Sugestão de citação: Justus Van Effen (Ed.): "XIII. Dialogue", em: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\013 (1723-1725), S. 243-248, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2047 [consultado em: ].
Nível 1►
XIII. Dialogue.
Nível 2► Satire► Diálogo► Metatextualidade► D’un Prédicateur, & d’un Paisan. ◀Metatextualidade
Le Paysan.
Ah! Monsieur le Predicateur, que vous fîtes hier un beau sermon ? Je me fourrai, en allant chez mon Procureur, dans l’Eglise où vous prêchiez. Que de beau monde vous aviez ! On dit que le Roi y étoit ; tant y a, tout étoit plein de carrosses, & c’est tout ce que je pûs faire que de vous entendre. J’étois auprès de gens qui n’écoutoient point, & qui nommoient par nom & par surnom tous les Monsierus & toutes les Madames de l’auditoire. Ils dirent en sortant, que vous aviez fait des merveilles.
Le Predicateur.
Hé bien, mon ami, que voulez-vous ? [244]
Le Paysan.
Je viens, Monsieur le Prédicateur, vous prier de prêcher à la fête de notre Confrerie ; c’est un beau sermon, & notre Curé vous regalera comme il faut.
Le Predicateur.
Hé ! mon ami, sçavez-vous à qui vous parlez ? C’est bien à moi à qui on s’adresse pour une Confrérie du Village ?
Le Paysan.
Ah ! ne le prenez pas ainsi ; nous avons l’accoutumance d’avoir de bons Prédicateurs. L’année passée ce fut un Minime qui prêcha notre Confrérie ; l’année d’auparavant nous eûmes un Cordelier : c’étoit un grand Prédicateur que celui-là ; il prêchoit quatre fois par jour sans se moucher ni cracher.
Le Predicateur.
Allez, allez, mon ami, retirez-vous, & allez chercher vos Prédicateurs aux Cordéliers ou aux Minimes.
Le Paysan.
Oh ! palsangué, Monsieur, ce sont de bonnes gens, qui prêchent Dieu, & qui ne se [245] font point tant tirer l’oreille. Si est-ce pourtant qu’il faut bien que vous ne prêchiez ; n’est-ce pas là votre métier ? Nous vous païerons tout aussi-bien que d’autres.
Le Predicateur.
Vous êtes un insolent. Est-ce que je prêche pour de l’argent ? Vous ne sçavez gueres à qui vous parlez.
Le Paysan.
Hé ! pourquoi prêchez-vous donc ?`
Le Predicateur.
Je prêche pour convertir les ames, pour établir la Religion, pour faire honorer Dieu
Le Paysan.
Ah ! Monsieur, c’est justement ce que nous demandons ; car voïez-vous, nous ne voulons point de ces Prêcheurs qui ne viennent que pour faire la quête. O ça, notre Confrérie est le jour de. . . .
Le Predicateur.
Retirez-vous, encore une fois : vous me faites perdre mon tems, & si l’on sçavoit seulement qu’un Païsan a eu l’insolence de me [246] proposer un Sermon de Village, cela feroit tort à ma réputation. Sçachez une bonne fois, mon ami, que je ne prêche point au Village. Il y a vingt Paroisses à Paris, qui n’oseroient prendre la hardiesse que vous prenez. On sçait bien qui je suis ; & après avoir prêché au Louvre. . . .
Le Paysan.
Est-ce que notre Confrérie n’en vaut pas bien une autre ? Si vous prêchiez pour de l’argent, passe ; mais vous dites que vous n’en voulez point, & que vous ne prêchez que pour convertir les ames : N’avons-nous pas des ames à notre Village ?
Le Predicateur.
Voilà de belles ames ! C’est bien celles-là qu’un Prédicateur à la mode se soucie de convertir.
Le Paysan.
Hé ! quoi ; ne sommes nous pas Chrétiens ?
Le Predicateur.
Ouï, mon ami ; mais chacun a ses talens : le mien n’est point destiné à des ames de Village, je n’ai point de Sermon qui leur convienne ; vous ne m’entendriez seule-[247]ment pas, tant mes discours sont au-dessus de votre portée. Mais je suis bien fou de m’amuser à vous rendre compte. . . .
Le Paysan.
Je vous demande pardon, Monsieur, je ne sçavois pas que vous fussiez si grand Monsieur. Notre Curé m’avoit dit que les Prédicateurs n’avoient point d’autre qualité à soutenir que celle de Prédicateur ; & que tout leur étoit bon pourvû qu’ils trouvassent des gens à instruire ; nous sommes un peu glorieux dans notre Village, nous nous croïons aussi bons que d’autres pour être préchez. Adieu, Monsieur, je vas <sic> dire à Madame la Duchesse. . . qui est la Dame de notre Village, que vous êtes trop grand Monsieur pour nous ; c’est elle qui a voulu qu’on vous invitât.
Le Predicateur.
Que ne parlez-vous donc ? Quoi ! une Duchesse demande ce Sermon-là ? Y sera-t-elle ?
Le Paysan.
Si elle y sera ! ouï vraiment elle y sera, & bien d’autres Duchesses encore, sans compter les Marquises & les Comtesses. C’est elle [248] qui doit vous mener dans un carosse à six chevaux.
Le Predicateur.
Que ne vous expliquiez-vous d’abord ? si j’avois sçû qu’une Duchesse. . . . Allez, mon ami, dites-lui que j’aurai l’honneur de lui faire ma réponse moi-même, & que je ne puis la refuser.
Le Paysan.
Ma foi, vous ferez bien de lui faire votre réponse vous-même ; car pour moi, tout ce que je pourrois lui dire, c’est que si vous ne prêchez pas pour de l’argent, vous préchez pour quelque chose de pis. ◀Diálogo ◀Satire ◀Nível 2 ◀Nível 1