Sugestão de citação: Justus Van Effen (Ed.): "XXIV. Dialogue", em: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\024 (1723-1725), etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2058 [consultado em: ].


Nível 1►

XXIV. Dialogue.

Nível 2► Satire► Diálogo► Metatextualidade► D’une fausse Devote, & de sa Servante. ◀Metatextualidade

La Devote.

Scavez vous bien, ma mie, que je suis lasse de votre faineantise ; rien n’est fait dans ma maison, & je vous trouve toujours les bras croisez.

La Servante.

Je n’ai pu rien faire d’aujourd’hui ; j’ai été occupée tout le matin à ouvrir à ceux qui son <sic> venus vous chercher, il y en a qui sont entrez malgré moi, & qui ne vouloient point s’en aller.

La Devote.

Hé qui sont ces gens-là ?

La Servante.

C’est cet homme qui tient de vous une [314( maison ; il dit qu’elle tombe en ruine, faute d’en faire les réparations ; c’est le Maître chez qui Messieurs vos enfans sont en pension : il dit qu’il va les renvoïer, si vous ne le païez, & si vous ne leur faites faire des habits ; ils sont tous déguenillez : Et puis, Madame, Monsieur est revenu assez tard ; il a fort grondé de ce que vous n’aviez rien fait apprêter pour dîner ; j’ai aussi été fort long-tems à l’Eglise, on ne disoit point de Messes, il m’a fallu attendre jusqu’à midi.

La Devote.

Vraiment c’est bien à vous à aller à l’Eglise & à attendre des Messes. Ne voudriez-vous point aussi faire la Devote ?

La Servante.

Hélas, Madame, Dieu m’en garde, vous me gronderiez bien autrement, si je faisois comme vous.

La Devote.

Comment ! comme moi, que voulez-vous dire ?

La Servante.

Je veux dire, Madame, que si j’étois Devote, comme vous, ce seroit bien encore pis, je passerois toute ma vie à ne rien faire de ce que je dois. [315(

La Devote.

Comment coquine, je croi que vous voulez me donner des avis. Plût à Dieu que vous fussiez Devote comme moi, vous verriez si vous négligeriez vos devoirs ; car, Dieu merci, je ne manque à rien. J’ai aujourd’hui entendu trois Messes, & j’ai été une heure & demi avec mon Directeur : J’ai dîné à l’Hôpital général ; à peine étions-nous à table, qu’on nous est venu dire que l’exhortation où j’étois invitée chez Madame de . . . . alloit commencer : J’y ai couru au sortir de table, & je ne suis arrivée qu’après l’exhortation commencée : quel scandale j’ai donné ! j’en ai une amere douleur, & je suis bien resoluë de ne pas dîner une autre fois. Après l’exhortation, j’ai couru à la Villette, où il y avoit des Vêpres en Musique ; j’ai passé après les Vêpres chez le Curé de . . . . pour une Assemblée de Charité, je suis revenuë au Salut aux Incurables ; c’est tout ce que j’avois à faire aujourd’hui, & Dieu m’a fait la grace de ne manquer à rien.

La Servante.

Dieu vous fait des grandes graces, Madame. Pour moi je voulois seulement entendre la Messe, & parce que j’ai un peu tardé à l’Eglise, vous me grondez. Peut-être qu’une autre fois Dieu me fera, aussi bien qu’à [316( vous, la grace d’avoir plus de courage, & de courir à mes devotions tout aussi hardiment que vous.

La Devote.

Je pense que vous perdez l’esprit : est-ce pour courir que vous vous êtes mis en service ?

La Servante.

Ce n’étoit pas là d’abord mon intention ; mais, Madame, je vous ai trouvée si Devote, que j’ai eu aussi envie de la devenir.

La Devote.

Si vous étiez Devote vous auriez plus de soin de mon ménage.

La Servante.

Pourquoi voudriez-vous que la devotion me permît d’avoir soin de vôtre ménage, pendant qu’elle vous défend à vous-même d’y penser ?

La Devote.

C’est bien la même chose ! il faut avoir du bien pour pouvoir être Devote. Quand on n’est pas il faut servir, ma mie, il faut servir, & travailler. [317(

La Servante.

Si vous continez, je croi que vous deviendrez aussi indevote que moi, vous serez contrainte de servir & de travailler ; car toutes vos affaires sont desabrées. Monsieur votre mari & Messieurs vos enfans pourroient bien aussi être reduits à n’avoir pas de devotion. Voïez-vous, Madame, je n’en sçai pas tant que vous, je n’ai qu’un Directeur qui ne se mêle que de ma conscience. Je n’entend, quand vous me le permettez, que les Sermons de ma Parroisse. Il me semble que si vous vouliez être vraie Devote, vous prendriez pour vous, toutes les leçons que vous me faites.

La Devote.

Vous êtes une insolente d’oser vous comparer à moi. Qui a jamais entendu dire qu’un mari & des enfans dussent occuper une Devote qui a du bien, & qui est appellée à toutes les devotions & à toutes les bonnes œuvres : vous n’avez pas les premiers principes de ce qu’on appelle devotion.

La Servante.

Helas ! Madame, je vous l’ai dit que j’étois une ignorante : mais je croi que, pour en sçavoir autant que vous, il ne me manque que d’être encore plus ignorante que je ne suis. ◀Diálogo ◀Satire ◀Nível 2 ◀Nível 1