Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "XXI. Dialogue", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\021 (1723-1725), S. 292-293, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2055 [aufgerufen am: ].
Ebene 1►
XXI. Dialogue.
Ebene 2► Satire► Dialog► Metatextualität► D’un Homme dont le Frere est malade, & d’un de ses Amis. ◀Metatextualität
Clitandre, Clinton.
Clitandre.
Je ne puis vous exprimer la joye que j’ai euë de vous voir aujourd’hui aux Thuilleries & au Cours, je n’en ai pas moins encore de vous trouver dans cette assemblée : on m’avoit dit que Monsieur votre Frere, celui avec qui vous logez, étoit fort malade, & Dieu merci, je voi qu’il se porte bien.
Non, il est très-mal, & je croi, ma foi, qu’il n’en relevera pas ; c’est une pitié de le voir, il souffre comme un damné, & dès qu’il souffre moins, il s’ennuïe à la mort. [293]
Quoi ! Monsieur, il est dans cet état, & vous n’êtes pas auprès de lui ?
Oh ! il a des gens qui lui tiennent compagnie. Deux de nos amis ne le quittent point, les autres le visitent réguliérement, quelques-uns passent auprès de lui une bonne partie de la journée ; il y en a même qui y passent la nuit. Enfin il ne connoît personne qui ne paroisse s’interesser à sa santé, & qui ne voulût ne le point quitter.
Comment donc, Monsieur, êtes-vous ici ? Aimez vous Monsieur votre Frere moins que ne l’aiment ceux dont vous parlez ?
Lui, il n’a personne assurément dont il soit plus aimé que de moi, aussi personne n’est plus affligé que je le suis. Mon Frere ! mon pauvre Frere ! avec lequel j’ai toûjours vêcu ; ma foi, cela est bien affligeant de le voir malade, & d’avoir encore par dessus le marché, la crainte qu’il n’en releve pas. [294(
Hé trouve-t-il bon que vous lui teniez si peu compagnie ?
Il s’en plaint un peu, il est vrai, & quand je l’assure de mon affection, il répond que je lui en donne de belles marques ; mais je ne prends pas garde à ce qu’il dit, & cela ne m’empêche pas d’entrer chaque jour un moment dans sa chambre. Je l’ai vû encore aujourd’hui, & lui ai dit que j’allois dîner au cabaret & boire à sa santé.
Lui avez vous dit aussi que vous iriez à la Comedie ?
Non, car il sçait bien que j’y vas tous les jours, & que c’est-là en partie ce qui m’empêche d’être auprès de lui ; il sçait aussi qu’il faut que je joue, & que, grace à Dieu, je vois bonne compagnie.
Parlez-vous dont serieusement ? ou vous [295( convient-il de rire pendant qu’un Frere se meurt ?
Ho ! mon pauvre ami, c’est ainsi qu’on vit dans le monde. Je courrus le bal avec Alidor, le jour que son Pere mourut. Mais serieusement, que voudriez-vous que je fisse en restant auprès de mon Frere, je ne suis ni Medecin, ni Confesseur ?
Non, Monsieur, & je croi que vous n’êtes pas son Frere.
Ah ! pour son Frere, je le suis, je vous en répond ; jamais un Frere n’a été plus affligé que je le suis ; mais vous ne sçavez peut-être pas que mon Frere & moi, nous vivons ensemble sans façon ?
Je le voi bien. C’est aussi sans façon que vous le laisserez mourir. Je ne sçai si, vous voïant ces galantes manieres, on se sçaura bon gré d’être votre parent ; mais je suis certain que personne ne voudra être votre ami. [296(
Je n’en use pas ainsi à l’égard de mes amis ; pendant que Madame. . . . a été malade, je ne l’ai point quittée, je jouai au chevet de son lit de jour qu’elle mourut. Je n’avois garde de la quitter, elle a eu jusqu’au dernier soupir, la plus belle compagnie du monde ; mais mon Frere ne veut voir que ceux qui s’interessent à son salut, & qui lui parlent de Dieu, cela est triste pour un homme de ma tournure, & le personnage d’affligé ne convient ni à mon âge, ni à la vie que je menne.
Vous pouvez ajouter aussi qu’il est triste pour vous d’être Chrétien, & qu’il ne vous convient pas d’avoir du naturel, du bon sens, & de la raison. ◀Dialog ◀Satire ◀Ebene 2 ◀Ebene 1