Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "III. Dialogue", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\003 (1723-1725), S. 154-155, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2037 [aufgerufen am: ].
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III. Dialogue.
Ebene 2► Satire► Dialog► Metatextualität► De Cornelie Dame du Monde, & de Clelie Fille à marier. ◀Metatextualität
Quand faudra-t-il donc, ma belle Demoiselle, vous faire des complimens ? je suis persuadée que cela ne tardera pas, & que vous serez mariée cet hiver : Madame votre Mere le souhaite fort.
Il est vrai que j’ai lieu de me loüer de ma Mere ; il ne tient pas à elle, que je ne trouve un party tel que nous le souhaitons, & tous les jours, elle & moi, nous en cherchons un dans le Dictionnaire de Morery. [155]
Que voulez-vous dire dans le Dictionnaire de Morery ?
Ouï, Madame, c’est-là ou on trouve des gens de la condition qui nous convient, & vous sçachez que je ne veux me marier qu’à un homme de grande qualité. Je veux un mari d’un beau nom, d’une maison ancienne, & dans l’épée. On nous avoit parlé du fils d’un Gouverneur de Province ; mais on en dit assez peu de chose, & nous n’y voïons, ni Cordons bleu, ni Maréchaux de France.
N’est-ce pas assez, que cette famille soit d’une ancienne Noblesse, que ce Gouverneur de Province ait du bien, & que son fils soit en passe de devenir un jour Maréchal de France& Cordon-bleu ?
Hé si, Madame, est-ce là être de qualité ? Nous voulons un mari qui ne soit pas le pre-[156(mier de sa race qui ait eu ces distinctions, dont les parens ayent été quelque chose, & qui puisse dire Monsieur mon Pere, Madame ma Mere.
Je crains fort que vous ne soyez pas si-tôt mariée.
Ho ! que si ; nous n’en sommes qu’à la moitié du Dictionnaire, & nous avons déjà trouvé plus de dix familles où il doit y avoi <sic> des garçons à marier.
Vous en trouverez encore d’autres sans doute ; je change donc de sentiment, vous serez mariée avent que d’avoir achevé votre Dictionnaire.
Non, nous le lirons jusqu’au bout, afin de pouvoir choisir entre les familles de qualité que nous y trouverons.
C’est-à-dire que, dès que vous aurez trou-[157(vé quelqu’un tel que vous le cherchez, vous l’épouserez, bien assurée qu’on ne vous refusera pas.
Me refuser, moi ! ho ! ma chere Madame, vous ne sçavez donc pas le bien qu’on me donne en mariage ?
Je sçai que vous êtes un fort bon parti ; mais croïez-vous qu’il n’y en ait pas d’aussi bon que vous ?
D’aussi bon ! Non assurément. Depuis que je me connois, j’ai entendu tout le monde me dire que j’étois le meilleur parti de France, & qu’il ne tiendroit qu’à moi de choisir dans les Maisons les plus qualifiées.
Vous n’avez qu’une chose à craindre ; c’est de ne pouvoir de votre côté trouver un parti assez bon pour vous.
Ne pensez pas vous en moquer ; je comp-[158(te assurément que le parti, quelque avantageux qu’il puisse être, sera fort au-dessous de moi, & que le mari que j’épouserai m’aura assez d’obligation, pour me laisser la maîtresse, & n’attendre de moi aucune complaisance : c’est la moindre chose que je doive esperer.
Quelque riche que vous soïez, votre mari voudra être le maître.
Lui ! il n’osera, je vous en répons, il craindra trop que je ne me fasse séparer, & qu’il ne soit obligé de me rendre mon bien.
Il n’y a pas moyen de vous contredire plus long-tems. Ouï, Mademoiselle, vous vous marierez à qui il vous plaira ; vous serez la maîtresse, on n’osera vous contraindre.
Vous voulez railler ; mais quoi ! est-ce que les filles qui ont du bien autant que j’en ai, se marient autrement ? suis-je la seule. . . . [159(
Non, Mademoiselle, vous n’êtes pas la seule qu’on ait renduë folle, à force de lui dire qu’elle est un bon parti. . . ◀Dialog ◀Satire ◀Ebene 2 ◀Ebene 1