogmatiser.
Ce que je vous dis-là, c'est très-sérieusement que je
vous le dis ; j’ai vécu cent ans, & jusqu’à mon
dernier moment j'en ai fait l’expérience. Stratonice.
Je conçois qu'on
impose aisément aux petits génies. Mais tous les hommes
ne sont pas également des machines. Si j'ai emporté
l'admiration des trois quarts, cette quatrieme partie
dont vous ne parlez pas, & qui voit si bien, a dû me
mépriser furieusement. Sans être fort sçavante, je sçais
que l'admiration de la multitude est la mesure du mépris
des sages & des bons juges. Fontenelle.
Ces bons juges ont été les
premiers à prendre parti pour vous. Vous leur avez
inspiré une estime prodigieuse, par l’aveu indécent que
vous dites que je vous ai prêté. Il s’en faut bien que
je vous eusse rendu un aussi grand service auprès d’eux,
en vous faisant débiter les maximes les plus
respectables. Stratonice.
En vérité vous abusez de
l'esprit ; mais vous travaillez vous-même à vous punir ;
car assurément vous ne vous tirerez pas de l'embarras où
vous venez de vous mettre. Fontenelle.
Je m'en tirerai, très-bien, & avec votre
estime. Ces hommes qui voient si bien, respectent les
vertus, mais y croient très-peu. Ils sçavent qu'elles ne
sont pas familieres avec la nature humaine, & se
défient de tous les signes qui la représentent
communément. Lorsque ces signes sont si forts, qu’il
n’est guere possible qu’ils osent douter, ils donnent
des marques d’estime ; mais une défiance insurmontable
empêche qu'ils n'aillent jusqu'aux preuves : on voit
qu'ils payent un tribut. La froideur de leurs
applaudissemens laisse toujours desirer ce charme de la louange qui vient du sentiment &
de la conviction. Voilà ce que produit en eux l'étalage
d'une vertu ; voici ce que leur inspire l'aveu d'un
vice. Je suppose que cet aveu est fait avec beaucoup de
naïveté, tel que celui dont vous vous plaignez. Ils
connoissent si bien l'empire du faux amour propre,
qu'ils sont enchantés de le voir dédaigné par une nature
ingénue. C’est un prodige à leurs yeux ; ils ont
rarement joui d’un spectacle aussi doux. Ils sçavent que
si un vice est toujours condamnable, il n'appartient du
moins qu'à une ame qui a des qualités, supérieures, d’en
faire l'aveu ; & comme ils sont convaincus qu'il n’y
a point d’être parfait, ils regardent ces qualités comme
l’équivalent de la perfection. Stratonice.
Vous verrez que j’ai à vous
remercier, & que j’aurois moins d’obligation à un homme qui m'auroit représenté comme une
femme vertueuse, qu’à vous qui m’avez fait passer pour
une franche coquette. Fontenelle.
Vous ne seriez pas la premiere qui eût fini par la
reconnoissance après avoir commencé par le courroux. Un
plaisant vous diroit que les extrémités se touchent dans
le cœur des femmes ; mais sans plaisanter, je puis vous
dire que vous m'avez quelque obligation. En vous faisant
passer pour coquette décidée, je vous ai mis dans le
monde à côté des femmes qui ont le plus de célébrité. La
réputation de vertu ne vous eût pas valu autant.
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Dialog
Stratonice