Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "I. Dialogue", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.3\001 (1723-1725), S. 141-146, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2035 [aufgerufen am: ].
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I. Dialogue
Ebene 2► Satire► Dialog► Metatextualität► D’un Pere de Famille & de Philinthe son Ami. ◀Metatextualität
Vous me voyez bien embarassé, Monsieur, mon ami, je veux marier mon fils, on m’offre trois partis, & je ne sçai auque me déterminer.
C’est une marque qu’ils sont tous trois également bons : Qu’en dit Monsieur votre fils ? il est d’âge à s’en pouvoir rapporter à lui. Pour lequel de ces trois partis panche-t-il le plus ?
Je pense que vous vous moqués : est-ce la mode qu’un Pere consulte ses enfans quand il veut les marier ? mon fils ne sçait pas seulement que je pense à cela, il ne sçaura qu’on [142] le marie, & ne verra la femme qu’il épouse, que quand il faudra aller à l’Eglise : c’est bien pour lui que je veux faire cette affaire ! c’est pour moi ; j’ai besoin d’appui & de mettre dans ma maison le plus d’argent que je pourrai.
Hé-bien, si cela est, il faut prendre celui de ces trois partis qui est le plus riche, & qui peut vous appuïer le plus ; mais je croi pourtant qu’il seroit bon que Monsieur votre fils en sçût quelque chose.
Hé, pourquoi voulez-vous que mon fils le scache <sic> ? encore une fois cela ne le regarde pas.
Cela ne le regarde pas ! Quoi ! N’est-ce pas lui qui y est le plus interessé ?
Lui ! & quel interêt peut-il y avoir ? il est fort content & fort à son aise avec ce que je lui donne : il n’a pas besoin de femme, si je lui en donne une, c’est parce que cela m’est absolument nécessaire dans l’état de ma fortune. [143]
Mais la femme que vous lui donnerez sera sa femme ; il faudra qu’il vive bien avec elle.
Hé ! qui l’empêchera de bien vivre ?
Pouvez-vous répondre qu’il l’aimera & qu’il en sera aimé ?
Oh ! il est bien question de s’aimer pour bien vivre ensemble : mon fils est raisonnable, & il n’est pas necessaire qu’il aime sa femme & qu’il en soit aimé : je suis sûr qu’il fera bon ménage.
Mais, si sa femme le fait enrager ?
Hé-bien, il enragera, & n’en dira rien : Sera-t-il le premier ? elle sera toûjours sa femme, nous aurons touché son bien, & elle nous aura donné de l’alliance : c’est tout ce que nous demandons. [144]
Puisque vous ne voulez pas consulter Monsieur votre fils, pour sçavoir s’il aimera sa femme, vous devriez le faire pour sçavoir s’il sera d’humeur à souffrir que la femme le fasse enrager ?
Hé ! pourquoi, mon ami, nous embarrasser avant le tems ; il prendra bien mieux son parti quand il sera marié.
Et s’il ne prend pas le parti que vous voulez ; s’il fait alors de l’éclat & s’il maltraite sa femme ?
Je le desheriterai.
Voilà d’étranges extremitez : vous pourriez, ce me semble, prévenir tout cela, en lui donnant le choix des partis qu’on vous offre.
Et s’il ne choisit pas celui qui me convient [145] le plus, ou s’il ne veut aucun des trois ? Voilà des extremitez bien plus étranges. Voulez-vous que je manque une occasion avantageuse, & que je ne marie pas mon fils, parce qu’il ne voudra point être marié ? vous me donnez-là de beaux conseils.
Mais si la fille que vous voulez qu’il épouse, n’est pas d’humeur à se marier, sans connoître celui qu’on lui doit donner ?
Ouï, vous connoissez bien les filles qu’on marie aujourd’hui ; la derniere chose à laquelle elles pensent, est le mari qu’elles épousent ; elles ne veulent se marier que pour avoir un équipage, & aller seules par tout où il leur plaira.
Si cela est, vous avez raison, & il n’est pas juste qu’un homme qui se marie connoisse la femme qu’il doit épouser, puisque la fille qu’il épouse ne se soucie pas de connoître celui qui doit être son mari. Les choses doivent être égales. Monsieur votre fils trouvera du bien en se mariant, sa femme aura un bel équipage, cela fera le meilleur mariage du monde ; ils auront l’un & l’autre [146] tout ce qu’ils cherchent en se mariant : Comment pourroient-ils ne pas bien vivre ensemble ? Pardonnez moi, Monsieur, si j’ai osé vous contre-dire ; j’avois crû jusqu’à present qu’il falloit se connoître, avant que de se marier. ◀Dialog ◀Satire ◀Ebene 2 ◀Ebene 1