Sugestão de citação: Justus Van Effen (Ed.): "XVII. Dialogue", em: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\017 (1723-1725), S. 264-266, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2051 [consultado em: ].
Nível 1►
XVII. Dialogue.
Nível 2► Satire► Diálogo► Metatextualidade► De Cléante riche, qui a recueilli une succession, & d’Eugene son ami. ◀Metatextualidade
Ouï : voilà tout le bien dont j’ai herité ; j’avouë que je ne m’y attendois pas ; & que cela m’est venu de Dieu grace. Ce qui me fait le plus de plaisir, c’est que tout est en argent comptant, & que je n’ai point de procès à craindre.
Cela est fort heureux ; mais après tout, que ferez vous de tout ce bien-là ? vous éties assez riche sans cette succession.
Hé ! mon ami, peut-on être trop riche ? [265] croïez moi, je ne suis point embarrassé de mon bien ; si j’en avois trois fois autant, je sçaurois bien à quoi l’emploïer.
C’est-à-dire que vous allez prendre une autre Charge, vous allez acheter des terres & des maisons ; vous allez faire de nouveaux Contrats.
Non, je ne ferai rien de tout cela ; les Charges ne rapportent rien, & sont sujettes à beaucoup de taxes. Je croi au contraire que je vendrai ma Charge, elle ne convient plus à un homme aussi riche que je suis. Pour des terres, c’est une pitié, elles depérissent tous les jours ; & à l’égard des Contrats, on ne sçait plus où les placer ; personne n’est à couvert des baqueroutes & des Lettres d’Etat.
Hé bien, gardez-vous votre argent dans votre coffre ?
Voudriez-vous que je me privasse de tout l’interêt qu’il me peut rapporter ? [266]
C’est-à-dire que vous les placerez sur les Gens d’affaires ; car je ne vous croi pas si scrupuleux que d’en faire conscience.
Ce n’est pas la conscience qui me tient, mais les Gens d’affaires manquent aussi bein que d’autres : où en est-on quand ils font Banqueroutes.
Vous le mettrez donc sur les Vaisseaux, & dans le Commerce ?
Encore moins ; tout cela est sujet à caution, & on court d’étranges risques à faire ainsi profiter son argent.
Je voi votre dessein ; ne voulant ni garder votre argent dans votre coffre, ni le faire profiter, vous allez le mettre entre les mains des Architectes, des Peintres, des Curieux ; vous allez vous faire une maison magnifique, une bonne table. [267(
Non, ce n’est point là mon goût. Je suis assez bien logé, & pour ma table, je ne me plaîs pas à avoir des écornifleurs.
Je vous en sçai bon gré ; je croi que vous allez donner une partie de votre bien aux pauvres, une autre à vos parens qui en ont besoin, une autre à vos amis.
Vous voulez rire, je croi. Donne-t-on ainsi son bien à ses parens & à ses amis ? En quel païs cela se pratique-t-il ? Pour ce qui regarde les pauvres, chacun sçait à quoi il est obligé, je n’ai, Dieu merci, aucun reproche à me faire de ce côté-là ; je donne en pure aumône plus d’un écu par mois. Si tout le monde en donnoit autant. . . .
Cependant, Monsieur, vous ne me dites point ce que vous ferez de toutes vos richesses. Avoüez que vous en êtes un peu embarrassé. [268(
Pour embarrassé, non ; car jamais les richesses ne doivent donner d’embarras ; mais à dire le vrai, je ne sçai pas bien encore ce que j’en ferai.
Le pis aller sera de les garder ; vous aurez du moins le plaisir de les contempler quand il vous plaira.
C’est le parti que je prendrois de tout mon cœur, si je ne craignois d’être volé, & si je pouvois en conscience me priver des interêts qu’il peut me produire ; mais si d’un côté j’avois le plaisir de voir & de conter tous les jours mon argent, j’aurois de l’autre beaucoup d’inquiétude. J’avoüe même que depuis que j’ai touché cette succession, & qu’elle est chez moi, je me croi moins en sureté.
Hé bien ; voulez-vous toûjours vivre de la sorte, ne sçachant à quoi vous déterminer ? [269(
En attendant que je me détermine, je vas <sic> faire porter mes coffres en lieu de sûreté ; j’ai une Communauté où on me les gardera tant que je voudrai.
C’est-à-dire que tout l’avantage que vous tirerez de cette ample succession, sera de n’avoir ni le plaisir de vous en servir, ni l’esperance d’en profiter. Je vous trouvois plus riche quand vous aviez moins de richesses. ◀Diálogo ◀Satire ◀Nível 2 ◀Nível 1