Sugestão de citação: Justus Van Effen (Ed.): "XIV. Dialogue", em: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\014 (1723-1725), S. 249-254, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2048 [consultado em: ].


Nível 1►

XIV. Dialogue.

Nível 2► Satire► Diálogo► Metatextualidade► D’une Dame depuis quelque tems à Paris, & d’une Dame de Province. ◀Metatextualidade

Clarice, Geronie.
Clarice.

C’est vous, Comtesse ! & depuis quand êtes-vous à Paris ? que je suis ravie de vous voir, & que vous venez à propos ; nous pourrons boire ensemble, je fais débauche avec une de mes amies, la pauvre Marquise. . . c’est la meilleure enfant. . . Vous ferez la troisiéme.

Geronie.

J’ai bien conté, Madame, que si vous dîniez chez vous, j’aurois l’honner <sic> de dîner avec vous ; je resterai sans façon, & je vas <sic> renvoïer mon carosse. [250]

Clarice.

Renvoïez, mais qu’il ne revienne qu’à trois heures après minuit ; on a besoin de vous jusques-là.

Geronie.

A trois heures après minuit ! que voulez-vous donc faire de moi ? j’esperois qu’après dîné vous me donneriez mon congé, & j’aurois quelques affaires. . .

Clarice.

Oh ! laissez-là vos affaires, s’il vous plaît, tout ce qu’on peut faire pour votre service, c’est de vous permettre d’aller maintenant où vous avez affaire, & de revenir dans trois heures.

Geronie.

Comment, Madame ! il est près d’une heure : vous dînez donc tard ?

Clarice.

Diner ? je ne dîne point aujourd’hui ; ne vous ai-je pas dit que j’attendois la Marquise, & que nous devions boire ensemble ? [251]

Geronie.

J’ai cru que cela vouloit dire que vous dîniez avec elle, & que vous m’invitiez à avoir l’honneur d’être de la partie.

Clarice.

Ah ! ma pauvre Comtesse, que tu es devenuë Provinciale, mon enfant ; mais j’aurai pitié de toi, & je te vas faire apporter du chocolat ; j’en ai déja pris deux chiques, & j’en prendrai une troisiéme pour l’amour de toi.

Geronie.

Ah ! Madame, je ne prend point de chocolat, sur tout étant à jeun, cela échauffe trop.

Clarice.

Aime-tu mieux des artichaux à la poivrade ? j’en ai aussi mangé ce matin.

Geronie.

Des artichaux à poivrade ! encore pis. [252]

Clarice.

Veux-tu une rôtie à l’eau-de-vie ?

Geronie.

Est-ce donc une gageure, Madame, ou vous mocquez vous de moi, de m’offrir toutes ces drogues là ? Je juge que la partie que vous avez faite est de souper de bonne heure ; si vous voulez que j’en sois, faites-moi donner un boüillon.

Clarice.

Un boüillon ! ah, un boüillon ! c’est bien maintenant que je te trouve devenuë toute Provinciale. Tu crois qu’on a ici des boüillons, pauvre Comtesse, tu me fais bien rire.

Geronie.

J’ai peine à m’empêcher de rire moi-même, je croi du moins que vous ne parlez comme vous faites, que pour vous divertir.

Clarice.

Que la Province t’a gâtée, ma pauvre Comtesse, puisque tu ne sçais pas encore que ce n’est plus aujourd’hui la mode aux jolies femmes de prendre des boüillons ; les [253] tems sont changez, ma pauvre bonne, nous n’aimons plus que le vin de champagne & le ratafia ; c’est de quoi nous faisons débauche. La Marquise m’a envoïé six bouteilles de vin de Thesy, j’en avois déjà quatre, nous les joindrons ensemble ; nous aurons deux mortatelles & un saucisson de Boulogne, sans conter les artichaux à la poivrade & les trufles. Pour des liqueurs, j’en ai d’exquises. J’esperois avoir du pitrepite, le Milord. . . m’en avoit promis, mais il l’a bû avec es Bourguemaîtres de Hollande qu’il a été obligé de regaler, à ce qu’il m’a mandé. Voïez, je vous prie, quelle profanation ! du pitrepite à des Bourguemaîtres.

Geronie.

En effet, il ne leur falloit que de la biere.

Clarice.

Ah ! pour de la biere, j’en ai d’Angleterre, elle est admirable : nous en boirons, si tu l’aimes.

Geronie.

Voilà donc tout le regale que vous préparez ;

Clarice.

Nous nous mettrons à table à cinq heures [254] je conte bien que vous y serons jusqu’à minuit ; après nous aurons des pipes & du tabac. Il faut voir quel tabac. N’avez-vous jamais fumé ?

Geronie.

Hélas ! Madame, je suis une pauvre Provinciale, qui crois encore que le regale que vous me proposez ne convient qu’à des ivrognes. Je suis si fort de mon païs, que je ne puis me persuader que vous m’aïez parlé serieusement, ni qu’une débauche de goujats puisse être jamais du goût d’une honnête femme. ◀Diálogo ◀Satire ◀Nível 2 ◀Nível 1