Sugestão de citação: Jean-François de Bastide (Ed.): "Discours III.", em: Le Nouveau Spectateur (Bastide), Vol.4\003 (1759), S. 62-72, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2106 [consultado em: ].
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Discours III.
Nível 2► Metatextualidade► Je vais placer ici deux lettres, dont l’une m’est seulement confiée, & l’autre adressée personnellement, mais toutes deux avec intention de les voir insérées dans mes feuilles. L’une servira à prouver que l’amour ne tourne que les têtes foibles, & qu’avec un fonds de raison & d’honneur, on est capable de rompre des chaînes qui s’appesantissent trop. L’autre fera connoître un de ces hommes capables de pousser la délicatesse & le sentiment jusqu’où ils peuvent aller. ◀Metatextualidade
Nível 3► Carta/Carta ao editor► Vous m’avez offensé, Mademoiselle, en me disant que ma rupture avec vous n’est qu’un prétexte à l’inconstance. Je suis obligé de vous demander [63] raison de cette injure. Votre injustice vous empêcheroit de regretter un homme qui étoit digne de vous, & c’est ce que je ne veux pas qui arrive. Si la légéreté avoit conservé des droits sur moi, eût-elle attendu que j’eusse été malheureux auprès de vous, pour m’entraîner ailleurs? Vos premiers aveux eussent suffi pour la réveiller dans mon cœur ; car vous sçavez qu’un inconstant s’envole dès qu’il connoît qu’il est aimé. Non, Mademoiselle, il n’entre aucun caprice dans ma résolution ; vous ne m’en accuseriez pas si vous vous étiez mieux examinée ; vous sçauriez que je n’ai consulté que les raisons que vous m’avez donné vous-même : faut-il que je vous les retrace ? Faut-il que je vous les reproche, quand je veux les oublier ? Ne m’y condamnez pas ; laissez-moi jouir de mon courage sans avoir à en déplorer la cause par un souvenir trop triste. Je veux oublier tout ce qui m’a tour-[64]menté depuis six mois. Cette lettre n’a pour but que votre estime que j’ai méritée, & que je ne veux jamais perdre : vous me la conserverez, en con-noissant mes véritables sentimens ; ils sont tels que votre idée seule me sera plus chere que la possession de toute autre femme que je pourrai toucher, quelque belle qu’elle puisse être. J’étois malheureux auprès de vous, & des nœuds aussi tristes ne pouvoient plus subsister ; mais croyez que je vous aime plus, quand je vous quitte, qu’on n’aima peut-être jamais dans les premiers transports de la plus heureuse passion. Vous n’en pourrez plus juger par mes empressemens ni mes discours; car un amant qui rompt, ne doit plus prononcer le mot d’amour ; mais ce mot restera gravé dans mon cœur. Soyez persuadée que je n’aurois jamais pensé à rompre, si je vous avois moins aimée ; c’est l’excès de ma passion qui nous a nui à l’un & à l’autre. Des sen-[65]timens trop vifs, qui ne vous inspiroient que du goût, ne pouvoient durer qu’à mon désavantage ; j’ai dû chercher à les éteindre dans mon cœur, parce qu’à mon âge, & chargé, comme je suis , d’entreprises qui demandent un plein calme dans l’esprit, on ne sçauroit trop fuir le chagrin & la tristesse. Vous me rendrez justice, & vous concevrez que j’ai agi sensément, quand vous voudrez considérer les raisons que je vous expose, & les peines que j’ai souffertes : si vous ne concluez pas comme moi, je conclurai à mon tour que vous n’avez jamais bien jugé de la violence de mon amour. Cet amour étoit digne de vous, Mademoiselle, je le répete ; & c’est une consolation que j’emporte en m’éloignant de vous : j’ai senti mille fois que je n’avois jamais aimé que vous ; mes transports vous l’ont appris, & votre injustice, vos inégalités ne sont pas venues de vos doutes. Mais il [66] n’est plus temps de vous dire du bien de moi : les reproches le suivroient, & l’on doit les bannir quand on ne doit plus s’aimer. Songeons à être amis. Ce mot est triste à prononcer après l’amour ; mais c’est vous qui le placez au bout de ma plume, & cette pensée me donne le courage de le prononcer sans regret. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3
Nível 3► Carta/Carta ao editor► Monsieur,
La complaisance que vous avez de recevoir les lettres qu’on vous adresse, me fait espérer que vous voudrez bien insérer dans vos feuilles celle qui suit. L’avis que j’y donne à la Demoiselle pour qui elle est écrite, l’intéresse absolument ; & si la charité vous parle pour les hommes autant qu’il le paroît par votre ouvrage, vous ne balancerez pas à la faire imprimer lorsque vous l’aurez lue. Vous m’objecterez peut-être, Monsieur, que je puis écrire plus directement à la personne que [67] je veux obliger ? Ma réponse est toute prête, je ne pourois le faire sans lui déplaire. Elle a sur tout ce qui s’appelle, lettres, présens, &c, les maximes les plus séveres, quoique la pruderie d’ailleurs ne soit pas son caractere. Ses bienséances sur ce point sont si inflexibles, qu’elle ne me pardonneroit pas de ne leur avoir pas subordonné mon zele. Vous voyez, Monsieur, que le parti que je prends, est le plus convenable, & que vous devez céder de bonne grace, quoique vous soyez dans le cas de la contrainte, par la force de mes raisons.
J’ai l’honneur d’être, &c. De la * * *, Février 1759. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3
Nível 3► Carta/Carta ao editor► Mademoiselle,
Le sentiment le plus ordinaire d’un amant qu’on a contraint de se dégager, c’est la haine, ou le mépris. Je ne suis apparemment point fait comme les autres hommes ; car je sens que je ne [68] vous hais point, quoique vous m’ayez haï. Vous vous rappellez, Mademoiselle, ce jour où me voyant sans pitié à vos genoux, prêt à y mourir, vous me déclarâtes que vous ne m’aimeriez jamais ? Je me retirai, je vous promis votre liberté, que mes importunités vous arrachoient sans cesse, & vous n’entendîtes plus parler de moi. Plus d’une année s’est écoulée depuis ce moment malheureux ; & sans doute jugeant de mon courage par mon silence, vous pensiez être délivrée de moi pour jamais. Il faut que je vous donne encore le chagrin de lire des caracteres qui vous ont tant déplu ; il faut que je sacrifie le plaisir de vous avoir été du moins agréable en vous oubliant ; votre intérêt m’y contraint ; il doit l’emporter, dans mon cœur, sur le soin de votre satisfaction.
Remontons, Mademoiselle, jusqu’à ce jour que je viens de vous rappeller. Vous me fîtes un aveu & un serment. [69] L’aveu étoit sincere, il renfermoit l’arrêt de mon malheur, & vous m’avez prouvé qu’il n’étoit pas prononcé légérement. Le serment n’étoit pas également confirmé par votre cœur, il renfermoit la promesse d’une indifférence éternelle pour quiconque voudroit vous enflammer, & cependant je découvre que vous étiez déjà la proie de la plus violente passion. Je ne me plaindrois point de ce déguisement si vous étiez heureuse; je suis né raisonnable, & je sentirois que votre bonheur vous justifie de votre attachement & de votre dissimulation ; mais je perds aujourd’hui une année de sécurité, & le sentiment affreux qui lui succede, c’est le regret de vous voir avilie par mon rival. Concevez ma situation ; le malheur de la vôtre doit vous rendre la pitié facile ; & vous ne penserez pas indifféremment que je souffre beaucoup, en pensant vous-même à ce que vous avez à souf-[70]frir. Mais laissons mes douleurs, & ne parlons que des vôtres. Si je ne me trompe, elles sont extrêmes, & la raison, seule peut vous les adoucir ; mais est-on encore en état d’écouter la raison quand on est dans les fers d’un amant injuste ? Le chagrin donne à la passion l’empire le plus fort.... Pourquoi ne pus-je lire dans votre cœur, quand je vous quittai ? Pourquoi la jalousie ne me rendit-elle pas un peu cruel ? Je vous aurois importunée, j’aurois suivi vos pas, & j’aurois découvert que vous aimiez. Hélas ! mon estime vous a perdue ; elle vous à laissé exposée à votre foiblesse; vous êtes restée sans conseil, sans témoin, & c’est moi-même que je dois accuser de votre malheur. J’aurois fait pour vous des réflexions que vous ne pouviez plus faire ; ma main vous eût tracé cent fois le portrait affreux de l’amant qui vous deshonore ; vous eussez trouvé partout des conseils, [71] des flambeaux, & s’il l’avoit fallu, des reproches & des menaces ; vous m’auriez haï, mais vous m’auriez écouté, & la vérité laisse des traces que le temps rend plus profondes, quand le cœur est encore en état de recevoir des loix. Je vous aurois dit qu’un amant qui s’aime beaucoup, ne peut aimer que lui ; que la domination, l’ingratitude, l’inégalité, la dureté, la raillerie, l’impertinence, sont son caractere & dictent ses discours. A ces traits peut-être vous n’auriez pas aisément reconnu votre amant, mais je vous aurois préparé à le reconnoître dans la suite, & je vous aurois laissé une inquiétude sur ses sentimens, qui auroit du moins prévenu l’affreux étonnement où vous êtes aujourd’hui de ses défauts. Hélas ! je le répete ; mon estime vous a perdue. Puisse aujourd’hui le moyen que j’emploie pour en réparer le malheur, vous être aussi utile qu’il est indispensable ! [72] Votre état me désespere, votre avilissement me fait mourir de douleur ; faut-il que ce que j’ai tant aimé soit malheureux & humilié ? Je ne puis que vous donner un conseil dont vous n’auriez jamais eu besoin avec moi, si vous aviez pu me rendre plus de justice. Tâchez de vous pénétrer un peu plus de votre mérite & de vos charmes, & sçachez vous élever au dessus d’un amant qui n’en a pas senti le prix. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1