Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "XV. Dialogue", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\015 (1723-1725), ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2049 [aufgerufen am: ].
Ebene 1►
XV. Dialogue.
Ebene 2► Satire► Dialog► Metatextualität► De Celidan, Homme en Charge, & d’Ariste, Homme Privé. ◀Metatextualität
He-bien, j’en suis venu à bout, j’ai mes provisions, & je dois être reçû à la premiere assemblée des Chambres. Vous deviez bien faire comme moi ; vous auriez trouvé des amis, & vous auriez pû prendre une Charge à crédit, comme j’ai pris la mienne.
A Dieu ne plaise que je fasse jamais cette folie, j’aime mieux n’être rien, que de mourir de faim pour être quelque chose.
Mourir de faim ! c’est justement tout le [256( contraire. Qu’elle gueuserie de vivre sans distinction ! C’est dans cet état qu’on est exposé à mourir de faim ; mais à l’heure qu’il est, que j’ai une Charge, je ne sçaurois manquer.
Mais votre Charge n’est pas à vous. Tout votre bien suffira à peine pour en païer les intérêts. Elle ne vous donnera au plus que de quoi païer la paulette : Où prendrez vous de quoi vivre ?
Quelle autorité ne me donnera pas ma charge ? Je puis vivre dix ans à credit, sans que personne m’ose rien demander. Si mes créanciers étoient assez hardis pour vouloir être païez, ils verroient ce que c’est que d’avoir affaire à un Officier comme moi ; je les menerois dix ans, sans qu’ils pussent toucher un sou. Mais, à dire le vrai, ce n’est pas là ma plus grande ressource, je n’ai pris ma charge que pour pouvoir me marier ; un mariage païera tout.
Et croïez vous qu’on vous épouse quand on verra que votre charge n’est pas à vous ; D’ailleurs la femme que vous épouserez ne [257( vous engagera-t-elle à aucune dépense ? Plus elle vous aura donné de bien, plus elle voudra dépenser ; & je vous trouverai bienheureux : si vous n’y mettez pas encore du vôtre. Les seules dépenses de nôces : les habits, les pierreries, les équipages, les presens consumeront le tiers de la dot.
On sçait bien le moïen de réduire les femmes, & de ne pas donner dans leurs sotises.
C’est-à-dire qu’en vous mariant, vous passerez pour un avare, ou pour un gueux. Ce sera bien alors que vos créanciers se réveilleront, & que la femme que vous aurez trompée agira pour se faire séparer. Ses parens vous tomberont sur les bras, & vous trouverez à qui parler. Il vaudra mieux encore que vous fassiez de la dépense ; une épargne qui feroit deviner votre peu de bien, vous perdroit sans ressource : ainsi vous vous trouverez dans la necessité de vous ruïner pour éviter la réputation d’homme ruïné.
Je soutiendrai quelque tems la dépense : cela me sera aisé ; & comme la femme que j’épouserai, me donnera, non-seulement de [258( l’argent, mais aussi de n’appui, il y aura bien du malheur si l’on ne pense à moi dans le Conseil, & si je n’obtiens bien-tôt une Commission importe en Province.
Ah ! Monsieur, ce sera-là le moïen de vous ruïner. Où en seriez-vous, s’il falloit vous transporter en Province, tenir table, & faire tout le fracas d’un Intendant, & à la veille d’être révoqué.
Cependant, combien y en a-t-il qui se sont enrichis, en prenant une charge à credit, & en trompant la femme qu’ils épousent ?
Le nombre en est moins grand que vous ne pensez ; mais ce qui est très-ordinaire, c’est qu’on s’abîme en faisant ce petit métier. ◀Dialog ◀Satire ◀Ebene 2 ◀Ebene 1